«L’AFFAIRE BOUGAZELLI EST UNE HONTE POUR LA RÉPUBLIQUE…»
L'ancienne ministre des Télécommunications, Fatou Blondin Ndiaye Diop, fait le tour de l'actualité sociopolitique nationale et répond à ceux qui estiment que le mouvement "Aar Li ñu Book" s’est considérablement essoufflé au point d’être déclaré mort-né

Ancienne ministre des Télécommunications sous le régime du président Abdoulaye Wade, Mme Fatou Blondin Ndiaye Diop est une membre très influente et co-coordinatrice de la plateforme citoyenne « Aar Li ñu Book ». Femme charismatique et éloquente, elle répond à ceux qui estiment que le mouvement s’est considérablement essoufflé au point d’être déclaré « mortné ». Entretien exclusif !
Le Témoin: Quelle lecture faites-vous de l’arrestation suivie de placement sous mandat de dépôt de l’ex-député Seydina Fall Bougazelli accusé de faux monnayage ?
Fatou Blondin Ndiaye Diop : Une lecture à la fois négative et gênante ! Car si le présumé auteur des faits était un délinquant de rue, on aurait compris et relativisé. Mais quand il s’agit d’un député de la République, membre très influent du pouvoir, pris en flagrant délit de trafic de faux billets de banque, il y a de quoi avoir peur pour mon pays ! Comme dans un film policier, les faits sont effrayants compte tenu des premiers éléments publiés dans la presse et issus de l’enquête préliminaire rondement menée par des gendarmes professionnels et assermentés. C’est vraiment regrettable de le dire, mais l’affaire Bougazelli est une honte pour la République !
Son placement sous mandat de dépôt est quand même un ouf pour l’Etat de droit…
Ecoutez ! Les faits tels que présentés ne peuvent nullement se réduire à un ouf de soulagement. Car le mal est déjà fait ! Un mal contre la République et l’Assemblée nationale qu’incarnait Seydina Fall Bougazelli au moment des faits. Vous savez, dans cette affaire, la pression de l’opinion et l’influence médiatique étaient si intenses que les autorités politiques ne pouvaient pas ne pas laisser la Gendarmerie et la Justice faire leur travail. Par ailleurs, ce que je déplore et condamne, c’est le fait que Bougazelli ait été libéré lors des premières heures de sa garde-à-vue. N’a-t-il pas pu entre temps organiser sa défense ou faire disparaitre une partie du matériel fabriquant des billets ? Dieu seul sait ! Dans tous les cas, souhaitons qu’il aura droit à un procès juste et équitable au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés. Pour le reste, que le montant soit 32 millions cfa ou 32 milliards cfa en fausses coupures noires ou lavées, qu’importe ! En effet, c’est le caractère du faux matérialisant le délit ou le crime organisé qui est grave ! Je suis convaincue que si c’était un farouche opposant au régime comme Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Barthélémy Dias par exemple, qui avait été pris la main dans le sac des faux billets, inutile de vous dire qu’il allait mourir en prison. Allez visiter les prisons, nombreux sont des citoyens ordinaires ou lambda sévèrement condamnés pour simple détention d’un faux billet de 5.000 cfa ou 10.000 CFA. Le trafic, n’en parlons pas !
Le mouvement « Aar linou bokk » n’est-il pas en passe de devenir un mort-né ?
(Rires) Mort-né ? Jamais ! Car le mouvement « Aar Linou Book » vient juste de naitre compte tenu de nos ambitions et du long chemin à parcourir. C’est vrai que les Sénégalais ont du mal à se mobiliser avec acuité pour les intérêts de la Nation et sur des questions qui n’ont pas un impact direct dans leur vécu quotidien. Un autre aspect est le fait aussi que les populations sont beaucoup plus sensibles à des préoccupations d’ordres confrériques que celles relatives à l’intérêt collectif. Par exemple, durant tous les mois d’octobre et novembre, les Sénégalais étaient préoccupés par le grand Magal de Touba et le Maouloud. Donc, on ne pouvait pas les appeler à des vendredis de mobilisation. Sans oublier qu’au sein du mouvement « Aar li nu bokk », il y a eu également une remise en cause de la stratégie de contestation. Vous n’êtes pas sans savoir que nos manifestions se déroulaient chaque vendredi, et à un certain moment il y a eu des tentatives du régime en place pour discréditer le mouvement. Et surtout de freiner son élan de mobilisation par des interdictions préfectorales qui ont conduit à une situation de flottement.
Cacophonie ou essoufflement ?
Aucun des deux car je préfère le terme « flottement » pour justifier la situation que traverse le mouvement. L’une des causes du flottement réside dans le contexte de naissance de la plateforme. Car, il faut le rappeler, la naissance du mouvement « Aar linu bokk » a coïncidé avec la veille de la fête de Tabaski. Donc, une période où les sénégalais étaient beaucoup plus préoccupés par les préparatifs de la fête. Dans ces conditions, il était très difficile de les mobiliser autour des revendications d’intérêt général. Tous ces facteurs politiques et sociologiques ont constitué des bocages à la bonne marche du mouvement « Aar linu bokk ».
Y-a-il vraiment une opposition au Sénégal comme s’est si bien interrogé « Le Témoin » dans sa dernière édition ?
Justement ! D’ailleurs, je m’offusque de l’article et surtout du titre comme si « Le Témoin » quotidien ignorait tous les actes posés par le mouvement « Aar Linu Bokk ». Car, s’il existe au Sénégal un mouvement qui s’oppose de façon citoyenne, républicaine et surtout responsable, c’est bel et bien « Aar Linu Bokk ». Pour preuve encore, lors de notre assemblée générale tenue samedi à Dakar, la plateforme « Aar Linu Bokk » a invité tous les citoyennes et citoyens à s’opposer farouchement à toute hausse du prix de l’électricité. Car si le gouvernement avait bien géré les permis d’exploration de pétrole et de gaz d’une manière avantageuse pour le pays, il n’aurait pas eu besoin de recourir à la hausse du prix de l’électricité. Et comme dans de pareille situation, le mouvement se réserve le droit d’organiser la lutte du peuple sénégalais pour refuser de supporter les errements, l’incurie et l’incompétence du gouvernement de Macky Sall. Et le moment opportun, vous verrez s’il y a encore une opposition ou pas au Sénégal.
Comment comptez-vous mener votre mandat de six mois à la tête de la plateforme « Aar Linu Bokk » ?
D’abord, permettez-moi de féliciter les deux co-coordonnateurs sortants, le Dr Cheikh Tidiane Dièye et M. Aliou Sané pour leur travail remarquable. Ils ont un bilan très positif. En compagnie de l’autre co-coordinateur, Guy Marius Sagna, ainsi que de l’ensemble des autres membres, on va définir les enjeux afin de se remobiliser pour se remettre en marche. Car, jusqu’à présent, le sujet « pétrole » reste entier dans la mesure où le procureur de la République a transmis le dossier au juge et les auditions continuent. Cependant, il faut comprendre qu’Aar linu bokk n’est pas affaire d’immédiateté ou une course de vitesse. C’est une course de fond. C’est un combat d’activistes citoyens contre l’Etat et des multinationales comme BP pour la récupération des ressources au profit du peuple sénégalais. C’est pourquoi, ce sera un combat de longue haleine avec une cadence qui demande un engagement patriotique. Et je reste optimiste sur le fait que, tôt où tard, le peuple sénégalais va prendre conscience de l’éminence des enjeux qui sous tendent la cause défendue par la plateforme « Aar linu bokk ».
La question du troisième mandat préoccupe-t-elle « Aar Linu Bokk » ?
La question tant agitée du troisième mandat n’est pas encore un sujet d’actualité pour le mouvement. Parce que la plateforme Aar linu bokk se focalise sur l’essentiel à savoir la préservation de nos ressources naturelles notamment celles petro-gazières dont la gestion reste aujourd’hui très polémique. Pour le reste, à ce que je sache, il n’y a aucun acte administratif posé par le président Macky Sall laissant penser qu’il s’achemine vers un troisième mandat d’autant plus que la constitution est claire sur la limitation des mandats à deux. Donc, je suis convaincue que c’est juste un débat « politicien ».