CORONAVIRUS, QUELQUES LIMITES À LA STRATÉGIE DE RIPOSTE
Le Ministère de la Santé et de l’Action sociale doit adopter une stratégie de communication beaucoup plus pédagogique pour mieux gérer les cas de transmission communautaire.

Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a adopté, depuis le début du Coronavirus au Sénégal, une stratégie de communication visant à informer la population sur la maladie. mais avec l’augmentation des cas de transmission communautaire, des spécialistes de la communication invitent le ministère à épouser une stratégie plus ou moins pédagogique pour expliquer davantage aux populations tous les contours de la maladie. D’ailleurs, ils estiment que le ministre Abdoulaye Diouf Sarr doit laisser les techniciens de son département porter la communication.
Le Ministère de la Santé et de l’Action sociale doit adopter une stratégie de communication beaucoup plus pédagogique pour mieux gérer les cas de transmission communautaire. C’est ce que souhaite Sahite Gaye, professeur en communication au Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (Cesti). «Je pense que le Ministère de la Santé doit prendre en compte l’aspect anthropologique. Car il faut souligner que même si la base de cette pandémie est sanitaire, la notion de risque auprès des communautés est culturelle. La distanciation sociale ne veut rien dire pour les gens. Et de ce côté, il faut avoir une pédagogie, c’est-à-dire expliquer. Pour y arriver, il faut passer par les leaders communautaires. On doit aller plus vers la pédagogie, mais cela doit être accompagné de moyens», a soutenu Monsieur Gaye au téléphone à «L’As».
Parler de cas communautaires, souligne-t-il, signifie faire appel un peu à une communication de changement de comportements. «A cet effet, pour freiner la propagation du Covid19 et en particulier la transmission communautaire, il faudrait faire appel à ceux qui sont dans les sciences humaines et sociales. Actuellement, il faudra donner une dimension plus humaine et plus sociale à la communication. C’est ce qui manque», indique Sahite Gaye. Il considère que cela nécessite beaucoup d’explications pour faire comprendre aux populations. «Cela doit être ce que l’on appelle une communication d’acceptabilité. Parce que maintenant, on ne parle pas de cas importés, mais plutôt de transmission communautaire. Et nos modes de vie font que ces cas peuvent se développer très rapidement», dit-il en recommandant par ailleurs d’éviter la stigmatisation. Ce qui nécessite une communication plus engageante. «Il faut que nos communautés s’engagent par rapport à ces cas. La communication ne doit pas aller vers la peur. L’idéal, c’est d’amener d’abord les gens à comprendre. Et pour cela, Il faut avoir des relais auprès de ces communautés comme les chefs de village, les Bajenu Gox, les autorités religieuses. Cependant, il ne faut pas utiliser la peur. Maintenant, la peur peut être une stratégie de choc mais cela ne va pas marcher», analyse-t-il.
Formateur en journalisme et communication à Issic, Ibrahima Bakhoum demande au ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf, de se retirer et de laisser aux techniciens le devant de la scène comme lors des bilans quotidiens. «Cela peut être plus fort en termes de sensibilisation, parce que les techniciens ont le discours pour cela. On peut faire mieux que de donner des chiffres de manière brute et de s’en aller. S’il s’agit seulement de lire, tout le monde peut le faire. Au lieu de lire, qu’il laisse les techniciens parler et expliquer, parce que beaucoup de gens ne savent même pas la signification de cas contact ou transmission communautaire», souligne Ibrahima Bakhoum. Même s’il reconnaît le mérite du ministre pour la manière dont il a géré la crise sanitaire au début, il estime que ce dernier ne devait pas porter la communication. «C’est là où il y a des failles parce qu’actuellement, l’image du ministre est saturée. Ce n’est pas le boulot du ministre de venir, de lire et de s’en aller. Qu’il le laisse aux techniciens. Quand ces gens parlent, on ne voit pas la casquette politique, mais des techniciens et c’estimportant.Il y a des gens qui sont spécialisés dans le domaine technique. Ils doivent faire de l’information, de l’éducation et de la communication. Pour le faire, il faut de la matière scientifique», affirme-t-il. En outre, Ibrahima Bakhoum suggère au ministre de la Santé de faire des points périodiques. «Le ministre peut venir toutes les deux semaines, c’est-à-dire chaque 15 jours », propose-t-il.
YAYE CODOU SENE SOCIOLOGUE DES MÉDIAS «Abdoulaye Diouf Sarr doit laisser à ses collaborateurs le soin de faire le point journalier»
La sociologue des médias Yaye Codou Sène demande au ministre de la Santé et de l’Action Sociale de ne plus faire le point journalier sur la situation du Coronavirus au Sénégal. Pour elle, Abdoulaye Diouf Sarr doit laisser à ses collaborateurs, en l’occurrence le Dr Aloyse Diouf son directeur de cabinet, et le Dr Abdoulaye Bousso directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS), le soin de faire le point journalier de la situation. A l’en croire, les Sénégalais attendent de lui, en tant que ministre de la République, l’annonce de mesures fortes pour la prévention etles soins. «Nous attendons également de vous des annonces pour le recrutement de médecins chômeurs et d’infirmiers et bien entendu, pour la construction de structures de santé pérennes dans les régions et les départements », rappelle-t-elle. Par ailleurs, Yaye Codou Sène félicite Abdoulaye Diouf Sarr, ses collaborateurs et les experts médicaux qui ont abattu un travail colossal pour informer les Sénégalais sur la pandémie du covid-19. A ce titre, elle indique que la conférence de presse organisée, un mois après l’annonce du premier cas de coronavirus, a été un excellent moment de communication.