LAXISME AUTOUR DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES
Absence de cadre juridique, refus de déposer les bilans financiers, volonté politique inexistante,,, Comment contrôler les financements des partis politiques et avoir plus de lisibilité sur l’origine de leurs ressources ?

«Enjeux démocratiques et sécuritaires es élections locales en2022 : La problématique du financement des partis politiques. » tel est le thème du panel virtuel organisé hier par l’organisation «Legs Afrique». A cette occasion, l’expert électoral Valdiodio Ndiaye s’est exprimé sans langue de bois sur le sujet. Il a ainsi dénoncé le laxisme autour du financement des partis politiques avant de proposer des pistes de solutions.
Comment contrôler les financements des partis politiques et avoir plus de lisibilité sur l’origine de leurs ressources ? Cette question revient souvent dans les débats publics. Mais elle est tout le temps esquivée aussi bien par les autorités publiques que les acteurs du jeu politique. A vrai dire, il y a flou total autour des financements.
A en croire l’expert électoral et membre du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce), Valdiodio Ndiaye, il est difficile de dire là où proviennent ces ressources. «La manne financière est tellement importante que d’aucuns considèrent les campagnes électorales comme une période de traite pendant laquelle il faut tirer le maximum de revenus chez les politiciens. Personne ne peut dire aujourd’hui exactement d’où ces candidats aux élections locales tirent leurs ressources pendant ces élections locales. Sous ce registre, c’est la loi de l’omerta», se désole t-il.
Selon Monsieur Ndiaye, la situation est préoccupante et requiert d’encadrer ce secteur pour ne pas tomber dans des dé- rives. «Il y a une urgence d’encadrer tout le processus électoral ainsi que ceux qui aspirent à nous gouverner», souligne-t-il. Pour lui, il y a le risque que les candidats soient financés par des vendeurs de drogue ou le terrorisme international. «Il y a aussi d’autres risques avec l’apparition du pé- trole et du gaz dans le pays. Sous ce rapport, il est important de travailler sur un encadrement très solide de ces questions et de mettre en place des dispositions de coercition vis-à-vis des hommes politiques afin de préserver l’intérêt supérieur de la nation», indique Valdiodio Ndiaye avant de préconiser un système de plafonnement du financement ou des audits avant tout remboursement de caution à la fin du processus électoral. «Ces questions devraient être traitées avec les partis politiques pour trouver des accords substantiels et les régler définitivement. La société civile doit s’impliquer davantage pour que tout cela se réalise», affirme Valdiodio Ndiaye.
PASTEF, UN EXEMPLE A SUIVRE
Par ailleurs, l’expert électoral a insisté sur l’absence d’un cadre juridique régissant le financement des partis politiques. A l’en croire, il y a une nécessité absolue de travailler sur le cadrage juridique du système de financement des partis politiques. «Pour des questions de sécurité nationale ou de préservation des acquis démocratiques, il faut veiller au financement des partis. Sinon, n’importe qui peut faire n’importe quoi», clame-t-il. Valdiodio Ndiaye estime dans la foulée que c’est le ministère de l’Intérieur qui a la charge administrative des formations politiques dans leur globalité. Normalement, informe-t-il, chaque année, celles-ci doivent déposer auprès de cette autorité un rapport financier explicite. Mais, se désole-t-il, si on applique les dispositions de cette loi, pratiquement tous les partis politiques sénégalais seraient dissouts. A l’en croire, même les grands partis comme l’Apr et le Pds ne seraient pas épargnés. «Il y a beaucoup de laisser-aller dans ce domaine. Il n’y a aucun suivi. Le bureau qui a en charge cette question au ministère de l’Intérieur ne fait malheureusement pas son travail», regrette-t-il. Dans ce lot de hors-la-loi, seul le Pastef se détache. En effet, Monsieur Ndiaye soutient que les Patriotes déposent chaque année, de façon systématique, leurs rapports financiers. «Pastef le fait très bien. Et les autres partis devraient s’en inspirer», préconise t-il. Si aujourd’hui Ousmane Sonko et Cie publient facilement leur rapport financier, dit-il, c’est parce qu’il fait souvent recours au principe de la souscription populaire. «Les partis de gauche l’avaient instauré il y a longtemps. Mais Ousmane Sonko et Cie ont su le moderniser en faisant surtout recours à internet», déclare-t-il.
UN CODE DES PARTIS POLITIQUES DANS LES TIROIRS
En outre, Valdiodio Ndiaye est revenu sur la pléthore de partis politiques, 318 environ. Il renseigne cependant que dans ce lot, on peut relever une centaine d’entités qui n’existent plus. Par conséquent, il appelle les autorités à procéder au toilettage des archives des formations politiques et à faire des réformes. Il rappelle également qu’un travail a été déjà fait dans ce domaine par la société civile en collaboration avec le ministère de l’Intérieur du temps d’Abdoulaye Daouda Diallo. «Il a été proposé un Code des partis politiques assez révolutionnaire qui permet d’assainir le milieu. Aujourd’hui, ce projet est toujours dans les tiroirs du ministère de l’Intérieur. Ce Code avait instauré le principe de cotisation, la nécessité d’avoir une adresse physique, le dépôt systématique du bilan financier, l’établissement d’une liste des militants, … Malheureusement, cela n’a pas été suivi. On a trop écrit sur ces questions. Il suffit juste de les adopter et de les appliquer. Malheureusement, Macky Sall a tout mis sous le coude», se désole Valdiodio Ndiaye. Poursuivant, il soutient que depuis 1998, des propositions les plus révolutionnaires, les unes que les autres, ont été avancées par rapport à l’amélioration de l’environnement politique au Sénégal. Il s’agit de travaux menés par le professeur El hadj Mbodj, ceux des Assises nationales et du dialogue politique. «Tout cela a été compilé et soumis à l’Etat», ajoute-t-il.
Finalement, il dit être convaincu que tout cela bloque à cause de l’absence d’une volonté politique. «J’ai l’impression que le pouvoir ne veut pas que le jeu soit ouvert et transparent. Il ne veut pas que la pratique des formations politiques soit mise à nu afin de donner à la population la possibilité de trancher», a-t-il conclu.