L'INDOCILE DU POUVOIR
"Agenda caché" de Guy Marius Sagna ? Le vice-président de l'Assemblée nationale semble découvrir ce que tout le Sénégal savait déjà : l'insoumis de toujours ne changera pas, même au sein du Pastef

La dernière déclaration du député Guy Marius Sagna sur certaines pratiques parlementaires a jeté un pavé dans la mare du Pastef. Formé par la Gauche sénégalaise et connu pour son franc-parler et sa propension à défendre les causes justes, Guy Marius Sagna donne un nouveau souffle à la lutte des classes.
« Guy Marius Sagna a son propre agenda et ce n'est pas un secret. Et rien ne me surprend de lui, nous avons vécu ensemble la 14e législature » avait déclaré il y a quelques jours le premier vice-président de l'Assemblée nationale Ismaëla Diallo pour protester contre les propos de Guy Marius Sagna. En effet, le tonitruant parlementaire a tiré à boulets rouges sur certaines pratiques parlementaires qui subsistent malgré le changement de régime et l'arrivée au pouvoir du Pastef.
« Cela fait bientôt trois ans qu'à l'interne de la fraction parlementaire de mon parti Pastef, je me bats contre certaines pratiques comme le "Sukëru koor". Notez bien : trois ans. Bientôt trois ans, cela veut donc dire depuis le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi. J'ai défendu à l'époque l'idée selon laquelle nous ne pouvions pas aller à une élection présidentielle que nous voulions gagner en adoptant certaines des pratiques parasitaires des anciens régimes. Cela ne pourrait pas convaincre les populations que nous allions opérer la rupture car incapables de le faire moins de deux ans de l'élection présidentielle de 2024 », affirmait Guy Marius Sagna non sans souligner que ce sont des pratiques qui peuvent compromettre les objectifs de mobilisation du peuple sénégalais autour de la bataille pour la sortie du sous-développement.
Ainsi, en parlant de « l'agenda caché » de Guy Marius Sagna, le vice-président de l'Assemblée nationale fait tout sauf une révélation. Il est d'ailleurs le seul à être surpris par la posture de son collègue. Même le Sénégalais lambda savait que Guy Marius Sagna n'allait pas mettre en sourdine ses convictions et ses insatisfactions pour une quelconque « solidarité » de parti. Il est un intangible insoumis. Son hétérodoxie est avérée et notoire. De l'ENTSS à l'Assemblée nationale, en passant par les mouvements citoyens ou encore l'administration sénégalaise, l'altermondialiste et membre fondateur de Frapp-France dégage a toujours bousculé les codes pour faire passer ses idées révolutionnaires. Parfois au prix de sa liberté.
Guy Marius Sagna est une figure du patriotisme. Mais plus encore pour reprendre le journaliste Elgas celle de l'amour du combat. « Guy Marius Sagna donne à la formule célèbre de l'ancien président burkinabè Thomas Sankara, "la patrie ou la mort", une éternité, au prix d'une petite nuance : la patrie ou l'amour » trouve l'auteur du livre Les bons ressentiments, essai sur le malaise postcolonial.
Dans un contexte marqué par une Gauche sénégalaise déconnectée et qui est dans la panade, Guy Marius Sagna donne l'impression, par sa posture, son attitude, son refus d'être concassé par les privilèges et l'hubris du pouvoir, le dernier soupir de cette idéologie qui faisait rêver les masses et une certaine élite. Guy Marius Sagna qui par la force des choses est devenu une des voix autorisées du régime actuel continue de poser les bonnes questions tout en dénonçant les pratiques qu'il abhorrait hier. Sur l'achat de véhicules des députés, il a été par exemple sans langue de bois.
« Le Sénégal fait partie des 30 pays les plus pauvres de la planète. On ne peut pas conduire les mêmes voitures que les députés ou ministres français qui, eux, sont dans les 10 pays les plus riches du monde », fait-il savoir. Même si ses déclarations sont critiquées au sein du Pastef, surtout par ses collègues parlementaires, Guy Marius Sagna continue visiblement d'être en phase avec ses principes, son « agenda caché ». C'est le contraire d'ailleurs qui aurait étonné. Mais là Guy continue de faire du Guy... Sans complaisance.