«LE DIALOGUE SOCIAL EST GLOBALEMENT VIF ET TEMPERE»
Samba Sy qualifie les travailleurs de « créateurs de dignité » au cœur de l’humanité. Dans cet entretien exclusif, il se prononce aussi sur les progrès enregistrés et les défis à relever

Le ministre du Travail et du Dialogue social rend hommage aux travailleurs en cette veille de célébration du 1er mai.
Est-ce que la célébration de la fête du travail de 2019 a un cachet particulier ?
Sans hésiter, je réponds oui. Nous célébrons la fête du travail en sortant de la séquence électorale qui a intéressé notre pays à titre principal. Par la grâce de Dieu, nous avons traversé cette séquence dans le calme et la sérénité. Nous l’avons aussi vécue en constatant que les Sénégalais se sont mobilisés, sont sortis massivement et ont choisi celui qui va diriger le Sénégal les cinq prochaines années. Et c’est Macky Sall qui a été réélu. Il vient de prêter serment et de former son gouvernement. Nous venons de vivre tous ces évènements. Donc oui, peu ou prou cela va impacter la célébration. Nous pouvons préjuger qu’au nombre des Sénégalais qui ont renouvelé leur confiance au président de la République, il y a très certainement des travailleurs. Il ne faut pas l’oublier, le président Sall doit, en partie, sa reconduction aux travailleurs. Son bilan a milité en sa faveur. Beaucoup de travailleurs se sont retrouvés dans ce qu’il a fait. Quelque part, c’est la consécration, l’onction des travailleurs que l’on peut lire à travers cette réélection du chef de l’Etat. Maintenant, il va de soi que les attentes sont également grandes. Il y a des demandes nouvelles. C’est une bonne chose
Globalement, que retenir de 2018 en termes de bilan ?
Nous avons traversé 2018 dans le calme et la sérénité alors que c’est une année pré-électorale. C’est déjà un élément de bilan extrêmement important. Mais 2018, c’est aussi et surtout de gros efforts réalisés pour améliorer les conditions d’existence des travailleurs. Le Smig et le Smag ont été relevés de manière absolument notable. Il y a aussi tout ce qui a été fait pour les retraités du privé. Nous sortons de l’ère où ces retraités se retrouvaient avec des pensions de l’ordre de 10 000 et de 15 000 FCfa. Le gouvernement a aussi beaucoup fait pour maintenir les prix à leur niveau actuel. Le salaire étant un moyen pour le travailleur de satisfaire ses besoins. Malgré la hausse du baril sur l’international, les prix n’ont pas varié. Ce qui a permis aux travailleurs de maintenir leur pouvoir d’achat. Il y a aussi la couverture des travailleurs. Avec le dialogue, on est parvenu à des accords dans plusieurs branches. De nouvelles conventions ont été signées dans des secteurs comme la sécurité, celui de l’enseignement supérieur privé, dans la presse, etc. Et il y a, bien sûr, le projet de signature de la Convention collective nationale interprofessionnelle. C’est dire que nous avons des raisons d’être satisfaits de ce qui a été fait.
Avez-vous une idée du nombre de contrats enregistrés en 2018 ?
Nous allons très bientôt faire paraître les rapports sur les statistiques du travail. Si tout se passe bien, nous le ferons dans quelques semaines. Actuellement, il n’est pas possible de dire avec exactitude le nombre de contrats enregistrés en 2018. Je peux, toutefois, faire remarquer que le solde est positif. Si on fait le rapport entre déperdition et création, il est clair que des progrès énormes ont été accomplis. Et cela ne doit pas surprendre. Plusieurs secteurs comme celui du bâtiment connaissent des performances. Globalement, les choses sont en train d’aller de l’avant. Beaucoup de nouveaux métiers ont fait leur apparition. Les opportunités existent. Et certainement les rapports vont le confirmer.
Le nombre d’entreprises visitées par vos services en 2018 a connu une hausse par rapport à l’année dernière. Qu’est-ce qui l’explique ?
Deux choses peuvent expliquer ces avancées notées dans le contrôle des entreprises. La première, c’est que du point de vue des ressources humaines disponibles pour accomplir cette tâche et capables de le faire, inspecteurs et contrôleurs du travail, nous en avons un peu plus. C’est certain que nous n’en avons pas suffisamment. Il en faut plus. Mais beaucoup de progrès ont été faits. Nous venons de signer l’arrêté qui ventile les dernières recrues. Deuxième chose, un effort considérable a été fait en matière de logistique. Les moyens de locomotion, d’équipement des services ont été renforcés. Mais, je le répète, le ministère du Travail souhaite avoir beaucoup plus d’instruments pour agir et réussir sa mission. Le seul fait qu’un patron d’entreprise sache qu’il est possible que sa structure reçoive nos équipes, installe déjà un mieux-être
Comment se porte le dialogue social en cette veille de fête du Travail ?
Les observateurs peuvent présentement attester que le dialogue social est globalement vif et tempéré. Nous avons la chance d’avoir des patrons d’entreprise, mais surtout des organisations syndicales à la tête desquelles il y a des patriotes. Voilà pourquoi, sans autre forme de procès, assez régulièrement nous nous retrouvons pour débattre, partager, arriver à dégrossir les difficultés et à avancer. C’est une philosophie globale qui est partagée par les différents segments qui composent le champ du dialogue social. Nous avons l’avantage de nous voir souvent et d’échanger. Il est heureux qu’il y ait de la revendication, des problèmes à résoudre. C’est cela le vecteur du progrès.
L’environnement économique du Sénégal peut-il absorber un million d’emplois en cinq ans, comme le veut le chef de l’Etat ?
C’est très possible et il faut partir de ce que le gouvernement a déjà fait. Notre pays devient de plus en plus attractif. Il y a de nouveaux investisseurs dans tous les domaines. Les performances économiques réalisées dans la durée, depuis quatre ans, avec les taux de croissance que nous connaissons, tout cela est de bon augure. Maintenant, nous devons faire en sorte que cela puisse se traduire par la création de nouvelles opportunités d’emplois pour les jeunes et les femmes. Le président a fini de fixer l’objectif. Il nous reste à travailler et à atteindre cet objectif. Mettons cette volonté de création d’emplois en corrélation avec les objectifs que s’est assigné le Sénégal en tant que pays : faire de sorte qu’il il y ait zéro bidonville, un regard neuf par rapport aux exigences écologiques, faire en sorte que nous soyons davantage présents dans les métiers du numérique. Nous sommes dans un monde qui est en mouvement. Il faut nous préparer, nous y adapter. Les atouts du Sénégal sont réels. Il faudra les exploiter et réaliser 200 000 emplois par an. Nous pouvons le faire
Des emplois ont été créés, mais beaucoup ont également disparu du fait de la conjoncture. Que fait justement votre département pour les travailleurs en difficulté ?
Qu’il y ait des gens qui perdent leurs emplois à côté de ceux qui en cherchent et en trouvent, c’est un fait. C’est dans l’ordre normal des choses dans un monde qui change de base. En réalité, c’est le travail lui-même qui va être réformé, révolutionné. Et les hommes des médias nous montrent bien que le monde a complètement changé. Aujourd’hui, les journalises ne sont plus équipés de la même manière, ne travaillent plus de la même manière. Cette même dynamique de changement est perceptible dans plusieurs secteurs d’activité. Le changement est notable partout. C’est tout le monde du travail qui sera impacté. Nous assistons à une révolution. Faisons en sorte d’en profiter. Certainement, il y a des métiers qui vont disparaître. J’ai vu récemment, à travers les médias, que les moyens d’acheminement des médicaments sont des drones. Incroyable ! Travaillons à ce que ce qui va naître amplifie le bonheur de l’homme et pas le contraire. Le défi est donc énorme
Que vous inspire, justement, le thème du centenaire de l’Oit portant sur l’avenir du travail ?
L’Organisation internationale du travail (Oit) a raison de poser le débat sur l’avenir du travail. C’est une grande question. Personnellement, je pense que l’avenir du travail, c’est le devenir de l’humain. Celui-ci est un être de travail, capable de transformer la nature pour produire quelque chose d’utile. Or, si maintenant, on met seulement en avant l’intelligence artificielle, la robotique, nous allons cesser, nous autres humains, de travailler. Je dois même dire que c’est une question profonde que pose l’Oit
Si vous aviez un message à adresser à un jeune sénégalais à la recherche d’un emploi, qu’alliez-vous lui dire ?
Je vais tout simplement lui dire qu’il y a de bonnes raisons d’être optimiste, de croire en la possibilité d’un horizon prometteur. Maintenant, il ne faut pas simplement lui dire cela et s’en arrêter là. Il faut l’aider à se former, à avoir les capacités nécessaires pour pouvoir être de son temps. Ce n’est pas pour rien que dans la philosophie globale du gouvernement, on essaie d’articuler le volet formation au volet entreprise. Nous avons, aujourd’hui, des formations duales où l’apprenant est à la fois à l’école et sur le champ de production. Ce qui lui donne des compétences adaptées lui permettant d’être opérationnel. Il est injuste de demander aux jeunes chercheurs d’emploi de faire valoir une expérience de 5 voire de 10 ans pour être recrutés. L’Etat cherche à corriger cela. Il faut que dès l’école, l’apprenant soit mis en contact avec le monde de l’entreprise. Et il y a surtout que nous devons développer notre enseignement professionnel.
Et aux travailleurs du Sénégal en cette veille de fête du travail ?
Je voudrais, avant tout, les saluer car ils sont des créateurs de dignité, ceux-là qui, au fond, sont au cœur de ce que l’on appelle l’humanité. Il y a de la contingence dans la vie de l’homme. Nous sommes les uns et les autres des êtres absolument passagers. Et ce qui est un peu plus durable dans notre humanité évanescente, ce sont les œuvres que nous créons. Donc, si nous créons des choses utiles, celles-là nous perdurent. Evidemment, elles peuvent exister et c’est pour cela que le vecteur de l’humanité, c’est aussi l’homme travailleur. La revendication est légitime et vectrice de progrès. Mais n’oublions pas qu’en règle générale, c’est avec les moyens de tout le monde qu’il faut aller à la rencontre de l’aspiration de chacun. Veillons à faire les choses de manière équitable. Je souhaite une très bonne fête du travail à tous les travailleurs de notre pays