GRAND DEFILE CIVILO-MILITAIRE OU PRISE D’ARMES ?
Le Sénégal va-t-il célébrer en grand pompe, c’est-à-dire à travers un gigantesque défilé militaro-civil, le 59e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale ? Ou alors la célébration se fera-t-elle par une simple et solennelle cérémonie

Le Sénégal va-t-il célébrer en grand pompe, c’est-à-dire à travers un gigantesque défilé militaro-civil, le 59e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale ? Ou alors la célébration se fera-t-elle par une simple et solennelle cérémonie de prise d’armes ? A trois semaines seulement de l’événement, les autorités militaires attendent toujours la décision du président de la République, chef suprême des Armées.
Lors du premier Conseil des ministres postélectoral, le président de la République Macky Sall, chef suprême des Armées, a brièvement évoqué les préparatifs de la fête du 4 avril 2019, marquant le 59ème anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Seulement, le communiqué ne précise pas si ces préparatifs concernent l’organisation d’un gigantesque défilé militaro-civil ou s’ils concernent simplement une cérémonie de prise d’armes qui se veut sobre et solennelle. Toujours est-il que le temps ne semble pas jouer en faveur de l’organisation matérielle d’un grand défilé civil, militaire et motorisé. Autrement dit, une fête populaire digne de ce nom où les écoliers, les acteurs des différents corps de métier, les majorettes de certains établissements de la capitale etc. vont parader le long du boulevard du général de Gaulle. Un défilé militaire suivi de celui des corps militaires et paramilitaires. Et notamment un défilé pédestre, motorisé, aérien avec un passage de la « patrouille du Sénégal » pour se terminer par un défilé équestre. Le tout étant rythmé par les prestations de la clique du Prytanée militaire de Saint-Louis, de la fanfare de la Police et la Musique principale des Forces armées. Il est vrai que l’organisation de la célébration de la fête de l’indépendance est placée sous la responsabilité de l’Armée. Et ceux qui connaissent l’Armée, savent qu’elle a une puissance et une capacité à nulle autre pareille d’organiser et de réussir un tel événement avec rapidité, méthode et rigueur. Seulement, la fête du 4 avril 2019 intervient dans une période postélectorale où toutes les composantes de la République s’étaient mobilisées pour un bon déroulement du scrutin du 24 février dernier. Mieux, le Conseil constitutionnel n’a pas encore proclamé les résultats définitifs bien que le président Macky Sall a été provisionnement réélu. Sans compter également les préparatifs de la cérémonie de prestation de serment du président de la République qui revêt un caractère à la fois républicain et obligatoire. Ce qui laisse croire qu’aux yeux de l’autorité, le serment devant la nation — et en présence de ses pairs — d’un président de la République l’emporte de façon prioritaire sur une célébration festive d’un 4 avril marquant la célébration de notre accession à la souveraineté internationale. En tout cas, sous d’autres cieux, la fête du 4 avril ne serait pas une priorité des priorités puisqu’elle reste et demeure toujours un événement synonyme de folklore et de tintamarre bien qu’il soit la fête de la jeunesse, mais surtout de l’Armée !
La décision du chef de l’Etat attendue….
D’ailleurs, l’on se souvient du 4 avril 2011 où le général Abdoulaye Fall, Chef d’Etat Major des Armées d’alors (Cemga) aurait proposé au président Abdoulaye Wade une prise d’armes en lieu et place du grand défilé populaire qu’avait voulu l’ancien chef de l’Etat. Parce que cette année-là, le Sénégal était plongé dans une profonde crise économique et sociale provoquant des agitations sur tous les fronts : Le chômage des jeunes, le bras de fer des centrales syndicales, la protestation des enseignants, la crise énergétique, la fiscalité exagérée des sociétés industrielles, la cherté des denrées de première nécessité, l’éternel problème des bourses universitaires, la crise scolaire, la désertion des enseignants, le « niakhtou » des paysans, la méfiance des leaders politiques relative à la machine électorale, la revalorisation des pensions des militaires invalides, les batailles de renouvellement des bases politiques etc… Face à la rancœur persistante et grandissante de toutes ces catégories sociales, nul ne pouvait organiser ou cautionner un grand défilé traditionnel aux allures d’un outrage « monarchique » des Wade. Il nous revient aussi qu’en 2000, sitôt élu, le président Wade avait voulu organiser un grand défilé sur le boulevard du général de Gaulle. Hélas, malgré son insistance, l’alors chef d’état-major général des Armées, le général Mamadou Seck « Faidherbe » lui avait fait comprendre qu’il était matériellement impossible, compte tenu des délais, d’organiser une telle parade. Devant son intransigeance, Wade avait donc dû faire son deuil d’un tel défilé pour cette année-là… Par contre cette année 2019, le calendrier électoral aurait empiété sur le processus d’organisation d’un gigantesque défilé civil et militaire. Mais quoi qu’il en soit, le dernier mot — gigantesque défilé populaire ou simple prise d’armes à la place de l’Indépendance — revient au président de la République, chef Suprême des Armées.