LA PERLE INCONNUE DE L’ISLAM SENEGALAIS
Mame Abdoulaye Niasse était un guide religieux effacé qui se consacrait uniquement à l’enseignement du Coran et à l’agriculture.

Mame Abdoulaye Niasse était un guide religieux effacé qui se consacrait uniquement à l’enseignement du Coran et à l’agriculture. Une philosophie de vie qui ne l’empêche pas de faire partie des plus grands érudits du pays. Les nombreux moukhadams qu’il a formés ainsi que le rayonnement de ses fils comme Cheikh Ibrahima Niasse qu’il a exclusivement éduqué peuvent en témoigner.
Né vers 1844 à Beli dans le Djolof au Sénégal, Abdoulaye Niasse, fils de Sidi Muhammad, est originaire d’une famille toucouleur. Il mémorise le Coran à l’âge de 15 ans auprès de son père, puis aborde l’étude des sciences religieuses traditionnelles auprès du marabout Matar Fa Ndiaye à Bomba Laghem.
Son père, Sidi Mouhamadou Niasse accompagné de son frère Ibrahima, émigrèrent par la suite à Nioro du Rip sur invitation à la Jihad lancée par Cheikh MabaDiakhou Ba (roi du Rip et fondateur de la ligue de résistance contre la colonisation française). A l’époque Maba avait octroyé des terrains aux marabouts venus le soutenir dans le Saloum. Il a offert le territoire allant de Nioro jusqu’à Koular aux marabouts venants du Djolof.
C’est ainsi que Sidi Mouhamad, père de Abdoulaye Niasse (accompagné d’un son frère Ibrahim), fonda le village de Niassènne dans le Rip en 1865, trois ans avant la venue de son fils Abdoulaye Niasse. Ce dernier fonda le village de Taïba Niassène et y vécut six ans. En 1880, Abdoulaye Niasse rompit avec la lutte armée pour se retirer dans son village de Taïba où il se consacre à l’enseignement du coran et à l’agriculture.
Vers 1894, à la suite de difficultés survenues avec Mandiaye Ba, neveu de Maba Diakhou Ba, il s’exila en Gambie et s’installa à Keur Samba dans le Bambouk. Quatre ans plus tard, il s’établit à Sano toujours en Gambie.
De retour au Sénégal, il continue paisiblement à se consacrer à ses activités spirituelles jusqu’en 1901, quand le chef de canton de Nioro et l’administration l’accusent à tort d’être l’instigateur d’une émeute millénariste dirigée contre les Français. Taïba est détruit, sa mosquée brûlée et ses biens confisqués. Il se réfugie avec une partie de ses disciples en Gambie d’où il continue à exhorter ses fidèles, y compris ceux qui sont restés au Sénégal, au travail et au respect des lois. Ces derniers prennent part activement à la culture de l’arachide dans le cercle du Sine Saloum qui va très rapidement battre le record de la production arachidière.
Abdoulaye Niasse s’attache également à cultiver ses relations extérieures en entretenant une correspondance suivie avec les différentes branches de la Tijaniyya. En 1910, El hadji Abdoulaye Niasse qui avait obtenu, depuis plusieurs années, l’autorisation de rentrer au Sénégal, vient s’installer avec sa famille à Kaolack. Dans le nouveau village de Léona-Niassène, il construisit un magnifique carré (Mosquée, zawiyya) en s’inspirant des dimensions de la zawiyya-mère de Fez. Il y vit en cultivateur paisible et en professeur de sciences islamiques de renommée internationale.
De dimension internationale, il entretenait des rapports et échangeait correspondances régulières avec les différentes branches notamment avec le foyer d’origine de Fez qu’il visita deux fois. C’est durant son deuxième voyage à Fez qu’il reçut reçoit la ijâza mutlaqa, suprême consécration de la hiérarchie Tijaniyya, qui va accroître son audience déjà considérable dans la Sénégambie.
LA DIPLOMATIE SALUTAIRE D’EL HADJI MALICK SY
En se rendant à Fez (Maroc), Cheikh Abdallah pria Allah de lui accorder quatre choses.
Premièrement : obtenir La Idjaza Mutlaqa, suprême consécration de la hiérarchie Tijaniyya permettant d’assurer toutes les fonctions de l’ordre.
Deuxièmment : recevoir quatre perles du chapelet de Cheikh Ahmad Tijane (1735 – 1815), fondateur de la voie Tijane, reposant dans la zawiya de Fez.
Troisièmement : recevoir des cheveux d’Ahmad Titanes.
Et enfin quatrièmement : être le père du pôle de l’époque (Qutbu al-Zamân’. Dieu réalisa ses vœux. Plus tard, il rencontra à Fez le pôle de son époque Cheikh Ahmad Soukayridj, un monument de la Tarîqa, bijou de la Voie et de la charia, gardien des secrets de la Tijaniyya et biographe des compagnons de la voie.
A son tour, il lui remit une Idjaza Mutlaqa et lui révéla que l’homme qui était venu lui demander d’aller voir l’imam de la zawiya n’était autre que Cheikh Ahmad Tijane. A cette occasion, il remit à Ahmad Soukayridj une lettre de son ami Cheikh ElHadj Malick Sy qui, empêché, ne pouvait faire le déplacement. Dans cette lettre, il sollicitait aussi la Idjaza Mutlaqa.
La première réponse de Ahmad Soukayridj fut d’exiger sa présence comme Abdoulaye Niasse le fit. Ce dernier insista que son ami méritait, autant que lui, la izdjaza mutlaqa. Alors Ahmad Soukayridju lui remit une lettre pour ElHadj Malick Sy. Ainsi, dès son retour au Sénégal, Cheikh Abdoulaye Niasse passa à Tivaouane pour remettre cette très bonne nouvelle à son ami.
Au moment de le quitter, ElHadj Malick Sy, qui l’accompagnait jusqu’à Gossas, lui donna le conseil, une fois à Kaolack, d’aller rendre visite au Commandant de cercle. A cette époque, Abdallah Niasse résidait en Gambie, en raison de divergences avec les colons français. Ceux-ci le suspectaient de préparer une guerre sainte (djihad). El hadj Malick demandera aussi à son ami Carpot de lui écrire une lettre destinée au commandant de cercle pour lui demander de tout faire pour retenir Abdallah Niasse à Kaolack; ce dernier étant une chance pour la religion et pour l’économie du pays.
Dans le bureau du commandant de cercle, Abdallah Niasse est informé par ce dernier des fausses accusations dont il a fait l’objet. Cheikh Abdallah apprit au commandant de cercle que ces problèmes ont pour origine son refus de mettre ses enfants à l’école française. Après cette séance d’explications, le commandant de cercle demanda à Abdallah Niasse de s’installer dans son Saloum. Après quelques échanges, il fut décidé qu’il s’installe en ville à Léona Niassiène. El Hadji Abdoulaye Niass a reçu d’abord le wird tidiani de Cheikh Mouhamadou Diallo, originaire du Fouta Djallon et compagnon d’El Hadji Omar Tall (Fondateur de la Tijaniya en Afrique de l’ouest). Il a été ensuite confirmé par les maîtres de la zawiyya mère, en particulier le grand Khalif Cheikh Ahmed Sukayriju.
L’influence d’El hadji Abdoulaye Niasse s’étendait surtout aux provinces du Sine, du Saloum et du Rip. Educateur, soufi, cultivateur, homme de lettre, Mame Abdoulaye Niasse a tiré sa révérence le 9 juillet 1922. Coïncidence malheureuse, c’est cette même année que Mame El Hadji Malick quitte ce bas monde.