VIDEOTHIERNO ALASSANE SALL DÉMONTE L'ARRANGEMENT SONAC-AEE POWER
"La fable de la dérogation" : c'est en ces termes que le député qualifie la justification avancée par les autorités dans l'affaire. Il dénonce "une invention récente destinée à sauver un marché frappé d'irrégularités au profit d'une entreprise étrangère"

(SenePlus) - Le député et président du parti La République des Valeurs, Thierno Alassane Sall, a organisé une conférence de presse ce jeudi 19 juin 2025 pour dénoncer ce qu'il qualifie de "fable de la dérogation" dans l'affaire opposant l'ARCOP à la compagnie d'assurance SONAC. Selon lui, cette dérogation invoquée pour justifier l'émission de garanties sans paiement préalable des primes serait "une invention récente destinée à sauver un marché frappé d'irrégularités au profit d'une entreprise étrangère".
L'affaire trouve son origine dans la saisine du Comité de Règlement des Différends (CRD) de l'ARCOP par l'entreprise AEE POWER Sénégal, qui dénonce "l'irrégularité des garanties émises par la compagnie d'assurance SONAC au profit de l'entreprise espagnole AEEPOWER EPC". Dans sa plainte, l'entreprise sénégalaise affirme que "les primes n'étaient pas payées au moment de l'émission des différentes garanties de soumission, de bonne exécution et d'avance de démarrage du marché".
Thierno Alassane Sall a tenu à rappeler la composition et le statut du Comité de Règlement des Différends de l'ARCOP. "Comme vous le savez sans doute déjà, le CRD est un organe indépendant qui prend ses décisions en toute souveraineté, sans la dictée d'aucune autorité", a-t-il précisé. Cet organe "peut être saisi d'un recours par toute personne physique ou morale qui a un intérêt à agir ou d'une dénonciation par quiconque détient une information sur toute violation de la réglementation nationale ou communautaire dans un marché public".
Le CRD "est composé de 4 membres représentant l'État, le secteur privé et la société civile", avec "la présidence du comité assurée par un Inspecteur général d'État qui siège au titre de la Présidence de la République". Y siègent également "un magistrat pour le compte du ministère de la Justice, un membre représentant le Conseil National du Patronat (CNP) au titre du secteur privé et un autre représentant l'ONG 3D au titre de la société Civile".
Dans le cadre de l'instruction du dossier, "la direction générale de l'ARCOP a saisi le DG de SONAC à plusieurs reprises (lettre du 12 juillet 2024, du 23 juillet 2024 et du 07 Août 2024 pour ne citer que celles-là) et à chaque fois mettant en copie le Ministre des Finances et du Budget, le MEPM et le DNA", révèle Thierno Alassane Sall.
Ces correspondances visaient à informer le directeur général de la SONAC "du contenu de la dénonciation reçue de AEE POWER Sénégal", qui "remettait en cause la légalité des titres de garanties qu'elle a émises pour couvrir les risques potentiels du marché d'électrification rurale lancé par ASER".
Selon le député, "dans sa réponse aux différentes correspondances de l'ARCOP demandant la preuve du règlement des primes, la SONAC installée dans un embarras profond et très gênant a passé son temps à esquiver complètement la question soulevée". Il souligne qu'"à aucun moment dans ses réponses, la SONAC n'a évoqué l'existence d'une dérogation à l'article 13, qu'elle aurait utilisé".
L'ancien ministre a rappelé les exigences du code CIMA en matière de garanties. "Le code CIMA fait obligation, en son article 13, du paiement intégral de la prime avant ou au moment de la prise d'effet de la garantie", précisant que "le principe de base est souvent résumé ainsi qu'il suit dans le milieu professionnel : pas de prime, pas de garantie".
Il reconnaît que "quelques dérogations mineures sont toutefois reconnues", notamment "les contrats d'assurance de groupe ou contrats collectifs" et "les contrats assujettis à l'accord express de l'assureur qui accepte de manière exceptionnelle à travers une note de couverture temporaire, de couvrir un risque avant paiement effectif".
Des primes payées avec l'argent du Sénégal ?
Cependant, le député estime que "dans les marchés publics, il arrive que des assureurs transgressent la réglementation en délivrant des garanties avant règlement de toute prime dans le but unique de faciliter aux candidats l'attribution d'un marché public". Il considère que "cette tolérance administrative et parfois réglementaire n'a pas de fondement juridique légal et ne peut, à cet effet, affecter la primauté du code CIMA qui demeure la norme supranationale".
Une accusation particulièrement grave émane de l'analyse chronologique des paiements. "AEE POWER EPC a perçu l'avance de démarrage le 11 juin 2024. Le paiement des primes afférentes aux garanties est intervenu quelques jours plus tard, le 14 Juin 2024", révèle Thierno Alassane Sall. Il en conclut qu'"il n'est pas interdit de penser que l'argent de l'avance de démarrage a servi au paiement des primes", ce qui serait "constitutif d'un détournement de deniers publics".
Le député a également évoqué les préoccupations exprimées par la banque espagnole SANTANDER le 30 septembre 2024, concernant notamment "l'éligibilité de la société AEE POWER EPC à la garantie souveraine de l'État en cas d'éviction de la partie sénégalaise" et "la validité des garanties délivrées par la Compagnie d'Assurance SONAC, sans paiement des primes au moment de la souscription, comme exigée par le Code CIMA".
La banque a fait part de "ses vives inquiétudes", précisant "avoir saisi l'entreprise AEE POWER EPC pour lui demander des éclairages sur différents points, notamment la destination et l'utilisation des sommes mises à sa disposition à titre d'avance de démarrage des travaux", tout en déclarant "n'avoir pas reçu de réponse de l'entreprise espagnole AEE POWER EPC à sa demande d'information".
Thierno Alassane Sall demande que des mesures immédiates soient prises. Il estime qu'"en déposant des garanties juridiquement invalides et inopposables, AEE POWER EPC doit obligatoirement et immédiatement être inscrit sur la Black-List des entreprises exclues des marchés publics du Sénégal". Il réclame également que "l'agrément de la compagnie d'assurance SONAC devrait aussi être retirée immédiatement par le ministère en charge des finances".
Le député conclut en dénonçant un paradoxe : "Il est étrange que les chantres du souverainisme, usent depuis plus d'un an, de toute sorte de subterfuge, pour offrir sur un plateau d'or l'un des plus juteux marchés de l'année à une entreprise espagnole au détriment d'une entreprise sénégalaise". Il s'interroge sur cette "grande mobilisation d'hommes politique au sommet de l'État, de haut-cadres, de parlementaires, d'influenceurs, de journalistes, de militants et sympathisants pour défendre un entrepreneur étranger".