LES COMBATS DE FATIME RAYMONDE HABRÉ
La deuxième épouse d’Hissène Habré, condamné à la perpétuité pour des faits commis alors qu’il était à la tête du Tchad entre 1982 et 1990, a depuis longtemps fait sien le combat de son époux

Fatime Raymonde Habré est le premier soutien de son mari, condamné à la prison à perpétuité au Sénégal pour crimes contre l’humanité. Portrait d’une femme influente et volontiers offensive, qui continue de se battre pour son époux.
Idriss Déby Itno, la France et son mari. Sur ses sujets, Fatime Raymonde Habré est intarissable. La deuxième épouse d’Hissène Habré, condamné à la perpétuité pour des faits commis alors qu’il était à la tête du Tchad entre 1982 et 1990, a depuis longtemps fait sien le combat de son époux.
Ça a été le cas dès leur arrivée au Sénégal lorsque, chassé par les hommes d’Idriss Déby, Hissène Habré se réfugie à Dakar. Et ça l’est encore davantage depuis qu’il a été incarcéré (en juin 2013) puis condamné (en mai 2016) pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité », « tortures » et « viols ». Aujourd’hui, c’est elle qui porte, devant les médias et auprès de ses avocats, la parole de son mari.
Ce 25 avril, devant les caméras du média sénégalais Dakar matin, elle revient longuement sur les conséquences, pour le Tchad et la sous-région, du décès d’Idriss Déby Itno, sans cacher sa joie de voir enfin mort celui qui provoqua la chute de son mari et qui fut sans doute, avec le Libyen Mouammar Kadhafi, son pire ennemi. Très en verve, Fatime Raymonde Habré poursuit en accusant le défunt – et une bonne partie de la classe politique sénégalaise – d’être des « pions » et des « valets » de la France, qui auraient ensemble comploté contre son époux.
Théorie du complot
« Comme d’habitude, elle a la bouche qui crache du feu », résume El Hadj Diouf. Lui-même réputé pour avoir le verbe haut, l’avocat sénégalais connaît bien Fatime Raymonde Habré pour l’avoir côtoyée pendant plusieurs années, alors qu’il défendait son époux. « Elle se dit sans doute que la meilleure des défenses, c’est l’attaque, poursuit l’avocat qui a aujourd’hui pris ses distances avec le couple. C’est sa stratégie : diaboliser les autorités et dire qu’elles sont inféodées à la France. Cette théorie du complot, selon laquelle le monde entier conspire contre son mari, c’est elle tout craché. Elle vit dans une sorte de psychose permanente. »
À l’aise devant les médias, prompte à lancer des piques à ses ennemis dès qu’elle en a l’occasion, cette juriste de formation est décrite comme intelligente et cultivée, et pas uniquement par ses proches. « Elle est aussi très informée et bien introduite, notamment auprès des rebelles tchadiens », assure le défenseur des droits humains, Reed Brody. Le « chasseur de dictateurs » américain est l’un de ceux qui ont porté le combat pour que Hissène Habré soit jugé et Fatime Raymonde Habré, qui l’a d’ailleurs surnommé « Reed Bloody » (Reed le Sanglant), lui voue une haine tenace.
Fatime Raymonde Habré et son époux n’ont jamais reconnu la légitimité du tribunal qui jugea et condamna l’ancien président. Tout au long de son procès, Hissène Habré s’est d’ailleurs muré dans le silence. Et si sa première épouse se rendait fréquemment aux audiences, Fatime Raymonde Habré n’y allait pour ainsi dire jamais. Du procès de son mari, qu’elle qualifia « d’inique », elle ne reconnut pas non plus le verdict. Et lorsqu’elle critiqua la justice sénégalaise, le garde des Sceaux d’alors, Sidiki Kaba, rétorqua qu’elle était tout simplement « une bonne épouse qui défend bien son mari ».