L’ASSEMBLEE NATIONALE NE FAIT PLUS DE BRUIT
Même s’ils étaient indexés de ne pas représenter le peuple, les députés occupaient souvent le devant de la scène pour se prononcer sur l’actualité politique nationale.

Même s’ils étaient indexés de ne pas représenter le peuple, les députés occupaient souvent le devant de la scène pour se prononcer sur l’actualité politique nationale. En temps normal, leurs préoccupations et autres sollicitations en Commission comme en plénière faisaient écho dans l’espace public. Mais la déclaration de l’état d’urgence suivi du vote de la loi d’habilitation semble avoir douché leurs ardeurs.
Si ce n’était pas des empoignades au sein de l’hémicycle, les élus assuraient la bataille médiatique à la veille ou au lendemain du vote des lois. A défaut, certains d’entre eux n’hésitaient pas à interpeller le gouvernement sur des questions d’intérêt public à travers des questions écrites ou orales. Mais depuis la déclaration de l’état d’urgence suivie du vote de la loi d’habilitation, les députés ont laissé le champ libre au gouvernement.
En réalité, l’Exécutif est de moins en moins inquiété. Il n’a qu’une seule question orale à notre connaissance posée au gouvernement depuis l’apparition de la Covid-19 dans le pays. Et elle ne porte pas sur la gestion de la crise mais plutôt sur les conditions d’octroi de licences de pêche à des privés étrangers. Au moins, le député d’Aj/Pads, Mamadou Diop Decroix, aura sauvé la face. Et pourtant, on ne peut pas dire que les questions manquent, vu les conditions d’attribution des marchés et de transport des denrées aux ménages les plus pauvres pour réduire les effets socio-économiques de la crise. Aussi, le ministre de la Santé et de l’Action sociale devrait-il être interpellé sur de nombreux aspects dans la gestion sanitaire de cette pandémie.
Sans compter les autres départements ministériels qui n’ont pas su définir une stratégie claire de gestion de crise. Les conditions exécrables d’organisation de la distribution du pain par le ministre du Commerce et des vivres par Mansour Faye sont passées par là ainsi que la reprise ratée des enseignements/apprentissages, entre autres sujets à aborder à l’hémicycle. Quid des scandales fonciers ? Au moins les commissions dédiées auraient pu entendre les mis en cause. A un moment, on a l’impression que l’Assemblée nationale a pour seule mission de voter des lois et qu’en période d’état d’urgence, elle perd une partie de ses pouvoirs. Que nenni ! Selon l’enseignant en Droit public Ndiogou Sarr, la loi d’habilitation n’interdit pas à l’Assemblée nationale de fonctionner. La preuve, dit-il, l’Assemblée nationale a voté, au mois de mai dernier, le projet de loi portant à 65 ans l’âge d’admission à la retraite pour les travailleurs relevant de professions ou emplois dont les conditions d’accès et d’exercice sont spécifiques. Non sans relever auparavant le vote de la loi d’habilitation au bénéfice du président de la République, dans le cadre de la lutte contre la pandémie.
Ainsi, dit-il, en la matière, pour les questions d’ordre budgétaire, économique et sécuritaire, le chef de l’Etat peut intervenir de plein droit dans le domaine de la loi en prenant une ordonnance. Néanmoins, il affirme que l’Assemblée garde ses prérogatives. «A chaque fois qu’elle souhaite avoir une information de la part du gouvernement, elle peut effectivement lui envoyer une question. Et rien ne dit qu’elle n’a pas envoyé des questions », a déclaré Ndiogou Sarr.
En réalité, il affirme que l’Assemblée n’est pas en vacance et qu’elle fonctionne même si chacun peut avoir des appréciations sur son mode de fonctionnement. Le Parlement a juste prêté à l’Exécutif, particulièrement au président de la République, son pouvoir législatif dans les domaines qui touchent la pandémie, soutient-il. «Mais on n’a pas dit que l’Assemblée ne peut plus entendre les ministres. Tous les pouvoirs et toutes les prérogatives de l’Assemblée nationale restent intacts. Est-ce qu’elle l’utilise ou pas ? C’est ça la question », affirme Monsieur Sarr qui, dans la foulée, laisse entendre que les députés peuvent bel et bien envoyer des questions écrites ou orales.
«L’ASSEMBLEE SEMBLE INERTE PARCE QU’ELLE N’A PAS L’HABITUDE DE PROPOSER DES LOIS»
Par ailleurs, il estime que l’Assemblée est en train de siéger de façon timide et que cela se comprend dans la mesure où elle n’est pas habituée à faire des propositions de loi. Souvent, dit-il, c’estl’Exécutif qui demande à voter une loi et s’il ne le fait pas, l’Assemblée semble être inerte et en vacance. Donc, cela montre encore le déficit qu’on a au niveau des propositions de loi, a martelé l’enseignant en Droit public. Ndiogou Sarr de dire que ce qui peut être sujet à débat, c’est le fait que le Parlement change sa méthode de siéger. «Ce n’est pas tous les parlementaires qui sont maintenant convoqués. L’Assemblée a décidé de réduire au minimum nécessaire le nombre de parlementaires qui doivent siéger au niveau des Commissions et au niveau de la plénière pour adopter des lois. Et dans d’autres pays, avant de prendre une telle décision, elle aurait d’abord demandé au Conseil constitutionnel», a conclu Monsieur Sarr.