ALTERNATIVE A LA PROBLEMATIQUE DU MODE DE SAISINE DES ORGANES DE CONTROLE ET LEUR AUTONOMIE FINANCIERE
Le forum civil dégage des pistes

Selon le coordonnateur du Forum Civil, Birahim Seck, les difficultés que rencontrent les organes de contrôle au Sénégal à faire face aux problèmes de corruption et de détournement de deniers publiques ne sont pas forcément liées au mode de saisine. Interpellé dans le cadre de cet article réalisé en collaboration avec l’Ong Open Society West Africa au Sénégal (Osiwa Sénégal), le coordonnateur du Forum civil (Section sénégalaise de Transparency international) a plutôt pointé du doigt la faiblesse des moyens au plan humain, matériel et financier comme étant l’un des principaux facteurs paralysant l’action de ces organes. Ainsi, préconisant le renforçant de leurs moyens, Birahim Seck a également plaidé la mise en place d’un Parquet national financier (Pnf) chargé de mener toutes les enquêtes concernant les délits et crimes financières et économiques.
Le Sénégal est-il un géant aux pieds d’argile en matière de promotion de la bonne gouvernance ? Tout porte à le croire. Alors que le pays dispose de tout un arsenal, aussi bien au plan législatif que judiciaire, en matière de lutte contre la corruption et des pratiques assimilées, la bonne gouvernance reste encore un défi hors de portée. La preuve, la stagnation du Sénégal dans la zone rouge des résultats de l’Indice de Perception de la Corruption (Ipc) pour l’année 2020 publiés le 28 janvier 2021 avec un score de 45 sur 100 pour la quatrième année consécutive après une période de progression (36/100 en 2012, 41/100 en 2013, 43/100 en 2014, 44 en 2015). Il faut dire que cette situation est d’autant plus incompréhensible dans la mesure où le Sénégal dispose de plusieurs organes de contrôle tels que : l’Inspection générale d’Etat (Ige), la Cour des comptes, l’Office national de lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac), la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (Centif) et l’Autorité de régulation des Marchés publics (Armp)… dont la mission est justement de prévenir mais aussi de réprimer les pratiques de mauvaise gouvernance de ressources publiques.
Interpellé sur cette question, Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil (Section sénégalaise de Transparency international) , estimant que cette situation n’a rien à voir avec le mode de saisine de ces dits organes de contrôle, pointe plutôt du doigt leur gouvernance qui, selon lui, pose problème du fait de l’absence de moyens. Sous ce rapport, il a ainsi préconisé trois pistes de solutions pour rendre plus efficace l’intervention de ces organes.
La première concerne le renforcement des moyens financiers, matériels et humains de ces organes pour dit-il leur permettre de développer les actions et activités prévues dans les cadres de leurs missions respectives. « Le problème des organes de contrôle ne se situe pas au niveau de leur mode de saisine mais plutôt de leur gouvernance. L’Etat devrait commencer par donner un financement suffisant à ces organes de contrôle pour leur permettre de développer les actions et activités prévues dans les cadres stratégiques de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent», at-il expliqué.
Avant d’ajouter, «récemment, le président de la République avait demandé à l’Ofnac de vulgariser la stratégie nationale de lutte contre la corruption, je pense que le chef de l’Etat devrait plutôt commencer par doter l’Ofnac de moyens, non seulement pour pouvoir faire le travail de vulgarisation mais aussi, de mise en œuvre des actions et activités qui sont prévues dans cette stratégie nationale de lutte contre la corruption. Et tout comme l’Ofnac, il devrait également donner les moyens à la Centif pour lui permettre de mettre en œuvre ses actions et activités prévues dans la stratégique nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux».
Poursuivant son propos, Birahim Seck estime toujours, au sujet de l’Ofnac, que cet organe devrait non seulement bénéficier d’un renforcement de son personnel enquêteur et investigateur mais aussi de nouvelles compétences capables de faire un travail préliminaire pour renforcer leur rapport mais aussi, alimenter éventuellement le Parquet national financier (PNF) si le gouvernement venait à adopter cette réforme.
UNE REDYNAMISATION DES CORPS DE CONTROLE INTERNES
Par ailleurs, s’agissant de la deuxième piste de solution qu’il a évoquée, le coordonnateur du Forum civil souligne que celle-ci est relative à la léthargie des corps de contrôle interne qui se trouvent au niveau des différents ministères et autres services administratifs. En effet, soulignant que la plupart de ces corps de contrôle interne sont devenus aujourd’hui que l’ombre d’eux-mêmes, Birahim Seck recommande ainsi leur redynamisation. «Au-delà des organes de contrôle, il faudrait également un retour à l’orthodoxie par le renforcement en moyen matériel, humain et financier de tous les corps de contrôle interne. Autrement dit, des inspections internes qui se trouvent dans les différents ministères et services administratifs. Car, ce sont ces organes de contrôle internes qui doivent alimenter l’IGE, il faudra donc les doter de moyens humains, matériels et financiers en vue de leur permettre de faire leur travail», a-t-il préconisé.
PARQUET NATIONAL FINANCIER COMME ALTERNATIF
Abordant la dernière piste de solution, le coordonnateur du Forum civil a indiqué qu’elle est relative à la création d’un Parquet national financier (Pnf). Poursuivant son propos, il a expliqué au sujet de la mission de ce Pnf qu’il se chargera de mener toutes les enquêtes concernant les questions financières et économiques, notamment la corruption et autres délits connexes dont : le trafic d’influence, le détournement de deniers publics, le blanchiment de capitaux, l’enrichissement illicite, l’escroquerie portant sur les deniers publics et le favoritisme. Par ailleurs, Birahim Seck qui souligne que cette «panoplie d’infractions nécessite d’être prise en charge par une instance spécialisée pour mieux encadrer les enquêtes préliminaires», estime aussi que la mise en place du Pnf pourrait également contribuer à la clarification du jeu des compétences entres les différentes juridictions en ce sens où précise-t-il, «on saura maintenant que tout ce qui est corruption, blanchiment d’argent, détournement de deniers publics, escroqueries sera de la compétence du Pnf».
Le coordonnateur du Forum civil a également insisté sur la nécessité d’un renforcement des Officiers de police judiciaire (Opj) spécialisés en matière de criminalité et de délits financiers et économiques au niveau de la Police, notamment à la Division des investigations criminelles (Dic) et à l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocretis) et à la Section de recherche de la Gendarmerie nationale. Notamment en ressources humaines, financières et matérielles pour leur permettre de mener à bien leur travail d’enquête préliminaire en cas d’infractions financières et économiques.