LE PHARE DES MAMELLES ÉCHAPPE MOMENTANÉMENT AUX PRÉDATEURS FONCIERS
Des chasseurs de terres, sans égard pour son statut de patrimoine national, ont tenté d’élever à ses pieds les fondations de ce qui devait être une grosse infrastructure hôtelière ou résidentielle

Classé au patrimoine historique national, le phare des Mamelles devient le symbole du carnage foncier que subit le littoral sénégalais depuis plusieurs années. Sauvé une fois, il reste sous la menace de promoteurs immobiliers, désireux de construire à ses pieds, face à l’océan. Devant la menace, une future loi sur le littoral est annoncée.
À la nuit tombée, il est l’une des grandes curiosités de Dakar, par l’éclat lumineux qu’il projette par intervalles de cinq secondes sur plusieurs kilomètres à la ronde. Le phare des Mamelles, héritage colonial datant de 1864, est situé sur l’une des deux collines volcaniques qui surplombent la capitale sénégalaise. Au mois de mai, il a échappé de justesse à un crime de lèse-majesté.
Des chasseurs de terres, sans égard pour son statut de patrimoine national, ont tenté d’élever à ses pieds les fondations de ce qui devait être une grosse infrastructure hôtelière ou résidentielle. C’est in extremis que le projet a été éventé, grâce à l’alerte d’un journaliste sénégalais, Pape Alé Niang. En se rendant sur les lieux, celui-ci est surpris par des travaux de construction en cours, au pied du phare. Il ébruite rapidement l’affaire sur les réseaux sociaux. Alertés, les gendarmes de la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (DSCOS) interviennent sur les lieux, ordonnent l’arrêt des travaux et renvoient les ouvriers. Une enquête est rapidement ouverte par cet organisme, qui dépend directement de la Primature.
Le phare des Mamelles fait partie du domaine public maritime (DPM) du Sénégal. À ce titre, il est en principe, «imprescriptible, inaliénable et non ædificandi» (non constructible), rappelle Moctar Bâ, président de la Plateforme pour l’environnement et la réappropriation du littoral (PERL), interviewé par Seneplus. Toutefois,
« Des personnalités de la République, responsables politiques, hommes d’affaires, fonctionnaires, etc. ont pu se procurer des titres fonciers sur toute la façade maritime, entre le Cap Manuel et la pointe des Almadies, les deux extrémités de la presqu’île du Cap-Vert. Cela participe à de la destruction lente, mais certaine du domaine public maritime», dénonce le journalistede son côté le journaliste Pape Alé Niang à Sputnik.
Certes, faire l’acquisition de certains de ces terrains ou obtenir des permis de construire demeure théoriquement possible.
Mais cette opération nécessite, en tout état de cause, «des procédures d’exception qui doivent être elles-mêmes à vocation d’utilité publique. Mais au Sénégal, les prédateurs sont très futés pour contourner les lois», poursuit, pour sa part, Moctar Bâ.
De fait, très souvent, il ne s’agit pas de procédure poursuivant une quelconque finalité publique, à en croire Papé Niang. Des terrains de l’État sont souvent vendus à des tiers grâce à un système de «magouilles», relève-t-il. Les premiers acheteurs de ces terrains, pourtant en principe non cessibles, se dépêchent de les revendre.