VIDEOL'ÉPREUVE DE FORCE
La défiance publique d'Ousmane Sonko place Bassirou Diomaye Faye dans une position délicate. "S'il venait à réagir, cela pourrait conduire à une crise de régime", alerte le consultant international Tidiane Dioh

"On ne savait pas très bien si c'est le Premier ministre qui s'exprimait ou si c'est le chef de parti." Cette analyse de Tidiane Dioh, consultant international interrogé par TV5 Monde, résume parfaitement l'ambiguïté du discours prononcé hier par Ousmane Sonko lors d'une réunion du parti Pastef à Dakar. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre s'est attaqué frontalement au président Bassirou Diomaye Faye.
"Évidemment, il a surpris tout le monde", reconnaît Tidiane Dioh, consultant international et fin connaisseur de la politique sénégalaise. L'analyste souligne que cette prise de position marque une rupture : "Il a plus ou moins appelé le président à lui donner les coudées franches pour mener la politique qu'il semble devoir être celui qui était prévu dans le cadre du projet Pastef."
Selon l'expert, Sonko reproche au président "de ne pas avoir une politique assez ferme par rapport à ce qu'il considère comme des dérives verbales" de l'opposition. "Il a sous un ton plutôt humoristique reproché au président de ne pas avoir son tempérament à lui", précise-t-il.
"Je suis allé voir le président Diomaye Faye parce que ce qui se passe actuellement, il peut l'arrêter quand il veut. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?", a lancé le Premier ministre devant les militants de son parti. Plus direct encore : "On ne m'aurait pas parlé ainsi si j'étais président."
Le chef du gouvernement a poursuivi ses critiques en évoquant un "problème d'autorité" au sein de l'État : "Il faut qu'on prenne nos responsabilités par rapport à cette situation, ou bien qu'on me laisse gouverner".
Pour Tidiane Dioh, cette sortie publique s'inscrit dans une logique particulière : Sonko avait déjà abordé ces questions dans le cadre restreint des instances du parti, aux côtés du président de l'Assemblée nationale. "Il était pour lui nécessaire de mettre les militants dans la confidence", explique l'analyste.
Mais cette méthode ne fait pas l'unanimité. La classe politique sénégalaise, "assez républicaine depuis les indépendances", désapprouve cette approche. Les observateurs estiment qu'il aurait fallu "continuer à discuter avec le président" plutôt que de lui adresser des "injonctions" publiques.
L'expert note également que Sonko a élargi ses critiques : "Pour la première fois, il attaque frontalement la société civile, ce qui est tout à fait nouveau." Cette prise de position a "été moins appréciée" par la population, d'autant qu'elle intervient quelques semaines après l'invitation de cette même société civile au dialogue national.
Malgré cette escalade, Tidiane Dioh se montre mesuré quant aux conséquences : "Contrairement à ce que disent beaucoup d'observateurs, je ne suis pas très inquiet pour le moment, à la seule condition que le président ne réagisse pas. S'il venait à réagir, cela pourrait conduire à une crise politique et peut-être une crise de régime."