LA SALVE DE MARY TEUW NIANE CONTRE MANSOUR FAYE
Que Mansour Faye prouve qu'il ne s'est pas enrichi illicitement. Saint-Louis doit se débarrasser de ses autorités qui ont achevé de convaincre de leur incompétence. Nous allons aux élections sans demander l’autorisation de quiconque - ENTRETIEN

Mary Teuw Niane, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et candidat à la mairie de la ville de Saint-Louis, dans un entretien exclusif, nous parle de sa candidature, du bilan du maire sortant Mansour Faye, de son programme à lui pour Saint-Louis, de la violence qui gangrène la présente campagne électorale, de l’enrichissement illicite, de l’impunité, de la situation dans nos campus universitaires etc... Entretien.
Le Témoin : Pr, pourquoi vous avez décidé d’être candidat pour la mairie de Saint Louis ?
Mary Teuw Niane - Nous sommes candidat parce que nous ne sommes pas satisfaits de la gestion des communes, du département et de la ville de Saint Louis. Pour Saint Louis plus particulièrement, nous avons demandé au maire de nous citer un seul projet imaginé avec son équipe municipale et entièrement mis en œuvre. Il en était incapable. Le deuxième aspect est lié à un certain nombre de faits qui choquent la plupart des Saint-Lousiens : le maire a eu à détruire des daaras ainsi que des mosquées sur la langue de Barbarie, des personnes qui avaient mobilisé leurs propres ressources ont vu leurs maisons en construction détruites et distribuées à d’autres qui sont proches du maire. Ce qui est pour nous inédit car jamais un maire n’a eu à faire cela ici à Saint-Louis. De plus, il a dit qu’il voulait transformer le stade maître Babacar Sèye en un centre d’affaires et le délocaliser à Khaar Yalla oubliant à l’occasion ses maquettes de stade omnisport de sa campagne de 2014. Le nouveau projet est impossible à réaliser du fait de l’étroitesse des lieux. Et lorsqu’il a voulu déguerpir les populations, il s’est trouvé confronté à leur refus. Maintenant que les élections approchent, il a mis en instance cette idée. Je pense que cette façon de gouverner n’est pas bonne. C’est pourquoi, nous avons voulu marquer le coup pour dire que nous ne sommes pas d’accord avec cette manière de traiter les populations et Saint-Louis. Avec tout le potentiel humain et économique qu’elle a, notre ville doit se débarrasser de ces autorités municipales qui ont achevé de convaincre de leur incompétence pour s’inscrire sur le chemin du progrès et du développement, de la résilience et de l’ouverture.
Et pourtant, M. Mansour Faye a été choisi comme candidat de votre coalition Benno Bokk Yaakar (BBY). Cela ne vous a pas empêché de vous présenter. Est-ce une défiance vis-à-vis du chef de l’État qui s’est opposé aux listes parallèles ?
Nous, nous n’avons pas de liste parallèle et n’avons jamais demandé à l’APR ou à Benno de nous investir. Nous considérons qu’il revient aux populations d’élire leur maire. Il n’appartient pas au président de la République ou à des coalitions établies à Dakar, qu’elles soient de la majorité ou de l’opposition, de désigner des candidats. Nous avons été très fermes sur cette question. Nous allons aux élections dans des communes, au conseil départemental et dans la ville sans demander l’autorisation de personne. Il faut arrêter de vouloir faire de ces élections, des élections partisanes. C’est d’ailleurs cette démarche qui a fait imploser bon nombre de coalitions. Notre liste, composée de personnes de qualité et issues de tous les horizons comme la République des Valeurs, le PS, le FSDBJ, l’ACT, la société civile, les femmes de développement, les mouvements des commerçants, les jeunes..., s’adresse aux populations de Saint-Louis. Une élection locale est une rencontre entre une ville et ses fils les plus compétents et porteurs de projets de développement. Elle transcende toutes les obédiences « partitocratiques ». Cette démarcation assumée a poussé la coordination départementale de Benno bok Yaakar de Saint-Louis à demander lors d’une triste conférence de presse mon exclusion de l’APR et mon limogeage du Conseil d’administration de Petrosen. Ce qu’ils ne savent pas c’est que je ne suis ni un intellectuel frileux, ni un professionnel de la politique. Je veux être un Saint-Louisien au service de sa ville et de son pays. Et j’ai un métier….
Vous avez en face de vous un candidat coriace qui est ministre et actuel maire en l’occurrence M. Mansour Faye. Pensez-vous détenir les moyens de le détrôner ?
Je ne sais pas s’il est coriace ou pas. Ce que je sais c’est qu’il a de l’argent que nous n’avons pas. Mais par contre ce que nous avons de plus important et que lui n’a pas, c’est la sympathie des Saint-Louisiens que nous aimons et qui nous rendent cette affection. Ce qui nous rend très confiants par rapport aux élections à venir et nous savons que beaucoup d’entre eux sont frustrés par le maire. C’est pourquoi, ils rêvent de voir leur ville redevenir ce qu’elle doit être c’està-dire une localité avec des valeurs de Téranga, de générosité, de solidarité qui sont perdues d’avance avec l’actuel maire. Le dernier en date c’est la place Baya qui a remplacé l’ancienne place Faidherbe. Allez visiter l’endroit en question l’asphalte a pris la place des jardins. Le béton sinistre fait plutôt penser à un cimetière abandonné. Ce qui offusque le plus, c’est encore les montants avancés dans la réalisation de ce pseudo projet de réhabilitation sans parler des incidences sur le trafic et les risques sécuritaires notamment avec la forte affluence des élèves du lycée Cheikh Oumar Foutiyou Tall aux heures de récréation. Et pourtant Saint-Louis compte, parmi ses fils, d’éminents urbanistes de dimension mondiale.
On a vu M. Mansour Faye énumérer ses réalisations. Que pensez-vous de son bilan ?
Que pensez-vous de son bilan ? Il n’a aucun bilan ! La liste des réalisations qu’il a citées sont celles du président de la République que vous pouvez voir à travers tout le pays et dont certaines sont issues de la coopération internationale. Ce sont ces projets dont il essaye de s’approprier et ça les populations de Saint-Louis le savent. C’est pourquoi, il essaie de faire un rattrapage malheureux en déversant des camions de sable dans des quartiers inondables, ce qu’il aurait pu faire pendant la saison des pluies.
Mais il ne peut pas avoir un bilan entièrement négatif, il y a au moins du positif !
Je ne vois rien de positif de son bilan. Tout ce qu’il a eu à réaliser c’est d’avoir changé les valeurs de ceux qui dirigent Saint-Louis. Cette ville a toujours eu à sa tête des gentlemen. Et pour la première fois on a quelqu’un qui n’est pas de cette catégorie, qui n’a pas de valeurs. Un maire, on attend de lui qu’il ait ses propres projets qu’il met en œuvre au service des populations et malheureusement ce n’est pas le cas pour Saint-Louis. Il n’a, avec ses partisans, qu’un seul argument « je suis proche du président ». Ce qui est un aveu d’incompétence vu qu’une gestion municipale c’est un positionnement au plan mondial, une conquête de fonds par des projets sérieux pour la réalisation d’un programme. Mon parcours, mon expérience plaident en ma faveur. Je puis affirmer sans hésiter que, dans les sphères où nous avons l’habitude d’évoluer, capter des fonds, financer un programme sont des choses plus que faciles.
Vous avez porté des propos graves contre votre adversaire en l’accusant de s’être enrichi illicitement. Vous les assumez ?
J’assume entièrement ces propos. Tout ce que vous avez entendu à travers les audios qui circulent dans les réseaux sociaux sont mes déclarations. Mansour Faye est un voleur. Il s’est enrichi illicitement en profitant de ses postes de responsabilité. J’attends qu’il me prouve le contraire. Et c’est le lieu de se poser des questions sur les principes de redistribution des richesses de nos pauvres pays. Comment peut-on comprendre que le train de vie d’un seul homme politique, parce qu’il est à une station privilégiée et avec le pouvoir, puisse entretenir plus de 20 familles ? On semble entretenir la misère pour ensuite venir à la veille de chaque élection instrumentaliser des fonds illicitement acquis juste pour se maintenir au pouvoir.
Vous avez comme lui occupé des postes de responsabilité: recteur, ministre et actuellement Pca. Est-ce que vous pouvez rassurer les Sénégalais que vous n’avez jamais pris de l’argent leur appartenant ?
Absolument. Je le jure que je n’ai jamais détourné un seul franc du contribuable sénégalais. Je n’ai qu’une seule maison qui est celle où nous nous trouvons à Cité NGallèle que j’ai acquise dans le cadre de la coopérative d’habitat et de construction de l’université de Saint-Louis dont je suis le président. Je l’ai construite en 1996 et ensuite j’ai fait un prêt de 40 millions auprès d’une banque (il cite le nom de la banque) pour la réfectionner. C’est la seule maison dont je dispose et qui sert en même temps de permanence pour ma mouvance.
Nous vivons dans un contexte marqué par une série de scandales financiers et de marchés de gré à gré à coup de milliards. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?
D’abord les marchés de gré à gré ne sont pas toujours illicites. Il y a des cas où ils sont permis et encadrés par des textes. Mais pour ce qui est des détournements que vous évoquez, il faut absolument des sanctions. Un pays ne peut pas se développer si une catégorie de personnes s’enrichit sur le dos des populations en utilisant leur position politique. La présidente de l’OFNAC disait qu’elle transmettait des dossiers au procureur. Il n’est pas normal qu’un voleur de poulets soit poursuivi et emprisonné alors que quelqu’un qui a détourné des milliards ou qui a fait du blanchiment d’argent ne puisse pas l’être. Cela crée une culture très négative pour le développement. Et ce à quoi on assiste c’est que les personnes qui font ces pratiques utilisent cet argent pour narguer les populations. A Saint-Louis par exemple il y a des gens qui ne sont pas des entrepreneurs, qui n’ont aucun passé de richesses, qui ne sont que ministres ou DG et subitement roulent sur des milliards et tiennent des propos déplacés aux populations.
Comment faire pour arrêter toutes ces dérives ?
Le président de la République doit sonner la fin de la récréation. C’est lui qui en premier doit mettre fin à toutes ces pratiques. Comme aime le dire El Hadj Mansour Mbaye, il est le gardien de la Constitution mais aussi le gardien des valeurs. Donc il lui revient de mettre un terme à toutes ces pratiques et de sortir toutes les brebis galeuses du troupeau.
Quel programme comptez-vous dérouler une fois élu maire de Saint-Louis ?
Notre programme a pour titre «Un programme ambitieux, réaliste et réalisable» et comprend trois grands axes. Un premier axe pour créer une dynamique économique à Saint Louis qui n’a pas d’entreprises de grande envergure. En plus des activités comme la pêche, l’agriculture, le commerce et l’élevage il faut que des entreprises viennent pour insérer les jeunes. Nous comptons sur le port de Saint Louis devenu critique avec l’achèvement de celui de N’Diago qui va mettre tout de suite une pression sur Saint Louis. Il y a aussi le grand marché de poissons et la relance de l’aquaculture, une plateforme de gros-porteurs et une Zone Économique Spéciale à Fass, un Centre d’affaires à Mpal. Un deuxième axe qui est religieux et qui nous permettra d’appuyer les daaras et de réhabiliter les écoles qui, une à une, sont en train de tomber sous les yeux du maire. Au plan sportif la relance de disciplines comme les régates, la boxe, la natation... Nous comptons replacer Saint-Louis dans l’élite du football comme du basket national et lui permettre d’accueillir de grands événements sportifs en la dotant d’infrastructures modernes. A cela s’ajoute une médiathèque de 200 ordinateurs connectés, un espace cinéma, un espace artistique ainsi qu’une bibliothèque communale. Le troisième volet concerne le cadre de vie et l’aménagement qui nous permettra d’aménager des berges, les plages avec des abris à l’architecture saint-louisienne qui prendront en compte la restauration. La place Faidherbe aura un autre visage. Et pour cela nous allons revenir aux espaces verts, à la végétation, aux sens giratoires ainsi qu’aux jets d’eau. L’objectif recherché c’est de faire en sorte que la ville soit propre, éclairée et que l’on puisse circuler sur de grands axes. Que Saint-Louis soit attrayante au point d’accueillir des centaines de milliers de touristes.
Quelle appréciation faites-vous de la situation économique du pays ? Le président de la République parle d’émergence avec les infrastructures comme le TER, le BRT, le port de N’Dayane...
Moi je suis d’avis que nous méritons toutes ces infrastructures. Il faut comprendre que le développement n’est jamais égal. Je donne souvent l’exemple de l’Inde où on retrouve les populations les plus pauvres du monde et pourtant sur le plan de la modernité et de la technologie c’est un pays qui est à la pointe au niveau mondial. Il faut arrêter de dire parce que nous sommes pauvres nous ne devons pas avoir cela. Maintenant la situation est difficile à cause de l’enchérissement de la vie et de l’impact de la Covid19. Donc il y a un manque à gagner énorme et il faut du temps pour le rattraper. L’autre chose c’est toute cette frustration des populations qui se sont exprimées au mois de mars 2021. La raison de cette révolte des jeunes s’explique par ces gens qui, sans aucune justification valable, se sont enrichis en ayant un comportement arrogant qui choque tout le monde et à qui rien n’arrive.
Est-ce que vous êtes en train de cautionner ces violences ?
Non je ne les cautionne pas. Je suis en train d’énumérer les raisons qui les expliquent et qui sont toutes simples. Nous assistons à une accumulation d’injustices et d’inégalités. A partir de ce moment, il devient tout à fait naturel que ces gens pensent que c’est par la force qu’ils peuvent avoir raison. Si vous ajoutez à cela l’éducation religieuse, la citoyenneté, le développement personnel qui ne sont plus des éléments constitutifs de notre système éducatif, vous comprendrez alors pourquoi la jeunesse est désemparée.
En tant qu’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, quel regard portez-vous sur la situation qui prévaut dans nos universités?
Je pense que c’est le même problème que nous avons partout, c’est à dire la constance. Les réformes de l’enseignement supérieur ont été lancées en 2013. Le président de la République a eu à prendre les onze décisions issues des soixante huit directives. Ces décisions devaient être appliquées sur dix ans. Lorsque je quittais le gouvernement en 2019, l’application de ces décisions devait se poursuivre. Mais dans ce que j’ai vu, j’ai l’impression qu’on a arrêté la réforme et qu’on est dans autre chose. A partir de ce moment, il ne peut pas ne pas y avoir de problèmes.