LE PUR, UNE ALTERNATIVE RELIGIEUSE FACE À L’ÉCHEC DES PARTIS POLITIQUES LAÏCS ?
Dans la nouvelle configuration politique, à travers déjà les candidatures déclarées au sein de la coalition Yewwi Askan Wi dont celles d’Ousmane Sonko et de Khalifa Sall en particulier, le Pur ne compte pas faire de la figuration

En perspective de l’élection présidentielle fixée par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Antoine Diome, au 25 février 2024, le Pur (Parti de l’Unité et du Rassemblement) a sonné la mobilisation lors de son méga-meeting tenu dimanche dernier à Guédiawaye. A cette occasion, les vert-blanc ont investi leur guide religieux Serigne Moustapha Sy pour être leur candidat. Dans la nouvelle configuration politique, à travers déjà les candidatures déclarées au sein de la coalition Yewwi Askan Wi dont celles d’Ousmane Sonko et de Khalifa Sall en particulier, le Pur ne compte pas faire de la figuration.
En célébrant ses 25 ans d’existence, ce weekend, le Parti de l’unité de Rassemblement (Pur) en a profité pour investir son Guide en perspective de la présidentielle de2024. Certes, son candidat, Pr Issa Sall, n’avait pas réalisé un bon score lors de la présidentielle 2019 mais le parti de Serigne Moustapha Sy avait quand même tiré son épingle du jeu en franchissant notamment la difficile étape du parrainage. Adossé à un mouvement religieux, le mouvement Moustarchidines wal Moustarchidati, le PUR a su survivre aux différentes intempéries politiques survenues en 1994 qui auraient pu aboutir à sa dissolution. Ayant réussi jusquelà à naviguer dans les flots agités de la vie politique sénégalaise, la barque Pur veut jouer un rôle incontournable dans l’opposition. Pour ce faire, ce parti « religieux » compte de nouveau présenter un candidat à la présidentielle de 2024.
Assane Samb, analyste et directeur de publication de Rewmi quotidien, note la détermination des militants du PUR dont la plupart sont des talibés moustarchidines. Un parti qui a fait 25 ans, ce n’est pas rien. « Le Pur a, comme tous les autres partis, des particularités, des forces et des faiblesses. Faiblesses parce qu’il aura du mal à être un parti populaire, à assoir un ancrage au niveau national en-dehors de la sphère des talibés de ce mouvement. Voilà, il va rester un parti fort, mais un faiseur de rois », prédit le politologue. Selon Assane Samb, toutefois, il sera difficile pour le Pur d’être élu en tant que tel. « Il pourra avoir des maires, des députés, des conseillers etc. Mais pour qu’il y ait un candidat du Pur président de la République, ce sera extrêmement difficile » estime le dirpub de Rewmi quotidien.
Assane Samb : « L’image du Pur est atteinte par le comportement de ses deux députés à l’Assemblée national »
Selon Assane Samb, les actes de violences perpétrés par ses deux députés, Massata Samba et Mamadou Niang, sur de la députée de la majorité présidentielle, Amy Ndiaye Gniby, ont terni l’image du Pur et peuvent avoir un impact négatif sur la perception que les citoyens ont du mouvement politico-religieux. Néanmoins, le politologue veut croire que ce qu’ont fait ces députés n’était pas dicté par la direction de leur parti. Qui ne leur a pas demandé d’agresser une dame. Il ne faudrait pas, selon l’analyste, que le parti verse dans l’erreur du radicalisme en quelque sorte. Ces deux députés ont agi d’une façon répréhensible qui leur a valu la prison. Ceci va influer négativement sur leur parti en général parce qu’il ne faut pas oublier qu’après ces incidents, on a assisté à des milliers de plaintes déposées par les membres du Pur contre la députée Amy Ndiaye Gniby pour manque de respect et injures publiques à l’endroit de leur guide religieux. Donc, quelque part, les membres du Pur sont en train de s’approprier le comportement de leurs députés emprisonnés. Cela ne manquera pas d’influer sur la manière dont les citoyens perçoivent le parti » ajoute Assane Samb.
« Pourquoi Serigne Moustapha Sy ne doit pas se présenter en 2024 »
Selon le directeur de publication de « Rewmi quotidien », dans le contexte actuel, à chaque fois que Serigne Moustapha Sy parle, ses talibés ne voient pas l’homme politique mais plutôt le marabout. Ce qui, d’après le politologue, risque de créer des confusions de genres pouvant aboutir à des actes extrémistes comme ceux qu’on a vus à l’Assemblée nationale. Ce qui lui fait dire au journaliste que ce n’est pas une bonne idée qu’un guide religieux se présente à une élection présidentielle d’autant plus que, souligne-t-il, si vous l’attaquez sur le terrain politique, on peut penser que vous l’attaquez sur le plan religieux ou personnel. « Je pense que ce qui est plus acceptable ou plus simple est qu’il désigne quelqu’un à qui il fait confiance. Maintenant, s’il veut être candidat Oui. On a vu Cheikh Tidiane Sy,son père, contre Senghor. Ce n’est pas nouveau. Il y avait peut-être Gaïndé Fatma contre Senghor… Ce qui aurait été souhaitable est qu’il fasse comme avant. C’est-à-dire qu’il désigne un représentant en qui il a confiance pour porter les couleurs du Pur à la présidentielle » suggère notre interlocuteur.
Pr Moussa Diaw : « Le Pur aurait été un parti beaucoup plus développé s’il n’était pas adossé sur un socle religieux »
Avec le départ de son candidat à la présidentielle de 2019, Cheikh Issa Sall, le Pur a connu des restructurations avec la responsabilisation de nouveaux acteurs politiques. Pour Pr Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint Louis (Ugb), ce qui entrave le Parti de l’unité de Rassemblement, (Pur), c’est d’être un mouvement religieux. « Le Pur aurait dû être un parti beaucoup plus développé s’il n’avait pas cette connotation religieuse qui est la sienne. C’est un parti dirigé par un chef marabout. C’est sur la base des associations religieuses qu’il a été créé pour prendre en charge les préoccupations des Sénégalais » explique Pr Moussa Diaw. Et d’ajouter que le Pur est en train de gagner dans les profondeurs du Sénégal. « La religion va servir de rempart doublée d’activités politiques qui font que ce parti est en train de s’affirmer davantage sur le terrain. Depuis quelques années, Pur est en train de gagner du terrain et se densifier à travers tout le pays » selon l’enseignant-chercheur à de l’UGB.
« La donne peut changer avec les chefs politiques religieux vu l’échec des politiques »
Selon Pr Moussa Diaw, le développement des partis religieux s’explique par l’échec des politiques avec le non-respect des engagements, la mauvaise gestion des biens publics etc. « Ce qui fait qu’on croit davantage aux chefs religieux parce qu’ils sont rassurants sur le respect de la parole en rapport avec l’Islam, la religion. Ce qui fait que beaucoup se réfugient derrière eux. Donc, cette percée religieuse s’explique par l’échec des hommes politiques, qui s’accaparent des leviers du pouvoir, dans leur manière de gérer les deniers publics. C’est cette dynamique qu’on constate maintenant chez les partis religieux qui apparaissent comme une forme d’alternative par rapport à l’échec des politiques » conclut l’enseignant en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Pr Moussa Diaw.