« POUR L’INSTANT, IL N’Y A QUE LA COMMUNAUTE QUI PEUT INVERSER LA TENDANCE »
Dr Elhadji Ndiaye Diop de l’hôpital Ndamatou de Touba

Face à la contagion communautaire qui hante aujourd’hui le sommeil des autorités sanitaires, des médecins à l’image de Dr Elhadji Ndiaye Diop estiment que seul la communauté peut faire inverser la tendance. D’où l’implication des leaders d’opinion pour une lutte plus efficace de la covid-19 au Sénégal.
« Le principal problème, c’est comment regagner la confiance de la communauté qui a besoin d’accompagnement. Le combat est plus communautaire que médical ou administratif. Les populations ne savent pas faire la différence entre une réunion organisée et une réunion sauvage. Elles font des types de rassemblements qui sont dangereux. Comme l’Etat veut aller dès jeudi prochain à la réouverture des classes, les jeunes se disent que l’Etat qui organise des rassemblements dans les écoles ne peut plus se permettre de leur interdire leurs rassemblements.
Or l’Etat organise des rassemblements surveillés avec des mesures barrières. La prière de vendredi aussi, c’est très organisé. Malheureusement, quand ils sortent de la mosquée, ils vont aller se rencontrer au niveau de leurs « dahira ». Le danger ce n’est pas l’autre, c’est nous. On se met en danger et on met la vie des autres en danger. Pour l’instant, il n’y a que la communauté qui peut inverser la tendance. Malheureusement cette communauté fait défaut ?
Ceux qui devaient agir ont été mis à l’écart pendant longtemps. Ils ont été associés un peu tardivement. Les médecins ne peuvent plus mener le combat de sensibilisation. Si tu essaies de les raisonner, ils te pointent du doigt tout en te disant que tu es du lot. Finalement, on se retire. Parce que c’est contre-productif et c’est dangereux pour le médical. A un moment donné, tu te dis, je vais prêcher là où il y a aucun risque. Au début, c’est des insultes, mais après ce sera des agressions. Finalement, on se dit mettons-nous dans notre coin.
L’Organisation mondiale de la Santé (Oms) avait averti à juste raison. On a un système qui ne peut fonctionner que quand on utilise la prévention. On ne peut pas subir les vagues de contamination. Les mesures de restrictions, c’était dur certes, mais ça avait donné des résultats. Au moins, on avait préservé des régions en anticipant et en mettant en place des stratégies préventives. Aujourd’hui, si les choses viennent de partout, on sera débordé. Et ce sera le sauve qui peut. Les gens vont commencer à mettre des barrières entre eux. Des maisons isolées, et des commerces qui seront fermés ; ou des quartiers qui vont se barricader. Quand les choses atteignent un niveau de méfiance, ce sera dangereux pour tout le monde. Et c’est maintenant qu’il faut communiquer, et communiquer. Associer les leaders d’opinion. Parce qu’il y aura une surveillance communautaire. Il faut que les jeunes, les imams, les relais communautaires, les quartiers parlent et fassent en sorte que tout le monde soit au même niveau. Il n’y a que cette solution. Les chinois l’ont utilisé. Si on le faisait avec tout le monde et avec un petit budget pour les déplacements, la santé ne ferait qu’accompagner par l’infirmer du quartier. Ainsi, chaque quartier aller faire un effort. Une gestion centralisée ne peut pas gérer tout ça. La balle est dans le camps des leaders d’opinion. Sans eux, ce sera la catastrophe ».