MACKY REÇOIT LES JEUNES ET LES DIRIGEANTS DE ZIGUINCHOR AU PALAIS JUSQU’À 5 H DU MATIN
Il offre 80 millions de frs pour le billet retour.. Les ravages de la stigmatisation «rebelle» dans le camp présidentiel

A Ziguinchor, le manque d’empressement des dirigeants du camp présidentiel pour apporter leur soutien au président Macky Sall suscite des interrogations. Surtout qu’à part Dakar, seule Ziguinchor était retenue pour la marche interdite de vendredi dernier 17 juin. Guy Marius Sagna et Cie ont pu défier cette interdiction jusqu’à pouvoir rallier nombre de Ziguinchorois.
D’habitude prompts à être des caisses de résonance pour Macky Sall, les lieutenants du président de la République gardent un silence inquiétant ces derniers temps. Macky Sall a-t-il perdu le soutien de ses collaborateurs en Casamance ? L’utilisation abusive du mot « rebelle » pour stigmatiser tout ressortissant de la Casamance y compris dans le camp présidentiel et le discours du procureur de la République relativement à l’arrestation d’un « rebelle du Mfdc » en marge du rassemblement de Yewwi Askan Wi (YAW) ont soudé les Ziguinchorois et, au-delà, les Casamançais dans une sainte alliance contre ceux qui les stigmatisent. Conscient du danger, Macky Sall a convié la jeunesse présidentielle et les leaders de Ziguinchor jeudi 16 juin dernier au Palais pour des discussions jusqu’à …5h du matin. Il leur a offert, en guise de prix du transport, la somme de 80 millions de francs !
Profond malaise dans le camp présidentiel
Cette stigmatisation inédite a plongé le camp présidentiel dans un profond malaise à Ziguinchor. La grogne sur fond de révolte des collaborateurs politiques du président Macky Sall est partout perceptible. L’un d’entre eux, évoquant la situation, nous a confié que lui et ses camarades de parti de la région ont très honte aujourd’hui d’être des militants de l’Apr. ‘’Nous croyions avoir suffisamment fait pour le président Macky Sall pour mériter un sort autre que celui qui nous est servi aujourd’hui. Aujourd’hui, nous sommes insultés, persécutés et humiliés par nos propres camarades de parti qui nous traitent de rebelles’’, fulmine-t-il avant d’ajouter : ‘’Comment pouvez-vous comprendre que des ministres de la République ou des procureurs participent à stigmatiser sans le moindre fondement les Casamançais et que cela passe sous silence ? C’est parce qu’ils ont la bénédiction du Chef suprême ! S’ils pensent que nous allons nous joindre à eux pour les aider à persécuter les Casamançais à cause de Ousmane Sonko, ils se trompent. Ousmane Sonko et ses partisans sont nos adversaires politiques mais pas des ennemis, ce sont des frères. Il faut qu’ils comprennent cela’’, vocifère notre interlocuteur.
Une autre chose offusque les responsables de l’Apr de Ziguinchor. Il s’agit des chroniques intempestives d’un journal de la place qui ne cesse d’accuser des pontes de l’Apr de la région, en l’occurrence Benoît Sambou et Aminata Assome Diatta, d’avoir favorisé l’élection de Ousmane Sonko à la mairie de Ziguinchor et le triomphe de son parti dans toute la région de Ziguinchor. Selon ce chroniqueur, si le président du CNDT (Benoît Sambou) s’est présenté aux dernières locales contre Abdoulaye Baldé, c’était pour disperser les forces de la coalition de BBY en faveur du leader du Pastef. Quant à Assome Diatta, il indique que celleci a déserté Bignona pour aller militer à Keur-Massar et ainsi laisser un boulevard libre aux partisans de Sonko. Des accusations qui sont dénuées de tout fondement. En fait, pour le rappel des faits, la candidature de Benoît Sambou à la mairie de Ziguinchor a été voulue par le président Macky Sall en personne qui avait, en son temps, convoqué tous les responsables de BBY de la région (y compris Abdoulaye Baldé) pour leur signifier que son choix s’est porté sur Benoît Sambou.
Concernant Aminata Assome Diatta, tous les Sénégalais avertis savent qu’elle a toujours milité à Keur Massar, elle est descendue sur l’arène à Bignona juste pour renforcer les responsables locaux de l’Apr. Ces deux accusations perçues comme étant un téléguidage venu de l’intérieur de l’Apr pour accuser ces deux hauts responsables de la région d’ethnocentrisme, y ont accentué le malaise qui était déjà très profond. Mais, contre toute attente, aucune voix ne s’est élevée au sein du camp présidentiel pour démentir ces allégations et apporter un soutien quelconque à leurs camarades vilipendés par un organe censé soutenir le pouvoir du président Macky Sall. Et comme si cela ne suffisait pas, les mêmes personnes accusent tout fils de la région qui est du camp opposé au président Macky Sall de « rebelle » oubliant que, même s’ils ont des sensibilités différentes, sur le plan politique, il n’en demeure pas moins que la plupart de ces Casamançais sont d’une même famille.
Pour tous les Casamançais y compris les responsables de l’Apr de la région, toutes ces personnes agissent avec la bénédiction du chef de l’Etat. Cela a créé un sentiment de frustration et de révolte y compris de personnes apolitiques comme Seydi Gassama, lui-même originaire de la région, qui a interpellé directement le président Macky Sall pour lui demander d’arrêter ses ministres et journalistes qui stigmatisent la Casamance. Le journaliste Bacary Domingo Mané aussi n’a pas fait dans la dentelle, dans une chronique qu’il a faite, il parle de presse corrompue. Dans les réseaux sociaux également les dénonciations de Casamançais se font tous les jours, indiquant qu’il ne peut y avoir deux Casamance, celle des bons et celle des rebelles. Ils illustrent leurs thèses par des photos de Casamançais qui ont rendu service à la patrie et d’autres qu’on considère comme des rebelles. Bref, c’est un euphémisme de dire que les responsables de l’Apr de la région de Ziguinchor sont frustrés par la stigmatisation dont ils sont l’objet.
Le silence des responsables présidentiels locaux, une suite logique
Aussi, pour beaucoup d’observateurs, ce silence noté ces derniers temps au niveau des responsables du sud, depuis le début de la confrontation entre YAW et le pouvoir, n’est qu’une suite logique de cette stigmatisation. Et si les invectives et autres stigmatisations contre les fils de la région persistent, certains observateurs n’excluent pas des retournements de situations. Autrement dit, certains responsables de l’Apr vont se joindre au mouvement de contestation porté par des pontes du parti comme Mme Aminata Tall qui commence à étendre ses tentacules à l’intérieur de la formation. Peut-être pour se racheter un peu, le président de l’Apr a reçu, la semaine dernière, jeudi nuit plus précisément, une forte délégation de jeunes de son parti de la région de Ziguinchor au palais présidentiel. Chose qu’il n’avait jamais faite, auparavant, depuis sa prise du pouvoir. D’ailleurs, l’on signale que c’est lui qui a précipité la tenue de cette rencontre. Ce qui en dit long sur sa volonté de désamorcer la crise qui s’est installée au sein de son parti à Ziguinchor. Des sources bien informées indiquent que cette audience a duré jusqu’à 5h du matin et qu’elle a été une occasion pour le locataire du palais de tenir un discours lénifiant pour tenter de convaincre ces jeunes de son amour pour la Casamance. À l’issue de la rencontre, il aurait octroyé une enveloppe de 80 millions de francs CFA à ses hôtes. Les principaux responsables politiques Apr de la région étaient de la partie.