«L’OPPOSITION EST DANS SON DROIT D’INTERPELLER LE POUVOIR SUR L’ANALYSE DU FICHIER, BASE D’UNE ELECTION TRANSPARENTE»
Pour le Pr Serigne Thiam de l’Ucad, le rejet des conclusions de l’audit n’est toutefois en rien un refus de l’opposition d’aller vers des élections contre la majorité en place, comme le subodorent certains esprits, encore moins un quelconque double jeu de

Alors qu’on pensait que l’audit du fichier électoral par une mission indépendante composée d’experts neutres, une requête de fond du camp anti-Macky au niveau du dialogue politique au même titre que l’évaluation du processus électoral, allait permettre de franchir un pas décisif vers l’organisation des élections locales au Sénégal, voilà que l’opposition vient contester les résultats de l’audit en question. Pour le Front de résistance nationale (Frn) ainsi, dire que le fichier actuel ne comporte ni doublon ni mineur, et que les 6 683 043 électeurs sont bien répartis dans les 16000 bureaux de vote du territoire national occulte les imperfections de fond du fichier électoral. Un fichier dont la fiabilité est remise dès lors en question pour l’organisation transparente des scrutins à venir. Pour le Pr Serigne Thiam de l’Ucad, ce rejet des conclusions de l’audit n’est toutefois en rien un refus de l’opposition d’aller vers des élections contre la majorité en place, comme le subodorent certains esprits, encore moins un quelconque double jeu de sa part. Pour lui, il s’agit tout simplement d’une posture de veille politique et/ou électorale d’une opposition qui est bien dans son droit d’exiger des élections transparentes.
En rejetant les conclusions de la mission d’audit du fichier électoral qu’elle avait elle-même souhaitée, l’opposition ne donne-telle pas l’impression de refuser d’aller aux élections ?
« C’est vrai que les gens vont analyser ce rejet pour dire que c’est l’opposition qui ne veut pas aller aux élections. Mais je pense que c’est un alibi, un faux problème. Comment peut-on être un parti politique, dans l’opposition, que l’objectif d’un parti soit de participer à toutes les élections, qu’elles soient locales, législatives ou présidentielles, et refuser d’aller aux consultations populaires. Donc, dire que l’opposition ne veut pas aller vers les élections est un faux débat. Dans la mesure où l’opposition s’est toujours dite prête mais elle est dans son droit d’interpeller le camp du pouvoir par rapport à l’analyse du fichier qui est le propre de base d’une élection transparente. C’est la raison pour laquelle l’opposition avait demandé à ce que ce fichier soit révisé par des auditeurs neutres et que les termes de référence soient dégagés. De suite, lorsqu’elle avait saisi le Président Macky Sall par rapport à la question sur les termes de référence, sur les propositions, ils (Macky et cie-ndlr) ont attendu neuf (9) mois pour répondre à cette interpellation. Maintenant, ils viennent pour dire que le fichier est bon alors qu’il y a beaucoup d’incohérences, de confusions avec des actes de naissance, qui n’ont pas été soulevées parce qu’on a essayé de quantifier en disant que le fichier est bon peut être à 70 à 80%. Or, on n’a pas essayé de dégager les aspects qui sont incohérents et qui pourraient entacher le processus électoral ».
Peut-on parler, comme certains, de double jeu de la classe politique avec ce refus mécanique de consensus autour du fichier ?
« Je ne pense pas qu’il y ait un double jeu parce que c’est comme si en réalité il y a une mauvaise foi, soit du côté de l’opposition ou du camp du pouvoir…Ce n’est pas parce que c’est l’opposition qui trouve qu’il y a des incohérences dans l’audit du fichier électoral qu’il faut dire qu’elle veut jouer à un double jeu. Par contre, je pense que c’est le camp de l’opposition qui a plus intérêt à aller aux élections parce que sur les 565 communes qui existent, la majorité est du camp du pouvoir. Donc, l’opposition a intérêt à aller aux élections pour être en mesure de prendre possession de certaines communes et localités où les gens du pouvoir ont fini de montrer leur incompétence. Le souci de l’opposition, c’est tout simplement d’agir en amont pour éviter les contentieux qui viendront après les élections. C’est pourquoi lorsque les conclusions de l’audit ont été données, l’opposition a relevé les incohérences naturellement. Le camp du pouvoir devrait écouter et analyser pour voir si c’est crédible. La question est maintenant de voir si ce que l’opposition a soulevé est vrai, vérifiable ou réel. Il appartient au camp du pouvoir de ne pas mettre l’opposition en mal mais plutôt de chercher comment faire pour trouver un consensus autour du fichier électoral ».
N’y a-t-il pas lieu de lâcher du lest des deux côtés pour sauver le calendrier électoral ?
« Effectivement, il faudra que l’opposition comprenne aussi qu’un fichier transparent à 100% n’existe nullement pas. Il ne faut pas également que le camp du pouvoir essaie de rentrer dans une situation de duel parce que ce n’est pas une dualité mais un débat qui concerne la destinée, le destin des citoyens sénégalais ».