VIDEOLE GRAND MENSONGE DE LA DÉMOCRATIE À L’AFRICAINE
Dans un essai incisif, Ousmane Ndiaye démonte les idées reçues sur la démocratie en Afrique. De la fable du "discours de La Baule" aux prétendues "valeurs africaines incompatibles", l'auteur dénonce les mythes qui alimentent la crise démocratique actuelle

Le journaliste Ousmane Ndiaye vient de publier un essai critique intitulé "L'Afrique contre la démocratie, Mythes, déni et péril" aux éditions Riveneuve, qui promet de faire débat sur le continent. Dans un entretien accordé à France 24, l'auteur déconstruit les idées reçues sur la démocratie en Afrique et dénonce les dérives autoritaires actuelles.
Ousmane Ndiaye s'attaque frontalement aux discours comme celui du colonel Mamady Doumbouya, dirigeant de la junte guinéenne, qui déclarait à l'ONU en septembre 2023 que "ce modèle de démocratie" imposé "après le sommet de la Baule ne marche pas" et n'est pas adapté aux valeurs africaines.
"Postuler que la démocratie n'est pas adaptée aux valeurs africaines, c'est dire implicitement que l'Afrique, les valeurs africaines sont antidémocratiques", rétorque le journaliste. Il rappelle que l'histoire du continent témoigne de l'existence de formes démocratiques traditionnelles : "L'Europe n'a pas inventé la démocratie. La démocratie n'est pas une invention occidentale."
L'auteur dénonce également un autre mythe tenace : celui du discours de François Mitterrand à La Baule en 1990 comme déclencheur de la démocratisation africaine. "Les processus démocratiques ont été bien enclenchés avant la Baule", affirme-t-il. Selon le journaliste de TV5 Monde, ce discours était plutôt "un discours d'opportunisme qui embrasse un mouvement déclenché par les africains, les syndicats, les partis clandestins".
Face à la vague de coups d'État militaires au Sahel, Ousmane Ndiaye introduit le concept de "péril kaki". Il conteste la propagande selon laquelle "les civils ont échoué, il faut essayer les militaires". Au Mali, par exemple, "les militaires l'ont plus longtemps dirigé que les civils" depuis l'indépendance - 36 ans au total.
L'auteur souligne que "l'ingérence des militaires dans les processus politiques" constitue l'un des principaux obstacles à la démocratisation, ces armées étant "ultra-politisées depuis les indépendances".
L'essai n'épargne pas les figures emblématiques du panafricanisme. Ousmane Ndiaye dénonce le "détournement de l'idéal panafricain" par des dirigeants qui, "au nom du panafricanisme et de la lutte anti-impérialisme, ont fait une sorte de régime d'exception de dictature".
Il rappelle que le panafricanisme originel était "totalement lié à la démocratie" et constituait "une aspiration à la liberté" de la diaspora noire. "Le panafricanisme ne s'est jamais épanoui dans des espaces antidémocratiques et dictatoriaux", insiste-t-il.
Ousmane Ndiaye analyse également l'évolution des régimes post-indépendance. Selon lui, les conférences nationales des années 1990, censées rompre avec le parti unique, ont été détournées. Les anciens régimes ont compris qu'il fallait "faire une révolution de palais" en mettant en place des "fictions démocratiques".
Ces régimes disposent d'institutions en apparence démocratiques - "commissions nationales électorales indépendantes qui ne sont pas indépendantes", constitutions favorisant le pouvoir en place - mais sans fonctionnement réellement démocratique. Le Cameroun de Paul Biya illustre parfaitement cette "fiction démocratique" : malgré plusieurs élections, "le fonctionnement de l'État en soi n'est pas démocratique".