A LA PLACE D'UN FONDS POUR LE CHEF DE L'OPPOSITION, IL FAUDRAIT FINANCER LES PARTIS POLITIQUES
L'enseignant-chercheur en Sciences politiques, Moussa Diaw estime qu'en l’état actuel de la démocratie sénégalaise, on devrait chercher à assainir d’abord le jeu politique

Le débat sur le statut de l’opposition et de son chef a été épuisé par la Commission politique du dialogue national. Faute d’accord, il appartiendra à l’Exécutif de trancher la question. Cependant, l’enseignant-chercheur en Sciences politiques à l'Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, Moussa Diaw estime que la priorité est ailleurs et qu’à l’état actuel de la démocratie sénégalaise, on devrait chercher à assainir d’abord le jeu politique et voir comment financer les partis politiques.
Le titre de chef de l’opposition aiguise les appétits. Surtout que des fonds d’un montant de deux milliards FCFA seraient dédiés, selon certaines informations, à l’«heureux élu». Mais l’enseignant chercheur en sciences politique à l’UGB de Saint-Louis, Moussa Diaw, est contre toute action consistant à dégager de l’argent public pour l’attribuer uniquement à une personnalité politique. A l’en croire, le chef de l’opposition ne devrait pas gérer de fonds et devrait juste se contenter de participer au débat public, de diriger l’opposition en cas de négociations et de donner des avis à son nom sur certains sujets. «Ce statut doit être simplement une reconnaissance au niveau de l’espace public. Et cela devrait s’arrêter là. Il ne faudrait pas lui allouer des fonds», a-t-il soutenu.
En effet, le fait de gérer des fonds ne fera qu’accentuer la division dans les rangs de l’opposition. A la place d’un fonds pour le chef de l’opposition, indique l’enseignant chercheur, il faudrait voir comment financer les partis politiques y compris la majorité. Pour lui, une réforme pour le financement des partis politiques avec une transparence dans la gestion et dans l’utilisation de l’argent public est beaucoup plus importante que le débat sur le statut du chef de l’opposition. Dans la mesure où cela permettra d’éviter les dérives, ajoute-t-il. «En France, quand il a été remarqué les accointances entre le PS et certaines entreprises, l’Etat a commencé à s’occuper lui-même du financement des formations politiques. Une loi a été même votée en ce sens permettant ainsi d’allouer des fonds publics aux partis. A partir de ce moment, l’Etat s’arroge un droit de regard. Il y a une évaluation des fonds attribués par l’Etat chaque année. On doit savoir combien les partis ont dépensé pendant les élections», explique Monsieur Diaw. Il se désole cependant qu’au Sénégal, on n’ait jamais rendu compte aux citoyens ou à l’opinion publique de l’argent utilisé dans telle ou telle autre élection. «La majorité n’a jamais rendu compte des fonds utilisés. On ne sait pas comment, combien et de quelle manière», se désole-til. Poursuivant, l’enseignant et analyste politique estime que ce contrôle est d’autant plus important qu’on évite que les partis soient financés par des étrangers ou manipulés par d’autres forces. Il a appelé également à ce que les partis politiques soient réformés afin qu’ils ne soient pas conçus uniquement comme des fonds de commerce dans le cadre d’un jeu d’alliance, etc.
LA PRIORITE SELON MOUSSA DIAW
Toujours est-il, de l’avis de Monsieur Diaw, que la nécessité est ailleurs dans la mesure où l’urgence est d’essayer de clarifier le jeu politique. «Il est important d’abord de faire en sorte que l’espace politique soit un espace de débat où l’opposition est respectée. Il faut aussi qu’on règle les questions sur le processus électoral, la distribution des cartes d’électeurs, le débat contradictoire, la liberté de manifester et la liberté d’expression.
En plus de permettre l’accès à tous les médias publics notamment la RTS qui doit être un espace où toutes les sensibilités sont représentées. Le CNRA doit être revu dans sa composition et son rôle», clame-t-il. Moussa Diaw trouve aussi fondamental d’assurer la transparence dans l’organisation des élections et l’institution d’une personnalité neutre et consensuelle chargée d’organiser les scrutins. Revenant sur le statut de l’opposition et de son chef, il avoue que la Constitution prévoit la désignation d’un chef de l’opposition, mais sans déterminer des critères de choix. «Certains pensent qu’il faudra choisir le candidat le mieux placé après la majorité à la suite de l’élection présidentielle.
D’autres pensent plutôt à l’Assemblée. Pour eux, le parti qui suit la majorité en termes de représentativité, en nombre de députés doit être le chef de l’opposition. Dans les grandes démocraties, c’est cela qui fonctionne. Le choix se fait à partir de la représentation au niveau de l’Assemblée nationale », a-t-il indiqué. Et si on devrait choisir le chef de l’opposition, Moussa Diaw souhaiterait que cela soit fait à partir de critères précis et qu’il soit issu du parti ou de la coalition ayant le plus grand nombre de députés après la majorité. Mieux, il voudrait que cela soit appliqué à partir de prochaines élections. Selon lui, en plus du rôle que va jouer le chef de l’opposition, il se pose la grande question de savoir si ce statut permet de renforcer la démocratie ou pas.