«NOUS N’AVONS PAS ASSEZ D’ELEMENTS POUR APPRECIER L’ETENDUE DE LA PANDEMIE AU SENEGAL»
Urgentiste de son état, Dr Babacar Niang fait une analyse du Covid-19, évoque l’évolution de la maladie, parle du taux de prévalence et insiste sur les gestes barrières que doit adopter la population

Urgentiste de son état, Dr Babacar Niang fait une analyse de la pandémie de Covid-19, évoque l’évolution de la maladie, parle du taux de prévalence et insiste sur les gestes barrières que doit adopter la population. Selon lui, il n’y a pas assez d’éléments au Sénégal pour apprécier l’étendue de la pandémie.
Depuis quelques semaines, le Sénégal enregistre plus de 100 cas par jour alors que le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, avait annoncé une tendance baissière. Face à ce paradoxe, l’urgentiste et directeur de Suma Assistance, Dr Babacar Niang, relève que certains paramètres ne sont pas maîtrisés au Sénégal. «Il y a ce que l’on appelle les déserts médicaux, c’est-à-dire les gens qui refusent de se soigner. On a également des endroits où il n’y a pas moyen de se soigner. Tous ces éléments sont sous-estimés», explique-t-il. Interpellé sur la période de pic qui est dépassée alors que le nombre de cas ne cesse d’augmenter, Dr Babacar Niang ne trouve pas l’intérêt de parler de pic.
«On doit plutôt insister sur la prévalence, c’est-à-dire l’importance de cette maladie sur la population. On a les cas positifs et à partir de cela, il y a la prévalence qui permet de dire, sur les 15 millions d’habitants, à quoi il faut s’attendre. Et dans ce cadre, il fallait impliquer les épidémiologistes. Nous n’avons pas tous les éléments pour apprécier l’étendue de la pandémie au Sénégal», déclare-t-il. Selon Dr Babacar Niang, l’augmentation du nombre de décès notée depuis quelque temps s’explique par l’évolution de la maladie. «Le confinement pendant 15 jours aurait pu aider à rompre la chaîne de contamination. Le Sénégal compte plus de 4 000 cas positifs ; si chacun d’eux contamine 3 personnes, cela va être exponentiel. Chaque fois qu’on trouve un cas, il faut s’attendre à ce qu’il contamine 3 personnes. Et ces personnes-là contamineront trois autres personnes. C’est pourquoi, je dis que les chiffres sont sous-estimés. Il y a des endroits que l’on n’a pas testés et des gens qui ne veulent pas qu’on les teste. Il y a aussi des gens qui se soignent seuls», précise-t-il.
«QUE LA POPULATION SACHE QUE L’ON N’EST PAS ENCORE SORTI DE L’AUBERGE»
Citant l’exemple des 10 enseignants testés positifs à Ziguinchor, Dr Babacar Niang indique que le nombre de cas allait être important si on avait testé les enseignants. «Nous sommes en train de monter progressivement. Là, c’est un cap qui est traversé et qui permettra à la population de savoir que l’on n’est pas encore sorti de l’auberge. Le nouveau coronavirus est une maladie très virulente», alerte-t-il tout en ajoutant que la Covid-19 a beaucoup de similitudes avec la grippe. «Le virus étant fragile, si nous appliquons les restrictions qu’il faut, il pourra disparaître», rassure-t-il. Evoquant par ailleurs les mesures d’assouplissement prises par le gouvernement et leur impact, il considère que «c’est une responsabilité que l’on va laisser à la population pour qu’elle comprenne. Ils ont opté pour le relâchement plutôt que les émeutes. Maintenant, c’est à la population de faire attention. Ce serait vraiment bénéfique si la population savait l’enjeu de la maladie», dit le directeur de Suma Assistance.
A propos du taux de prévalence, il estime que beaucoup de Sénégalais ne croient pas à la médecine moderne. «Ils préfèrent aller chez le marabout ou autre que chez le médecin, sauf quand on leur dit que c’est un cancer ou une tuberculose. Par conséquent, il faut aller chez les épidémiologistes pour voir le taux de prévalence par rapport à 15 millions d’habitants. Il y a un système pour le calculer», informe Dr Babacar Niang qui en a profité pour sensibiliser la population sur la gravité de la maladie. «Il faut que les gens s’approprient ces gestes barrières et sachent que c’est leur vie qui est en jeu», clame-t-il.
UN MORT, 119 NOUVEAUX CAS ET 109 GUERIS
Les autorités sanitaires ont annoncé hier l’apparition de 119 nouveaux cas positifs sur les résultats des 1164 tests réalisés. Les cas positifs ont été recensés dans les districts de Dakar ouest 14, Dakar sud 20,Dakar nord 21, Dakar centre 19, Touba 04, Guédiawaye 13, Mbao 04, Sangalkam 01, Pikine 06, Keur Massar 01, Rufisque 04, Yeumbeul 02, Diamniadio 01, Kaolack 01, Popenguine 02, Oussouye 01, Khombole 03, Richard Toll 01 et Koungheul 01. Pour les cas communautaires, ils proviennent de Plateau 02, Maristes 01, Golf Sud 01, Wakhinane 01, Hann 01, Diamniadio 01, Grand Yoff 02, Parcelles assainies 01, Khar Yalla 01, Fass Mbao 01,Hann Maristes 01, Hlm Nimzatt 01, Kaolack 01, Richard Toll 01, Touba 01. Cela dit, 109 patients ont été déclarés guéris hier. Et désormais, le Sénégal compte 4 759 cas confirmés dont 2 994 guéris, 55 décédés, un évacué et 1 709 sous traitement.
Parmi les cas actifs, on dénombre 20 cas graves pris en charge par les services de réanimation. Tard dans la soirée, le ministère de la Santé a annoncé la mort d’un homme de 70 ans portant à 56 le nombre de décès dû à la covid-19.