DAKAR-PLATEAU RESPIRE, MECANOS ET AMBULANTS RECLAMENT DES SITES
L’opération de désencombrement lancée par les autorités a changé le visage de Dakar-Plateau au grand bonheur des riverains.

Mais, des ambulants et des mécaniciens demandent des sites dédiés répondant aux normes pour exercer leurs activités en toute légalité.
Le contraste est saisissant. Des rues libérées des carcasses de voiture, des garages de mécaniciens fermés, les alentours de l’Assemblée nationale offrent ainsi un nouveau visage. Pour cause, les artères menant à cette institution ont été débarrassées des épaves et autres objets encombrants. En effet, il y a deux jours, le nouveau ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim Fofana, en compagnie du maire de la ville de Dakar et du préfet de Dakar-Plateau, a participé à l’opération de désencombrement ayant débarrassé la ville des épaves de voiture qui «ralentissent la circulation».
Les gargotières qui avaient élu domicile devant l’Assemblée nationale ont été également déguerpies. Les autorités veulent donner un autre visage à la capitale sénégalaise. Un groupe de mécaniciens, les habits tachetés d’huile de moteur, discutent sur la question devant la station-service sise à quelques pas du rond-point. Ils font face à leur ancien garage transformé en parking et où sont immobilisées des voitures neuves. A notre approche, ils se taisent, puis reprennent le débat. Ils affirment n’être pas concernés par l’opération. « Il n’y a jamais eu de garage mécanique par ici », lance l’un d’eux, la quarantaine bien sonnée. « La voiture a été prise ici par les agents de la municipalité », dit-il en pointant le rez-de-chaussée de l’immeuble qui abrite la Banque nationale pour le développement économique (Bnde). « Elle avait juste une panne d’essence », précise le mécano qui ne veut apparemment pas se prononcer sur la question.
A une vingtaine de mètres, Khadim Samb, cigarette à la main, discute avec son ami Nar, un mécanicien comme lui. Sans détour, il estime que ces opérations ne sont pas une première et ne vont certainement pas s’arrêter là tant que des solutions pérennes ne sont pas proposées aux personnes impactées. «Nous ne sommes pas contre le désencombrement, mais nous aimerions qu’on nous propose un autre endroit pour exercer notre activité», affirme Khadim. Ce mécanicien opérant à la place Soweto depuis 1992 propose que l’ancien Palais de justice du Cap Manuel soit affecté aux mécaniciens qui évoluent au centre-ville. «Ce bâtiment est laissé aux voyous alors qu’on pourrait en faire un bon usage et régler la question de l’occupation de l’espace», dit-il. Son ami renchérit : «pourtant, ils sont les premiers à venir nous chercher lorsqu’ils sont en panne. Il est donc impensable qu’ils nous recasent à Diamniadio, car nos clients seront les premiers à en souffrir». D’après Nar, le nouveau site réservé aux mécaniciens se trouverait effectivement au Pôle urbain de Diamniadio.
La grogne des ambulants
A quelques encablures de la place Soweto, à l’avenue Emile Bandiane, l’effervescence est à son comble avec la musique distillée par les haut-parleurs. Dans la longue rangée d’étals, Khadim Thiam tient une échoppe où il écoule des caleçons et autres sous-vêtements d’homme. Porteparole des marchands ambulants des environs, il assure qu’ils n’ont pas été informés de l’opération de déguerpissement. Mais, ils sont conscients de ce qui les attend. «J’ai été arrêté à deux reprise pour occupation anarchique de la voie publique et ma marchandise saisie. Le préfet ne nous a pas encore consultés, mais à travers les images que nous voyons à la télévision, nous nous attendons, à tout moment, à une descente», déclare le jeune homme. Originaire de Touba, il avoue que le déguerpissement est normal parce qu’ils occupent cet espace dans l’illégalité, mais c’est parce qu’ils n’ont pas le choix. Le vendeur soutient qu’ils essaient juste de gagner leur vie. « Nous avons tous un métier. Je suis cordonnier de formation. La vie est chère, on paie tout. Si je pouvais exercer mes activités à Touba, j’y resterais, mais je ne peux pas le faire», se défend-il. Pour montrer sa bonne volonté, Khadim Thiam souscrit à toute initiative de recasement des marchands ambulants dans un nouveau marché de la municipalité de Dakar-Plateau. «Je ne demande qu’à me régulariser», lâche-t-il. Sur la même allée, Kébé Bob, la cinquantaine, attend le bus 46 devant l’ancien bâtiment du Service d’hygiène. Elle pense que pour mettre un terme à l’occupation anarchique de la voie publique, l’Etat doit organiser des assises nationales pour instituer un cadre légal du commerce et des activités des mécaniciens, cordonniers et autres. «J’ai été dernièrement à Nouakchott. Les marchés ont été rasés et reconstruits de sorte que les vendeurs n’occupent pas l’espace public. Idem pour les mécaniciens. Ils ont tous leurs endroits spécifiques. Déguerpir n’est pas la solution, l’Etat gagnerait à mieux comprendre ses populations», dit-elle. Son bus venant de s’arrêter, Kébé s’y engoufre. A quelques mètres de là, la fumée s’échappe toujours de l’immeuble Scrupuldos noirci par les flammes qui l’ont ravagé la veille.