LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ABSENTES DES POLITIQUES SÉCURITAIRES EN AFRIQUE
Une évaluation des politiques de décentralisation mise en œuvre au Sénégal, au Mali, en Sierra Leone et au Ghana a permis de constater l’exclusion des entités locales sur les débats qui porte sur les enjeux sécuritaires

(SenePlus.com, Dakar) - Une évaluation des politiques de décentralisation mise en œuvre au Sénégal, au Mali, en Sierra Leone et au Ghana a permis de constater l’exclusion des entités locales sur les débats qui porte sur les enjeux sécuritaires. Le rapport de l’étude menée par une équipe dirigée par le constitutionnaliste sénégalais, Babacar Gueye, a été présenté le 18 avril 2019 lors d’une session de l’Arbre à palabres initiée par le bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest et le Sahel (UNOWA). Il s’agit d’une plateforme d’échanges sur l’état de la gouvernance, les droits de l’homme, l’état de droit, la paix et la sécurité en Afrique de l’ouest et au Sahel.
Les collectivités territoriales sont exclues des grands débats sur les questions liées au développement, à la paix et à la sécurité alors que l’Afrique de l’ouest et le Sahel sont confrontés à des menaces multiformes qui prennent racine dans les communautés où l’absence de l’Etat est criante. Une situation confirmée par le rapport qui relève que les collectivités locales sont les plus exposées aux situations d’insécurité et de troubles de la paix du fait de la faiblesse de l’Etat.
Dressant l’état des lieux de la décentralisation dans les quatre pays (Ghana, Mali, Sierra Leone, Sénégal), l’équipe de chercheurs à constaté qu’au plan interne, si dans certains cas (Sénégal), ce sont les aspirations à une meilleure émancipation des sociétés et la volonté de consolider la démocratie qui ont inspiré et gouverné le choix de la décentralisation ; dans d’autres cas (Mali, Sierra Leone, Ghana), c’est plutôt la volonté de contenir les velléités séparatistes, les revendications ethno-régionales (Sierra Leone et Ghana) et l’ingouvernabilité entrainées par l’immensité du territoire national (Mali).
Ainsi, un peu partout, note le rapport, la décentralisation s’apparente plus à un simple mouvement de communalisation qu’à un transfert véritable et effectif au plan local de la gestion des affaires locales, le pouvoir central étant toujours réticents a transféré du pouvoir réel au niveau local (cas du Mali, etc.). La sécurité par exemple reste encore une compétence de l’Etat central et les pouvoirs locaux manquent ainsi de moyens légaux pour agir.
Quid des légitimités traditionnelles ? Elles sont en général marginalisées dans le processus de la décentralisation mais dans la pratique, elles jouent un rôle effectif dans la gouvernance locale selon l’étude qui a formulé des recommandations visant à dessiner les contours d’un schéma de décentralisation à même de concilier la prise en compte des particularismes locaux et la préservation de la souveraineté territoriale des Etats tout en renforçant la stabilité politique, sociale et sécuritaire d’une part et en affermissant la démocratie et la gouvernance locales d’autre part.
C’est ainsi qu’il a été recommandé la construction de projets de territoire à partir des critères de cohérence, de convergence et de cohésion ; mais aussi de refonder les rapports de l’Etat avec les territoires et les communautés sur la base du respect des diversités humaines et territoriales.
Aux légitimités traditionnelles reconnues dans les territoires, le rapport recommande de leur donner un statut afin de réconcilier leurs rôles avec ceux des légitimités légales-rationnelles en leur accordant un rôle effectif officiel dans la politique de décentralisation.
En termes de prévention, l’étude de l’UNOWAS sur la contribution des collectivités territoriales à la paix et à la sécurité recommande la construction d’une capacité locale de réponse aux menaces à la paix et à la sécurité humaine et l’intégration de la paix et de la sécurité dans des projets éducatifs et de formation adaptés aux réalités des collectivités locales ; Elle appelle aussi à favoriser l’échange d’expériences entre collectivités territoriales de différents pays engagées dans des dynamiques locales porteuses de paix et de sécurité.