LE ‘’NGANALÉ’’ ENTRE FERVEUR RELIGIEUSE ET FOLKLORE OSTENTATOIRE
Symbole d'hospitalité à l'origine, le ‘’nganalé’’ s’est transformé en une scène d’exhibition sociale et de débordements festifs, selon des sociologues. Une dérive qui contraste avec les principes de sobriété prônés par l’islam.

Le ‘’nganalé’’, la cérémonie festive organisée en l’honneur des pèlerins de retour de La Mecque, révèle un état social caractérisé par ”l’exhibitionnisme” et ”le m’as-tu-vu”, ont estimé des sociologues interrogés par l’APS.
‘’La manière dont le pèlerin est accueilli à son retour de La Mecque, avec des festivités débordantes de bombance, est révélatrice de notre état social. En effet, notre société est caractérisée par l’exhibitionnisme et le m’as-tu-vu’’, a notamment déclaré le sociologue Alioune Diouf.
Cette ostentation devenue un ‘’phénomène’’ constitue un paradoxe dans la pratique de la religion musulmane, qui recommande la sobriété et l’humilité, a-t-il fait savoir.
‘’L’exhibitionnisme et le m’as-tu-vu s’accommodent allègrement pour permettre aux uns [les pèlerins] de s’exposer fièrement et d’exposer en même temps leurs atouts et atours, et aux autres [les voisins et invités] de contempler avec envie ce qu’ils ont sous les yeux pour des racontars ultérieurs’’, soutient Alioune Diouf.
Tentant une explication comparative avec le contexte économique actuel ‘’difficile’’, le sociologue constate curieusement qu’il ‘’ne saurait être un frein au phénomène qui est une réalité sociologique, qui s’est ancrée au fil du temps’’.
A son avis, tout le monde ou presque s’adonne au ‘’nganalé’ par mimétisme sans considération de statut social, alors que ‘’le hajj ne s’accommode pas de folklore si l’on sait qu’il est abhorré par la religion musulmane’’.
Son confrère Pape Malick Diop abonde dans le même sens. ‘’Nous vivons dans une société où les principes sont ignorés au profit du folklore. Ce qui explique les débordements qui sortent du cadre de la religion’’, souligne-t-il.
Rappelant que l’islam réprouve le gaspillage, il pense toutefois que l’esprit de ‘’nganalé’’ tient tout son sens dans l’analyse même du concept. M. Diop apporte ainsi du bémol à la réprobation tous azimuts de cette cérémonie festive en l’honneur du pèlerin de retour de La Mecque.
‘’En wolof on dit +gàn danioukoy ganalé+ [il faut bien accueillir un hôte]. Alors même si l’on peut comprendre l’esprit du +nganalé+, il faut reconnaître que dans les faits, ce qui se passe est blâmable dans la plupart des cas’’, estime Pape Malick Diop.
A l’en croire, tout dépend du sens qu’on lui donne et des pratiques qu’on y associe. Il estime que ‘’célébrer le retour d’un pèlerin en dehors de l’euphorie et des excès est normal’’.