«SEULE L’AMNISTIE OU L’ABROGATION DE L’ARTICLE L31 PERMETTRA A KHALIFA SALL D’ETRE CANDIDAT»
Le juriste Iba Barry Camara se prononce sur le recouvrement des droits civiques de Khalifa SALL

La libération de Khalifa Sall avant-hier a redonné espoir à ses militants et sympathisants qui rêvent de le voir briguer le suffrage des Sénégalais à la présidentielle de 2024. Mais leur enthousiasme risque d’être refroidi par le juriste Iba Barry Camara qui estime que l’ancien maire de Dakar ne pourra recouvrer ses droits civiques que s’il bénéficie de l’amnistie. Sinon, il faudra l’abrogation pure et simple de l’article L31 du Code électoral.
S’il veut être candidat à l’élection présidentielle de 2024, l’ancien maire de Dakar est obligé de recouvrer ses droits civiques qu’il a perdu avec sa condamnation dans l’affaire de la caisse de la Ville de Dakar. Selon le juriste Iba Barry Camara joint au téléphone, «Khalifa Sall peut recouvrer ses droits civiques. Pour ce faire, il lui faut l’amnistie ou l’abrogation pure et simple de l’article L31 du Code électoral». Si on abroge une telle disposition, détaille notre interlocuteur, cette loi ne lui serait plus applicable. «Il pourra alors, comme tout bonne Sénégalais, s’inscrire et être candidat», assure-t-il avant de revenir sur la remise de peine qui, selon lui, n’est pas une expression juridique. «La remise de peine, c’est lorsque la personne a été condamnée et que l’on revoit à la baisse la peine qui a été prononcée. On ne revient que sur la sanction. Juridiquement, on parle de grâce présidentielle», rectifie le professeur Iba Barry Camara. Poursuivant, il soutient qu’en matière pénale, on parle souvent de peine ou de condamnation. «Mais on ne comprend pas suffisamment ce que recouvre la notion de condamnation. Il faudrait savoir que la sanction pénale concernée s’accorde à une peine principale ou à des peines complémentaires ou accessoires. Mais, la sanction la plus connue, c’est la condamnation et la privation de liberté. Mais à cette privation, il y a d’autres sanctions qui viendront se greffer à cette première sanction que l’on appelle principale. Ce sont les amendes ou alors les dommages et intérêts, mais également la privation de certains droits. De ce fait, la sanction prend ainsi ses différents aspects», explique-til.
Pour le cas de Khalifa Sall, indique-t-il, la grâce présidentielle ne concerne que le reste de la peine qui doit être purgée. «La grâce s’arrête à ça, alors que la sanction porte sur l’aspect pécuniaire ou sur une privation de ses droits civiques et politiques. Et là, il faudrait que l’on étudie les dispositions de l’article L31 du code électoral. C’est vrai que le décret (la décision) n’en fait pas état, mais c’est une logique. Il ne faut pas penser que tout ce qui est relatif à une sanction pénale est continu dans le Code pénal. Il y a des suppositions (sanctions) qui se trouvent dans d’autres documents tels que notamment le Code électoral», renseigne-t-il. Pour Iba Barry Camara, au niveau de l’article L31 du Code électoral, on a cité un ensemble de délits tel que «les délits économiques et financiers, c’est-à-dire à connotation pécuniaire. Pour ces délits, on ne peut pas ne pas citer le délit de denier public dont Khalifa Sall a été condamné pour 7 ans. C’est pourquoi, cette loi va s’appliquer normalement sur lui. Cet article dit clairement que lorsqu’on est condamné pour l’un de ces délits, on ne peut pas être inscrit sur les listes électorales ni être électeur. Alors que si on est pas électeur, on ne peut pas voter ni être candidat par rapport à une quelconque élection», tranche le Pr Camara.
«SI ON SE REFERE AU DECRET, KHALIFA SALL N’A PAS ETE GRACIE SUR LES DOMMAGES ET INTERETS»
Se référant au décret signé par le Président Macky Sall, le juriste estime que Khalifa Sall n’a pas été gracié pour les dommages et intérêts. «En matière pénale, pour chaque délit, il y a ce qu’on appelle le minimal et le maximal. La loi dit que lorsqu’une personne est sanctionné à plus 5 ans de prison ferme, elle perd ses droits civiques et politiques. Dès lors qu’une personne est coupable pour les délits de deniers publics et condamnée à plus de 5 ans de prison ferme, elle ne pourra plus être électrice ni candidate, car l’article 31 ne dit rien à la durée sur la privation de la liberté. «Ce qui veut dire que cela te poursuit à vie. On peut dire aussi que Khalifa Sall ne peut plus être un candidat présidentiel à vie selon l’article L31 du code électoral». Par ailleurs, il ajoute que lorsque la personne est jugée, elle peut ne pas se voir appliquer la disposition de cet article si le juge dit expressément dans sa disposition que la personne ne pourra pas être privée de ces droits civiques.
PR NGOUDA MBOUP : «ABABACAR SALL POURRA BEL ET BIEN ETRE CANDIDAT EN 2024»
Spécialiste en droit constitutionnel, le Pr Ngouda Mboup estime que la perte de la qualité d'électeur prévue à l'article L.31 du Code électoral est une peine complémentaire et l'inéligibilité en résultant ne peut durer que pendant cinq ans. «L’incapacité d'exercer une fonction publique élective ne peut être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce. Khalifa Ababacar Sall pourra bel et bien être candidat en 2024 », nous renseigne-t-il.
ME DEMBA CIRE BATHILY : «CE QUI RESTE D’ANS CETTE AFFAIRE, C’EST L’ASPECT POLITIQUE»
Interpellé sur la question, Me Demba Ciré Bathily, un des conseils de l’ancien maire de Dakar, rappelle que les procédures judiciaires sont terminées. «La grâce ne règle pas le problème, mais c’est plutôt l’amnistie qui le résout. Cela entre dans le cadre juridique. La seule chose qui reste, c’est sur le plan politique. Car, il faut avoir la majorité à l’Assemblée nationale pour l’amnistie», indique Me Bathily.