L’AFFAIRE DES HEURTS À MBACKÉ CRIMINALISÉE
De simples délits, les chefs reprochés aux 69 manifestants lors des émeutes à Mbacké et présentés au procureur passent aux charges de crimes

De simples délits, les chefs reprochés aux 69 manifestants lors des émeutes à Mbacké et présentés au procureur passent aux charges de crimes. Un retournement de situation qui intervient après que le procureur de Diourbel a corsé le dossier avec pas moins de six infractions qui font que les mis en cause sont passibles de la Chambre criminelle.
Sur les soixante-neuf personnes arrêtées par les forces de défense et de sécurité vendredi passé lors d’affrontements avec les militants et sympathisants du Pastef à la commune de Mbacké, dix ont été placés sous mandat de dépôt hier mardi 14 février 2023, au terme de leur face-à-face avec le magistrat instructeur. Les cinquante-neuf, dont le marabout politicien Serigne Assane Mbacké, ont bénéficié d’un deuxième retour de parquet et ont passé la nuit au commissariat central et à la brigade de gendarmerie de Diourbel. Ils seront fixés sur leur sort ce mercredi matin. Mais l’affaire qui était préalablement fondée sur les délits de participation à une manifestation non autorisée et dégradation et destruction de biens privés a fini par prendre d’autres proportions.
Les soixante-neuf personnes visées dans cette affaire vont probablement toutes être jugées non pas en flagrant délit, mais devant la Chambre criminelle. Et pour cause, le procureur près le tribunal de grande instance de Diourbel a finalement corsé l’affaire avec six infractions qui ont complètement changé la donne. C’est Mamadou Saydou Diao, le substitut du procureur général Aly Ciré Ndiaye, qui a livré les détails ce mardi dans un communiqué rendu public. «Sur le fondement des dispositions de l'article 11 alinéa 3 du code de procédure pénale, nous portons par voie de presse, à la connaissance du public. Au cours de ce mois de février 2023, des membres du Parti politique dénommé PASTEF ont adressé une demande de tenir un meeting à Mbacké, au préfet du département. Cette autorité, par l'arrêté préfectoral nº122 du 07 février 2023 décidait d'une interdiction basée sur une inobservation de certaines conditions de forme légalement requises.
Sur ces entrefaites, avant même que la Cour suprême, saisie pour un référé administratif par les préposés à l'organisation de la manifestation, ne se prononçât, certains cadres du parti dans le département, dont Serigne Assane Mbacké, ont proclamé publiquement que même sans autorisation, leur manifestation aura lieu (vidéo disponible sur Youtube)», déclare-t-il d’emblée. «Ainsi, poursuit-t-il, pour parer à toutes éventualités, les éléments des forces de défense et de sécurité, dans le cadre de leur mission de maintien de l'ordre public et de protection des personnes et de leurs biens, avaient mis en place un dispositif sécuritaire pour le respect strict de l'arrêté préfectoral. En tout état de cause, dans la matinée du 10 février 2023, des groupes de personnes ayant décidé de braver l'interdiction administrative, érigeaient des barrières et commençaient à brûler des pneus sur certaines artères de Touba et Mbacké. Dans l'après- midi, aux environs de 15 heures, les manifestants, de plus en plus nombreux, se sont attaqués aux forces de l'ordre et se sont livrés à des actes de vandalisme et de pillage au niveau de trois stations d'essence, dont l'une a été incendiée, outre le saccage de l'agence Sonatel de Ndam et de la boutique Sen Chan. D'autres propriétés publiques et privées ont été également endommagées au niveau du poste de perception de Touba, du siège de Serigne Modou Bara Dolly. De même, des véhicules de police et de Senico ont été caillassés.»
Le substitut Mamadou Saydou Diao de poursuivre : «Sur ces entrefaites, les forces de l'ordre ont procédé sur les lieux à l'arrestation de soixante-neuf (69) individus qui auraient pris part à ces faits d'une particulière gravité, ayant profondément troublé l'ordre public et porté atteinte à la sécurité des personnes et des biens.
L'ouverture d'une information judiciaire a été requise pour les individus déférés pour les infractions de participation à un rassemblement et à des actions diverses (article 98 du Code Pénal); dégradation de biens (article 225 du Code Pénal); dommage à la propriété mobilière et immobilière d'autrui (article 13-6 du Code des Contraventions); - instigation pour participation à un rassemblement et à des actions diverses ayant causé des dommages aux biens ou à des personnes (article 98 du Code Pénal); manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique, ou à occasionner des troubles politiques graves, ou simplement à enfreindre les lois (article 80 du Code Pénal)».
Pendant ce temps, les leaders de Pastef de Mbacké, avec à leur tête son coordonnateur départemental, le député Serigne Cheikh Thioro Mbacké, avaient pris d’assaut le palais de justice pour constituer un pool d’avocats pour défendre les manifestants dont les proches et familles cachaient encore maladroitement leur désarroi.
Certaines sources du côté du parquet ont rapporté que les mis en cause risquent de passer plus d’une année en prison, jusqu’après la Présidentielle de 2024, pour la bonne et simple raison que l’instruction de ce dossier pourrait prendre plus de temps que les autres. C’est dire que cette affaire qui n’a pas encore livré tous ses secrets est très loin de connaître son épilogue.