«POTENTIELLEMENT, ON EST TOUS PORTEURS DU VIRUS DU COVID-19»
La transmission des cas communautaires du Covid-19 pose un réel problème aux spécialistes de la santé, à l’image du médecin-colonel, Pr Cheikh Tidiane Ndour.

La transmission des cas communautaires du Covid-19 pose un réel problème aux spécialistes de la santé, à l’image du médecin-colonel, Pr Cheikh Tidiane Ndour. Dans un entretien fait avec le Ministère de la Santé, ce spécialiste des maladies infectieuses explique le mode de transmission des cas communautaires et alerte sur le fait que potentiellement, nous sommes tous porteurs du virus du Covid-19.
Comment se fait la transmission des cas communautaires ?
La transmission par rapport à l’épidémie du coronavirus est subdivisée en trois catégories. La première génération est ce qu’on appelle les cas importés. Vous vous rappelez que pour les premiers cas, on disait Sénégalais ou non qui vient d’Italie, d’Espagne ou d’un pays touché par le Covid-19. Ensuite, ces cas ont été en contact avec des Sénégalais que l’on appelle des contacts. Parmi ces contacts, certains sont devenus symptomatiques et appelés des cas suspects. Parmi ces cas suspects, il y a eu des cas de confirmation. C’est ce deuxième groupe de confirmés qui constitue la transmission de 2e génération ; jusque-là, c’est très simple pour le système de santé. On connaît qui est infecté et qui risque d’être infecté. Mais arrive un moment où la source de contamination est difficile à déterminer. Il n’existe aucun lien épidémiologique avec les cas de première ou de deuxième génération, c’est ce qu’on appelle les cas communautaires. Cela veut juste dire que le virus est dans la communauté et les implications sont assez nombreuses. Ce qui signifie que l’on n’a plus besoin de voyager pour être contaminé, car le virus circule.
Qu’est-ce qui explique la hausse des cas communautaires ?
Si on connaît le génie évolutif de cette maladie, on ne devrait pas être surpris. On sait que 30 à 40% des cas sont asymptomatiques. Il s’agit de quelqu’un qui a la maladie et qui peut la transmettre, mais qui n’a aucun symptôme. Donc, il dissémine facilement la maladie. L’autre facteur est le non-respect des règles. On se rend compte qu’il y a un problème de non-respect des règles juste en regardant dans la rue, ou dans les transports. Les gens continuent de se moucher avec leurs mains ou de jeter les mouchoirs un peu partout. Tous ces aspects que l’on résume en règle barrière ou d’hygiène font qu’il y aura un impact sur l’épidémie.
Quels sont les risques que l’on peut encourir ?
Quand le virus est dans la communauté, potentiellement on est tous porteurs du virus, et le risque, c’est la diffusion. Quand les foyers se multiplient, on aboutit à une transmission communautaire soutenue. C’est la multiplication des foyers que l’on appelle les clusters et ce qui s’ensuit, c’est l’épidémie généralisée comme ce que l’on a vu récemment en France, en Espagne ou en Italie. Il faut s’attendre à un doublement des cas, si la transmission communautaire est soutenue toutes les 72h. Vous avez 200 cas, dans trois jours vous êtes à 400. C’est ainsi qu’on a assisté à une augmentation exponentielle des cas dans ces pays. C’est cela qui explique que les systèmes de santé soient débordés, parce que là où on a une capacité de 100 lits, on reçoit 1000 patients. D’où la mortalité élevée. Nous n’en sommes pas encore là. Il appartient à la communauté de prendre des mesures pour ne pas en arriver là. Nous sommes arrivés à un moment où on fait appel au sens de la responsabilité et au civisme de chaque Sénégalais. Il y a des mesures additionnelles qu’il faut prendre. Certains bus me semblent un peu bondés, même si on a diminué le nombre de places. Il faut revoir cela à la baisse. Chaque bus peut disposer d’une bouteille de gel antiseptique pour permettre à chaque client de se nettoyer les mains à la montée.
Quelles sont les mesures à prendre pour arrêter la propagation du virus ?
Les plus importantes, ce sont les mesures communautaires de santé publique. Ce sont des réponses communautaires. Le Ministère de la Santé ne va pas régler ce problème. Ce sont des mesures non médicales qui nous permettront d’éviter de passer dans la transmission soutenue. Il faut que chaque Sénégalais prenne ses responsabilités. Dans certains quartiers, on assiste à la tenue d’activités interdites. On voit des gens qui jouent encore au football et font du thé.