CORONAVIRUS, LE DÉNI ENTAME LA SENSIBILISATION À PIKINE
Mbaye Kama lui est sans masque. Parce qu’il s’est fait sa propre opinion. « Nous allons tous mourir de quelque chose. Si le coronavirus c’est la grippe, les maux de gorge, nous avons l’habitude de vivre avec », lâche-t-il

Malgré les décès liés à la Covid 19, il y en a qui doutent de l’existence de la maladie à Pikine. Des messages et positions qui sapent la sensibilisation.
Ça rejoue au football dans une plusieurs zones de Dakar alors que la capitale est l’épicentre de la maladie. Ce sont les débuts d’un relâchement selon Abdou Mbengue. En maillot de l’ancien basketteur américain Jordan, le jeune maçon suit une partie de football sur l’un des terrains jouxtant la gare de péage de Thiaroye. Sur une petite aire, les adultes se sont divisés cet après midi du mardi du mardi 2 juin, en deux équipes.
Les 16 joueurs s’engagent à fond dans cette partie que chacun veut remporter cette paire de manches pour continuer à jouer jusqu’au crépuscule. Tacles, engueulades, dégagement, tous les joueurs manifestent une grande détermination. A côté, le public, tous des hommes assis sur le mur de l’autoroute à péage jubilent pour les belles actions et raillent pour les ratés. Témoin de cette scène, Abdou estime que cette maladie ne peut plus empêcher les gens de sortir. « Je me demande même si la Covid-19 existe.
On en entend simplement à travers les médias. Je n’ai jamais vu une personne atteinte ou morte de cette maladie », dit-il, d’un propos sérieux. En tee-shirt bleu et casquette blanche, son ami et compagnon de tous les jours, Diagne va plus loin. Indiquant ne mettre le masque que lorsqu’il est contraint, le monsieur parle de manipulation. « Ce sont les politiques qui sont derrière. Je n’y crois pas. C’est du leurre.
En tout cas moi, je vaque à mes occupations », avance le câbleur. Le lendemain mercredi, le soleil s’est levé intolérant au marché syndicat de Pikine. Des camions déchargent des caisses de mangues suivant les indications d’un homme d’un homme âgé. En boubou wolof sali et défloré, l’homme en question a le masque démis malgré ses déplacements et contacts.
De temps en temps, il intervient dans les discussions de la dizaine de dames venues s’approvisionner, munies de seaux ou bassines. A l’intérieur du marché, le vacarme s’est installé avec les interminables marchandages, les bruits des brouettes, tricycles et véhicules traversant Tally Bou Bess. Ici le constat est que le port de masques n’est plus suivi. Certains ne l’ont pas. D’autres l’ont accroché à la barbe. Terrible constat selon l’un des commerçants de mangues, Ousmane Ndiaye.
« Certains vont jusqu’à nier l’existence de la maladie qui pourtant tue tous les jours », regrette Ousmane. Mbaye Kama lui est sans masque. Parce qu’il s’est fait sa propre opinion. « Nous allons tous mourir de quelque chose. Si le coronavirus c’est la grippe, les maux de gorge, nous avons l’habitude de vivre avec », lâche-t-il de loin, poursuivant ses interventions auprès des camionneurs.
Un sacré coup à la sensibilisation
Ceux qui nient l’existence de la Covid-19 impacte négativement l’activité des entités engagées dans la sensibilisation. Ousmane Ndiaye s’en désole. A l’en croire, les débats sont chauds dans ce marché. La tâche n’est pas facile à son avis pour les communautés actives dans la lutte. « Il y a des gens majeurs et vaccinés qui jurent que la maladie n’existe pas à Dakar. Parfois je m’emporte. Ce genre de comportements nous complique la tâche. C’est difficile de sensibiliser au Sénégal », déplore Ousmane, d’une voix énergique. Las d’écouter les argumentations sur l’existence de la maladie, Baba Thiam dit ne plus rien.
C’est le summum de l’inconscience selon lui. « À un moment donné, j’ai décidé de ne plus en débattre, les gens te sortent toute sorte d’arguments. Certains parlent même de complot politique », regrette-t-il. À son avis ce déni peut pousser à certains à ne plus respecter les mesures barrières. Très actif dans la sensibilisation à Tivaouane Diacksao, Ibrahima Diaw compte poursuivre sa mission malgré les contradictions.
Pour lui, il s’agit de sauver des vies. « La sensibilisation souffre du déni de la maladie. Les espaces publics sont remplis. Les terrains de football aussi. Certains ont renoncé aux gestes barrières à force d’entendre ces messages qui sapent l’élan de solidarité et de lutte », se désole, Ibou le masque bien mis.