CE SERAIT UN PLAISIR D’AVOIR UNE FINALE CAMEROUN/SÉNÉGAL
C’est un Fô Negu II décontracté et souriant qui a reçu samedi les journalistes sénégalais, dans son palais royal à Bafoussam.

C’est un Fô Negu II décontracté et souriant qui a reçu samedi les journalistes sénégalais, dans son palais royal à Bafoussam. Roi du Baleng depuis 2012, l’homme de 47 ans est également directeur des mines dans la région Ouest du Cameroun. Dans cet entretien qu’il a accordé à «L’As», il parle de son royaume, de son rôle de régulateur social, de son tribunal coutumier, mais aussi d’une possible finale Cameroun/ Sénégal pour cette 33ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN).
Sa Majesté, qu’est-ce que cela vous fait de recevoir une délégation de journalistes venus du Sénégal ?
C’est un immense plaisir de recevoir nos fils venant du Sénégal. Vous êtes dans le royaume Baleng. Nous avons des fils qui sont dans l’équipe nationale du Sénégal. Il y a Sadio Mané et Bouna Sarr qui sont des fils Baleng. Je crois qu’ils sont en train de bien performer. Nous sommes fiers d’eux. Nous les regardons et nous regardons de très près l’équipe du Sénégal. Et souhaitons qu’ils aillent le plus loin possible. Nous allons demander à nos ancêtres d’être là pour les encadrer et leur permettre d’aller le plus loin possible. Mais surtout de rentrer du Cameroun étant satisfaits de leur performance.
Avant cette compétition, vous avez eu à mener des actions au niveau du stade pour protéger les lieux et ceux qui vont les visiter ?
Oui, c’est effectivement cela. Nous avons fait des rites. Et j’ai entrepris, avec un groupe de sociétés secrètes, pour vous accueillir à l’aéroport. Et le premier jour du match, on avait pris un certain nombre de dispositions dans le sens de purifier le stade. Mais aussi dans le sens de rendre le stade paisible, accueillant et sécurisé. Que les matchs se déroulent dans de bonnes conditions, que ce tournoi se déroule dans la paix, dans le calme et dans la concorde.
Pouvez-vous nous présenter le royaume et ce que représente aujourd’hui la chefferie ?
Notre royaume, le royaume Baleng, date du 14ème siècle. Nous sommes partis de la plaine Tikar. Nous avons traversé le fleuve, non loin de là où se trouve le stade de Bafoussam pour nous retrouver dans ce versant. Au 14ème siècle, il y a eu un premier roi au nom de Fondo. C’est lui qui a créé le premier site, la première chefferieBaleng. Vers le 17ème siècle, il y a eu un autre roi qui régnait. Il avait choisi de changer le site On est allé un peu plus loin encore du premier site. Et aujourd’hui, nous sommes sur ce site et je suis le 21ème roi de la dynastie Baleng. Aujourd’hui, le royaume Baleng représente un gros bras de la région Ouest et même du Cameroun. Nous avons toute une large composante de coutumes, de cultures et de traditions. De manière générale, la chefferie traditionnelle, chez nous, sert un peu de liaison. Il est un peu comme un auxiliaire de l’administration. Il sert de liaison entre l’administration etla population. C’est comme un relais direct entre les populations et l’administration. Quand il y a des messages par exemple à transmettre aux populations, jusqu’à la dernière couche, l’administration laisse le message au royaume. Ce dernier va se charger de les transmettre jusqu’à la plus basse couche. Idem si la communauté a un besoin et des doléances qui sont pertinentes. Le roi prend toutes ces doléances pour les transmettre à l’administration. Et il va veiller à ce que l’administration puisse trouver une solution. Il joue le rôle de régulateur social. On accompagne aussi l’administration sur un certain nombre d’aspects.
Nous avons vu à l’entrée un tribunal dans le royaume. Comment la justice est rendue ici?
Nous avons un tribunal coutumier très fort dans le royaume. D’ailleurs, il est reconnu dans la loi, avec ses prérogatives et ses limites. Quand il y a des problèmes sociaux, des problèmes dans le foncier, je reçois les plaintes dans un premier temps. A mon niveau, je convoque d’abord les parties prenantes et j’essaye d’arbitrer, d’apaiser et de trouver un consensus ou un compromis. L’idée est d’essayer de résoudre le problème à l’amiable. Le plus souvent, quand ce genre de litige va plutôt au niveau administratif, cela crée beaucoup de tensions et des bagarres. C’est pour cela qu’au niveau coutumier, on essaye de tout faire pour réconcilier les familles. En réalité, il est question de familles. On fait en sorte qu’elles parviennent à s’entendre et à régler cela à l’amiable. Maintenant, si à notre niveau, c’est toujours un peu délicat et sensible, en ce moment-là, on transfère au niveau du tribunal administratif. Mais quand ils se retrouvent là-bas, le tribunal administratif demande souvent si le cas a fait l’objet d’un jugement coutumier. Si c’est le cas, on demande souvent quel a été le verdict du tribunal coutumier. Car, c’est le tribunal coutumier qui a toutes les astuces, les stratégies pour faire en sorte que les parties prenantes manifestent la vérité. Nous avons tous les pouvoirs pour rechercher la vérité.
Une finale Sénégal/Cameroun lors de cette CAN. Vous y pensez ?
Une finale entre ces deux pays, ce serait avec plaisir, si cela se réalise. Vous demandez qui je dois supporter ? A ce niveau, ce sera déjà un grand plaisir d’être au Cameroun, de vivre une finale qui oppose deux frères, qui oppose deux fils. Et nous allons nous atteler tout naturellement au fair-play. Le sport, c’est aussi ça. Nous sommes en train de bâtir notre Cameroun et notre Afrique. Si nous nous retrouvons en finale, nous allons supporter les deux équipes. Et nous allons prier pour que le match se passe dans de très bonnes conditions, sans heurts ni tensions. Et qu’à la fin, que celui qui a mérité prenne le trophée. Et il va le prendre avec toute la joie, toutes les bénédictions.
Sadio, nom de prince au Cameroun
Le roi FôNegu II observe de près l’équipe nationale du Sénégal et plus particulièrement Sadio Mané. Le très respecté roi du Baleng affirme même que le numéro 10 des «Lions» est un fils du Baleng, son royaume. Sa Majesté affirme même que ce nom a une signification particulière dans sa région. «Chez nous, Sadio, c’est un nom de noblesse dans la lignée des princes. Et quand on parle de la lignée des princes, il y a la notabilité de serviteur et la notabilité des princes. Donc, Sadio se retrouve dans la lignée des princes. Et à l’époque, c’était des notables et princes qui assurent la représentativité du royaume dans certains coins du village. Ce qui faisait que la moindre information à leur niveau est très rapidement retournée au palais. Donc, c’est un peu cela dans la nomenclature du royaume», a-t-il révélé en recevant les journalistes sénégalais. A Bafoussam, «Prince Sadio Mané» est donc chez lui.