BISBILLES AUTOUR DE L’HERITAGE DE CHEIKH BETHIO
Un an après la disparition de guide, l’unité des thiantacones semble avoir volé en éclats

Un an après la disparition de Cheikh Béthio thioune, l’unité des thiantacones semble avoir volé en éclats. Une situation due principalement à des rivalités de clans sur fond de tensions sur la question de l’héritage de leur guide spirituel. Les scènes ne se comptent plus en effet depuis lors révélant au grand jour les profondes divergences entre deux camps opposés, celui des «conservateurs» ou « légitimistes », dirigé par le fils aîné du défunt Cheikh, Serigne Saliou thioune, désigné khalife par les dignitaires mourides, et celui «légaliste» mené par Sokhna Aïda Diallo, la préférée du même. Cette dernière bénéficie du soutien de deux autres ex coépouses à savoir Sokhna Bator et Sokhna Déthié Pène, en somme le clan des jeunes épouses. Certains observateurs avertis n’ont pas hésité à décréter la décadence du mouvement des thiantacones du fait de la prééminence de l’aspect matériel au détriment des considérations d’ordre spirituel et éthique dans l’héritage de l’homme multidimensionnel que fut Cheikh Béthio thioune. Dernier épisode de cette cassure, une descente musclée des «légitimistes» au domicile de Sokhna Bator. Outrée, la dame a tenu à tirer la sonnette d’alarme et envisage de saisir la justice.
Étreinte par l’émotion, c’est une veuve tétanisée mais lucide qui a fait face à la presse dimanche dernier pour dérouler sa version des faits dans cette sordide affaire d’»agression» perpétrée par le clan du fils aîné de son défunt époux et guide religieux, Cheikh Béthio Thioune. «Je tenais à faire part d’une situation alarmante ici à Madinatoul Salam, à Keur 17, la maison qui m’a été offerte par Cheikh Béthio depuis avril 2018. Le dénommé Fame Samb, plus connu sous le nom de Serigne Saliou Gueule Tapée, l’aîné des fils de Serigne Béthio, est venu aujourd’hui chez moi avec ses frères qui sont plus âgés que nos fils pour proférer des menaces et provoquer les gens qui se trouvaient dans cette maison en mon absence. Comme ils ne m’ont pas trouvée sur place, le talibé qui avait la charge de garder la maison le leur a fait savoir. Ils ont insisté et aussi l’ont frappé, parce qu’ils n’ont pas été satisfaits du fait qu’il ne leur ait pas permis d’entrer dans la maison. C’est pourquoi, je dénonce cet acte qui n’est pas le premier du genre car il y a eu des antécédents.»
Poursuivant son récit, Sokhna Bator d’enfoncer le clou : «Après l’éclipse de Cheikh Béthio, il y a eu une situation qui perdure jusqu’à présent. Nous les femmes de Cheikh Béthio Thioune, je veux dire les plus jeunes, notamment Sokhna Aïda Diallo, Sokhna Déthié Pène et moi-même, sommes victimes de provocations de tous bords, d’injures, d’insanités à notre encontre. L’année dernière, après l’éclipse de Cheikh Béthio, Serigne Saliou Gueule Tapée est allé par effraction violer mon domicile à Touba. Il avait trouvé des gens de confiance Serigne Béthio là-bas et les avait chassés, a pris nos demeures et y a installé d’autres personnes. Lorsque j’ai eu vent de cette affaire, je me se suis rendue sur place pour m’enquérir de la situation. C’est ainsi que j’ai sollicité les services d’un huissier de justice qui a fait son travail et j’ai suivi la procédure qui sied. Après cela, il y a eu aussi des faits qui ont été relatés dans les médias et dans les réseaux sociaux. Je suis allée ici à Médinatoul Salam, dans la grande demeure, où nous avons nos maisons, pour procéder au nettoyage des lieux.
A ma grande surprise, la Gendarmerie a été appelée, parce que, ont-ils dit, je faisais de la provocation. Ce qui s’était passé c’est que les talibés déclamaient les « khassaïdes ». Comme les membres de ce clan n’étaient pas contents de ma présence sur les lieux, ils ont fait dans l’intox pour appeler la Gendarmerie, prétextant que j’étais venue faire dans la provocation» rappelle celle qui a fait acte d’allégeance à Sokhna Aïda Diallo. «Cette fois, ils sont venus, pas seulement les fils, mais accompagnés de soi-disant gardes du corps, ont proféré des menaces et exhibé des armes blanches parce qu’on ne les pas acceptés dans ma maison. Tout cela sous la direction de Serigne Saliou Gueule Tapée, Fame Samb de son vrai nom. Je compte saisir qui de droit par ce qu’il y a des autorités compétentes pour la diligence de cette affaire. Je souhaite que la lumière soit faite sur tout cela. Parce que j’ai des enfants en bas âge, des filles. C’est vraiment alarmant», explique toujours la veuve de Cheikh Béthio Thioune.
Quand le matériel détrône le spirituel
Le fond de toute cette agitation, selon la dame, c’est l’héritage de Serigne Béthio Thioune. «Serigne Béthio nous a confié des besoins et ce qui leur importe, c’est d’être en possession de tout ce que Serigne Béthio nous a confiés et par force, disent-ils. Alors, il faut que les choses soient faites de manière légale et légitime» a conclu la veuve, avant de donner la parole au sieur Ababacar Traoré présenté comme étant celui qui a fait l’objet de cette «agression» .Ce dernier n’y est pas allé par le dos de la cuillère pour enfoncer ses «agresseurs». «Cet après-midi (Ndlr, dimanche), vers les coups de 17 heures, une délégation conduite par Serigne Saliou Gueule Tapée et comprenant entre autres Seydina Thioune, Serigne Khadim Thioune l’ex-député, Serigne Khadim Thioune de Sokhna Mbossé, Serigne Sam Midadi et leur garde du corps s’est présentée ici.. Lorsqu’ils ont débarqué, ils m’ont demandé si Sokhna Bator était là, je leur ai répondu par la négative. Au moment où je répondais à leur interpellation, j’ai reçu des coups de Seydina Thioune. C’est après qu’ils ont commencé à nous abreuver d’insultes et ont brandi des armes blanches et proféré des menaces de mort à l’encontre de tous les résidents de cette demeure de Sokhna Bator. C’est au moment où je me suis résolu à appeler la Gendarmerie qu’ils ont pris la fuite à bord de leurs véhicules» confie le chargé de la sécurité de la résidence de Sokhna Bator. « Ce n’est pas la première fois qu’ils venaient. Ils avaient auparavant envoyé un jeune pour le même dessein. Ils ont promis cette fois de revenir en force. Face à cette situation et vu la gravité des faits et leur caractère récurrent, nous lançons un appel aux autorités pour que cela ne se reproduise plus» avertit le sieur Ababacar Traoré.
Gueule tapée dégage en touche
Interpellé, le «mis en cause», se défend. Serigne Saliou Thioune Gueule Tapée dit être suffisamment ‘’civilisé» pour n’être pas capable de verser dans des actes mettant en cause son statut de Khalife de la famille. «L’objet de notre déplacement au domicile de Sokhna Bator, c’était tout simplement d’engager des concertations pour l’héritage de notre défunt père et guide spirituel. C’est là une démarche tout à fait normale. Je ne vois pas donc pourquoi cela devrait soulever toute une polémique». Une chose est sûre : la question de l’héritage de Cheikh Béthio Thioune a fini de diviser la famille des Thiantacones un an après la disparition de leur guide spirituel. L’immense fortune du Cheikh a aiguisé des appétits au point de créer la fin du «Thiant».
En lieu et place de l’unité de disciples fervents et dévoués à l’expansion de leur philosophie du «Thiant», c’est à une mort programmée d’une belle révolution religieuse qu’on assiste. Chaque jour qui passe confirme cette fracture du mouvement Thiantacone. Les «conservateurs» sous la férule de Serigne Saliou Thioune, Khalife désigné par la hiérarchie mouride, continuent de s’opposer à ce qu’ils qualifient d’ « usurpation », voire d’ « hérésie » de la part de Sokhna Aïda Diallo, veuve du Cheikh dont elle fut la favorite. Les partisans de cette dernière, quant à eux, dénoncent une entreprise «d’extermination» de leur clan.