SONKO DÉFINITIVEMENT CONDAMNÉ POUR DIFFAMATION
La Cour suprême a rejeté ce 1er juillet l'ultime recours du leader de Pastef, confirmant sa condamnation pour diffamation et une amende de 200 millions de francs CFA dans l'affaire qui l'oppose à Mame Mbaye Niang

(SenePlus) - La Cour suprême a tranché ce 1er juillet en faveur de l'ancien ministre Mame Mbaye Niang. En rejetant la requête de rabat d'arrêt des avocats du Premier ministre, les juges confirment sa condamnation à six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA d'amende pour diffamation.
La défense du Premier ministre avait utilisé une procédure exceptionnelle afin de demander à la Cour de se rétracter pour vice de procédure, selon Jeune Afrique. Demandant un renvoi vers le Conseil constitutionnel, les avocats estimaient qu'un des articles du Code pénal ayant permis la condamnation de leur client en appel n'était pas conforme au texte fondamental sénégalais.
Cette ultime tentative visait à annuler une condamnation qui avait bouleversé le destin politique d'Ousmane Sonko. Le leader du Pastef s'était pourvu en cassation après avoir été condamné en appel, le 8 mai 2023, pour diffamation envers Mame Mbaye Niang, qu'il avait accusé de détournement de fonds publics sans pouvoir fournir de preuves de ses dires.
Cette condamnation, confirmée par la Cour suprême le 4 janvier 2024, quelques semaines avant la présidentielle du 24 mars 2024, avait eu des conséquences majeures. Elle avait coûté au leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef) sa participation à l'élection, en le rendant inéligible pour cinq ans.
L'audience de ce mardi s'est déroulée dans une salle clairsemée et calme. Une ambiance à des années-lumière de l'agitation qui entourait généralement les audiences de l'ancien opposant, avant l'arrivée de son parti au pouvoir, observe Jeune Afrique.
Ni Ousmane Sonko ni Mame Mbaye Niang n'assistaient à cette audience décisive. Mame Mbaye Niang était quant à lui un proche du président d'alors, Macky Sall, et le ministre du Tourisme en poste. Il a quitté le Sénégal peu après la présidentielle, et nul ne s'aventure à dire où il se trouve désormais.
Son avocat, El Hadji Diouf, a justifié cette absence en déclarant : "Il voulait venir pour assister à l'audience, mais nous lui avons dit que ce n'était pas la peine de gaspiller l'argent du billet d'avion". Le même avocat n'a pas manqué de critiquer l'absence du Premier ministre : "Il a osé diffamer notre client, mais il n'a pas osé se présenter devant la justice de son pays, qu'il n'a cessé d'insulter".
L'origine de l'affaire : 29 milliards non prouvés
Le contentieux remonte aux accusations portées par Ousmane Sonko contre l'ancien ministre du Tourisme. Ce dernier avait porté plainte pour diffamation et injure publique, après qu'Ousmane Sonko l'a accusé d'avoir détourné 29 milliards de F CFA lorsqu'il gérait un programme agricole public.
Le problème majeur pour la défense de Sonko : Il avait affirmé appuyer ses accusations sur le rapport d'une agence d'État, qu'il n'a pas été en mesure de présenter à la justice. Les avocats de Mame Mbaye Niang ont été clairs : "Il ne l'a pas produit, parce que ce rapport n'existe pas".
L'ancien ministre avait confié à Jeune Afrique en 2023 que ce procès était intenté pour "laver son honneur", tout en reconnaissant implicitement l'opportunité politique qu'il représentait. "Je me suis senti humilié, calomnié, traîné dans la boue par l'un de mes concitoyens", avait-il déclaré lors de son procès.
Les avocats d'Ousmane Sonko ont d'ailleurs une nouvelle fois insisté sur la motivation politique derrière la plainte de Mame Mbaye Niang, déposée un peu plus d'un an avant la présidentielle.
Surprise de cette décision : la Cour suprême a en effet aussi décidé que ce dossier ne rentrait pas sous le coup de la loi d'amnistie votée en mars 2024 sous Macky Sall et amendée par le gouvernement Pastef en avril dernier.
Cette loi prévoit pourtant l'amnistie pour "tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d'infraction criminelle ou correctionnelle commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu'à l'étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques".
Les juges ont donc estimé que l'affaire Sonko-Niang ne pouvait bénéficier de cette mesure d'apaisement. L'avocat El Hadji Diouf s'en réjouissait : "Il a bien diffamé notre client, même si l'avocat général a plaidé pour l'effacement de toute condamnation".
En dépit de ses déclarations précédentes, le Premier ministre doit donc désormais s'acquitter des 200 millions de F CFA d'amende. Quant à son inéligibilité, elle est d'une durée de cinq ans : elle ne devrait donc pas concerner la prochaine élection présidentielle.
Cette décision clôt définitivement une affaire qui a "empoisonné l'espace médiatique", selon les termes des avocats de Mame Mbaye Niang. Elle illustre aussi l'indépendance de la justice sénégalaise, capable de maintenir une condamnation contre l'actuel chef du gouvernement.