LES GRANDS REBONDISSEMENTS DE L’AFFAIRE SWEET BEAUTY
Cette audience est déjà fortement impactée par l’absence de Sonko, de ses avocats et ceux de Ndèye Khady Ndiaye, la non-diffusion de vidéos de preuves, la demande de requalification des faits par le parquet

Évoquée devant la Chambre criminelle avant-hier, mardi 23 mai 2023, l’affaire de «viol répété et menace de mort» présumée impliquant le leader de Pastef et maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, et qui ayant tenu en haleine l’opinion publique depuis mars 2021 pourrait se terminer sur un autre terrain. En effet, alors que cette audience est déjà fortement impactée par l’absence de débat contradictoire, du fait de l’absence du principal accusé et ses avocats mais aussi ceux de la défense de Ndèye Khady Ndiaye et la non-diffusion de vidéos de preuves que la partie civile disait détenir, le parquet a ouverte la voie à une requalification de l’infraction de viol présumé en corruption de la jeunesse.
Un des principaux éléments catalyseurs de la tension politique au Sénégal, depuis mars 2021, le dossier de «viol répété et menace de mort» présumé, opposant le leader Pastef et maire de Ziguinchor à la masseuse Adji Sarr, a été jugé le mardi 23 mai dernier devant la Chambre criminelle de Dakar, lors d’une audience spéciale qui a durée plus 18 heures (10H à 03H du matin). Cependant, il faut reconnaitre que cette audience, très attendue des Sénégalais mais aussi une partie de la communauté internationale, comme en témoigne la mobilisation de certains médias étrangers au Palais de justice Lat-Dior de Dakar, est très loin de satisfaire à toutes les attentes. Et pour cause, si on s’en tient au réquisitoire du Parquet, la piste de viol répété et menace de mort, à l’origine de cette procédure, ne semble plus être privilégié, après cette audience qui s’est tenue sans la présence du principale accusé et les avocats de son présumé complice.
LE PROCUREUR APPELLE A REQUALIFIER LE «CRIME» DE VIOL EN DE LIT DE «CORRUPTION DE LA JEUNESSE»
En effet, dans son réquisitoire, le chef du Parquet, Abdou Karim Diop, ne s’est contenté a demandé à la Chambre criminelle de déclarer Ousmane Sonko coupables des faits de viol répété et menaces de morts qui lui sont reprochés et de le condamner à «10 ans de réclusion criminelle». Comme s’il n’était véritablement pas sûr de la solidité de ses arguments et ceux des avocats de la partie civile, exposés devant la Chambre criminelle, pour prouver le «crime» du viol qu’ils reprochent à Sonko, il a, contre toute attente, ouverte lui-même la voie à une requalification de l’infraction de viol. Et ce, en visant une nouvelle infraction qui ne faisait pas partie la procédure. Il s’agit du délit du délit de corruption de la jeunesse.
Dans son réquisitoire, le Maître des poursuites a demandé au président de la Chambre criminelle de requalifier les faits et de viser ce délit de corruption de la jeunesse, s’il estime que les faits constitutifs de viol ne sont pas établis. «A défaut de retenir le crime de viol, je vous invite de requalifier les faits en délit de corruption de la jeunesse, si vous estimez que les faits constitutifs de viol ne sont pas établis et de condamner le prévenu à cinq (5) ans de prison et à payer une amende de 2 millions de FCFA. En sus, d’un emprisonnement de cinq (5) ans pour menaces de mort», a sollicité le Procureur de la République, au grand dam des avocats de la partie civile.
LA PARTIE CIVILE REFUTE UNE POSITION «UN PEU INSOLITE DU PARQUET»
D’ailleurs, ces derniers n’ont pas mis du temps à monter au créneau, à travers leur doyen, Me El Hadj Diouf, pour remettre les choses en place, en dénonçant sans réserve cette position «un peu insolite du Parquet». Prenant la parole, à l’issue de l’audience, la robe a clairement indiqué que la partie civile ne partage pas cette position du Parquet. «Je ne suis pas totalement satisfait du réquisitoire du Parquet parce que sa proposition me paraît un peu insolite. Après avoir bien développé les arguments qui plaident en faveur d’une condamnation pour viol, le Parquet a un peu reculé. Telle n’est pas notre position», a-t-il martelé.
En effet, selon lui, «le refus de Sonko de faire le test Adn et de répondre aux questions du Doyen des juges, la présence du sperme constatée par le Dr Gaye, tout cela prouve qu’il est coupable». Sous ce rapport, précise-t-il, «que le Parquet envisage une requalification des faits, cela nous parait un peu surprenant, ce n’est pas logique, surtout après ses développements pertinents». «Si donc, après tout cela, le Parquet vient essayer de couper la poire en deux, en disant : ‘’oui, si vous n’êtes pas convaincu par le viol, retenez la corruption de la jeunesse’’. Non, cela ne me paraît pas véritablement rigoureux. C’est inédit et je ne sais pas ce que cherche le Parquet. Mais, nous de la partie civile, nous sommes sûrs de nos arguments», insiste encore l’avocat d’Adji Sarr.
En plus de cette position inconséquente du Parquet sur le crime du viol, la non-comparution du principal accusé, Ousmane Sonko, l’absence de ses avocats ainsi que ceux de la défense de la propriétaire de l’institut Sweet Beauty, Ndeye Khady Ndiaye, la non-diffusion des images de preuves promises par les parties ont été également comme un cheveu dans la soupe de cette affaire qui a provoqué la mort d’au moins 17 sénégalais, depuis mars 2021.
AFFAIRE DE VIDEOS ET AUDIOS COMPROMETTANTES CONTRE SONKO, UN SIMPLE EPOUVANTAIL?
Alors qu’il a toujours clamé son innocence dans ce dossier «vide» qui, selon lui, est le fruit d’un complot ourdi par les tenants du pouvoir, le leader de Pastef, Ousmane Sonko, non moins principal accusé, a tout simplement opté pour une non-comparution. Pour justifier cette position de leur client, qui ne plaide pas pour un procès contradictoire, ses avocats ont brandit sa non-convocation formelle à ce face à face. Toutefois, en attendant de voire plus claire sur les tenants et les aboutissements de ce débat autour de sa convocation, il faut reconnaître que l’absence du maire de Ziguinchor et ses avocats n’a pas permis un véritable débat contradictoire entre les parties, lors de cette audience de la Chambre criminelle, tenue le mardi 23 mai dernier autour de cette affaire. Il en est de même pour les avocats de Ndèye Khady Ndiaye qui était obligé de faire face, seule, au Tribunal, le Parquet et les avocats de la partie civile, sans assistance, malgré son état de grosse de 8 mois, pendant plus de 18 tours d’horloge.
Autres éléments qui ont fait défaut lors de cette audience de la Chambre criminelle, ce sont les preuves en vidéos et audios que la partie civile disait détenir, depuis le début de cette affaire. En effet, toute la journée d’hier, aucun élément audio et visuel n’a été projeté dans la salle 4 du Palais de Justice Lat-Dior de Dakar où un vidéoprojecteur a été installé. Pourtant, lors de ses multiples prises de paroles, le tonitruant avocat de la partie civile, Me El Hadj Diouf, ne cesse d’annoncer la projection des vidéos qui vont surprendre tout, le sans jamais passer à l’acte.
De son côté, le Procureur de la République s’était juste contenté de monter une vidéo sur son téléphone portable à Adji Sarr, en lui demandant si c’est bien elle qui y était. Mais, après la réponse négative de cette dernière, personne n’a plus parlé de vidéo dans la salle.