LES OBSTACLES MAJEURS À LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME «ZÉRO DÉCHET»
Dans cet entretien, l’ancien haut fonctionnaire du Bureau organisation et méthodes (BOM) de la présidence de la République, Abdoul Aziz Tall, explique pourquoi la réussite du projet d'assainissement risque d’être difficile à réaliser

Dans la première partie de notre interview parue ce mercredi, l’ancien ministre Abdoul Aziz Tall évoquait les dysfonctionnements de l’admnistration sénégalaise. Dans cette deuxième et dernière partie, l’ancien haut fonctionnaire du Bureau organisation et méthodes (BOM) de la présidence de la République explique pourquoi la réussite du programme zéro déchet risque d’être difficile à réaliser. Si Abdoul Aziz Tall estime que l’initiative du président de la République est louable, il déplore cependant le fait que ce programme pêche énormément sur le plan de la démarche méthodologique. « Le vrai problème pourrait bien se situer dans le déficit de communication et de sensibilisation des citoyens, dans la faiblesse, voire l’absence d’une compréhension partagée, d’une conscience collective, d’une mobilisation volontaire et délibérée de leur part autour des projets communautaires. A défaut de pouvoir répondre à toutes ces questions et d’autres, l’objectif d’un « Sénégal zéro déchet » avec des résultats satisfaisants et durables risque d’être difficile à réaliser » dira-t-il. Mais il semble que l’autre défi à relever dans ce pays tourne autour de la question de citoyenneté. Abdoul Aziz Tall déplore le manque de discipline dans notre pays. « Le constat est regrettable, mais nous sommes en présence d’un système où l’absence de discipline collective semble hélas être la chose la mieux partagée » estime l’ancien ministre. Alors pour lui « à l’évidence, le Sénégal souffre d’un déficit chronique d’adhésion à des repères sociologiques ». Autant de faiblesses qui nous éloignent des exemples du Rwanda et de la Namibie. Entretien
Monsieur le ministre, venons-en à l’actualité avec le programme zéro déchet décrété par Monsieur le Président de la République. Pensez-vous à ses chances de réussite ?
Le Président de la République a décidé, de la manière la plus solennelle, de faire du Sénégal un pays propre, débarrassé de tous ses déchets qui donnent à nos villes, presque sur l’ensemble du territoire national, des images de gigantesques dépotoirs d’ordures. Il a ainsi décrété l’opération « zéro déchet ». L’initiative est, on ne peut plus louable, car la propreté est sans doute un des atouts les plus indispensables d’une nation, tant elle impacte sur la santé des populations, sur leur environnement, leur cadre de Vie et par ricochet sur leur productivité au travail. Mais personnellement je suis plutôt tenté d’analyser cette décision sous l’angle de la démarche méthodologique.
Pouvez-vous être plus explicite ?
Il faut toujours analyser une décision de Chef d’Etat, par rapport à l’observation des principes fondamentaux auxquels doit obéir tout processus décisionnel, dans le cadre du management des organisations. Suivant cette démarche méthodologique, tout dirigeant doit s’assurer du maximum de garanties de succès avant de prendre une décision majeure. Ce principe trouve davantage son importance, lorsqu’on doit prendre une décision dont l’impact va concerner toute une nation. Certes, l’erreur est humaine, mais il est de ces erreurs dont les conséquences sont autrement plus graves, en raison des implications néfastes qu’elles peuvent entraîner sur la vie de millions d’individus, mais aussi et surtout, sur la crédibilité de la plus haute institution de l’Etat.
Pouvez-vous nous rappeler ces principes ?
A l’échelle de toutes les nations du monde, c’est un principe générique que lorsqu’un Chef d’Etat se trompe, c’est tout son peuple qui se trompe avec lui. Pis encore, s’il n’arrive pas à trouver rapidement des solutions alternatives à ses décisions insuffisamment préparées, c’est sa gestion qui risque de n’être qu’un vaste cimetière de projets inachevés, ou de promesses qui ne connaîtront même pas un début d’exécution.
Considérez-vous que ce soit le cas ici ?
Suivant cette approche méthodologique, le processus décisionnel se compose de plusieurs étapes dont la plus cruciale est sans doute l’identification du problème sur lequel la décision doit porter. En effet, si le décideur manque de bien identifier son problème, il court le risque de connaître les mêmes désagréments que le voyageur qui arrive à la gare, et qui embarque dans un train autre que celui de sa destination. Certes, il aura voyagé, mais avec peu de chance d’atteindre l’objectif initial de son déplacement. Nombreux sont les dirigeants qui s’empressent de donner des solutions à des problèmes dont la claire formulation n’est pas aussi évidente. Le risque qu’ils encourent est de trouver de bonnes solutions à des problèmes qui n’en sont peut-être pas. L’identification de la vraie nature du problème des déchets au Sénégal, notamment dans les grandes villes, est à chercher dans les réponses à un certain nombre de questions préjudicielles.
Lesquelles selon vous M. le ministre?
A-t-on suffisamment intégré l’idée que ceux-là qui provoquent l’insalubrité et l’encombrement sur la voie publique, ne sont autres que les mêmes qui résident dans les villes et villages, les quartiers, les rues et les concessions? En d’autres termes, tout citoyen est par définition un potentiel pollueur. Les déchets sont créés par les êtres humains. Ils ne sont pas le fait d’une génération spontanée. Les comportements de certains citoyens ne sont-ils pas, de manière endémique, en conflit avec les exigences d’un environnement sain, d’une hygiène collective, de la promotion d’une culture et d’un esprit de préservation du bien commun, d’un sens aigu du civisme?
Y a-t-il d’ailleurs une compréhension commune et partagée de toutes ces notions d’hygiène, de biens communs, de solidarité, de civisme etc, par ces mêmes citoyens ?
Peut-on considérer que ces citoyens sont aujourd’hui réellement dans des dispositions à adhérer à toutes les initiatives et actions visant à se retrouver autour d’un esprit d’équipe, à répondre à l’appel en faveur d’une mobilisation centrée sur des questions de protection et de sauvegarde de leur environnement et de tout ce qui relève du bien commun ?
A-t-on mobilisé suffisamment de moyens humains, matériels, comme financier, pour procéder adéquatement à la collecte des ordures partout dans le pays, et en assurer le transport et le traitement en temps réel ?
Comment expliquer que partout au Sénégal, à l’entrée des villes comme à leur sortie, on trouve invariablement des dépôts d’ordures qui offrent le spectacle peu reluisant d’un vaste champ en ruine ?
Comment expliquer que des charretiers fassent régulièrement le tour des quartiers, ramassent les déchets au niveau des concessions moyennant rétribution, et au mépris de toutes les règles d’hygiène, pour ensuite les déverser nuitamment sur des endroits non autorisés ?
Faut-il sensibiliser et/ou sanctionner le charretier, le bénéficiaire de son service, ou les deux ?
Pourquoi le Service National d’Hygiène ne procède-t-il plus à la visite hebdomadaire, pour s’assurer de la salubrité des concessions, comme ce fût le cas jadis ?
Ce service est-il doté aujourd’hui de moyens à la fois humains, financiers et matériels assez suffisants pour assurer adéquatement cette mission fondamentale de police de la salubrité publique, tout en bénéficiant surtout d’un soutien institutionnel clairement affirmé ?
Pourquoi la Voie de Dégagement Nord, (VDN) principalement, les rues des quartiers avoisinants, sont devenues depuis plusieurs années, et en dépit des nombreuses complaintes des usagers, un lieu de divagation d’animaux, qui constitue une réelle menace sur l’environnement et sur la sécurité des personnes et des biens ? Je passe sous silence le problème récurrent de l’assainissement de nos quartiers, marqué par des écoulements d’eau usés qui provoquent des nuisances à tout moment.
La liste des questions à poser est naturellement loin être exhaustive. Mais il faut nécessairement passer par cet exercice de leur recensement le plus complet possible, de les analyser afin d’aboutir à l’identification du vrai problème des déchets. Les résistances observées, ça et là depuis le début de la mise en œuvre de cet ambitieux programme « zéro déchet », même elles sont inhérentes à ce genre d’opérations, attestent qu’il y’a manifestement un problème d’approche méthodologique. Le véritable problème n’est pas seulement dans le bras de fer qui oppose les différents acteurs.
D’une part les « victimes » de déguerpissements animées d’une farouche volonté à défendre leurs intérêts et d’autre part, la détermination des services publics à diligenter l’opération « zéro déchet ». Le tout, donnant lieu à des tiraillements fortement relayés dans la presse. Le vrai problème pourrait bien se situer dans le déficit de communication et de sensibilisation des citoyens, dans la faiblesse, voire l’absence d’une compréhension partagée, d’une conscience collective, d’une mobilisation volontaire et délibérée de leur part autour de projets communautaires.
A défaut de pouvoir répondre à toutes ces questions et d’autres, l’objectif d’un « Sénégal zéro déchet » avec des résultats satisfaisants et durables risque d’être difficile à réaliser. Les solutions en rapport avec les attitudes et comportements de nos concitoyens ne se décrètent pas dans les consciences, pas plus qu’elles ne s’obtiennent, ni dans la coercition, ni dans la distribution de trophées des plus beaux quartiers et autres récompenses du genre. Il n’est que de se souvenir, que c’est avec la même détermination que le Président de la République avait engagé la lutte contre le phénomène de la mendicité des enfants au tout début de son magistère, au lendemain du drame de la Medina où neuf adolescents avaient péri, suite à un incendie survenu dans un lieu qui leur servait d’abri. L’émotion qui avait envahi tout le peuple avait conduit à prendre, dans la précipitation, des décisions qui ont vite révélé les limites de leur opérationnalité.
La tragédie du DIOLA, la pire catastrophe de l’histoire de la navigation maritime, avait donné lieu à une sorte d’exorcisme au niveau national, avec des résolutions fortes sur les attitudes et comportements que chaque citoyen devait dorénavant adopter, pour éviter la réédition de ce genre de cataclysme. Il est manifeste aujourd’hui, que les citoyens, à travers leurs attitudes et comportements de tous les jours, semblent bien loin d’avoir tiré des leçons de ces malheureux événements. Que n’a-t-on pas débattu sur les méfaits du plastique dans la protection de notre environnement, au point de voter en 2016, une loi qui n’aura presque jamais été scrupuleusement appliquée? Toutes ces interrogations nous renvoient également et de manière implicite à l’épineuse question du suivi et de l’évaluation des décisions arrêtées au niveau des instances de la République. Le processus décisionnel n’est évidemment pas une approche managériale isolée. Il résulte d’une composition d’éléments intégrés qui comprend les questions d’organisation de coordination, de contrôle, de définition des stratégies, de fixation d’objectifs précis et bien attendu, l’évaluation et le suivi de l’exécution des décisions arrêtées. Occulter cette démarche méthodologique, pour identifier la problématique des déchets, avant de prendre une décision, conduirait à s’engager dans la voie de la précipitation, de l’improvisation et du tâtonnement, dans la mise en œuvre de ce projet si important.
Le déficit de citoyenneté. Obstacle majeur à la mise en œuvre de nos projets communs ?
Le constat est regrettable, mais nous sommes en présence d’un système où l’absence de discipline collective semble hélas être la chose la mieux partagée. C’est à croire que nos compatriotes sont réfractaires à tout ce qui a trait au respect des normes, à l’organisation et à la méthode. Cette caractéristique, qui est loin d’être un phénomène nouveau, est d’autant plus désolante, qu’il n’existe aucune action ou politique soutenue, qui les pousse vers des comportements civiques de masse.
Bien au contraire, il n’y a qu’à observer les comportements dans la circulation, dans les lieux de travail, dans les lieux publics, au niveau des manifestations d’envergure nationale, pour se rendre compte que les citoyens eux-mêmes se font subir plutôt des « agressions » qui concourent à une sorte de déstabilisation sociale. Et c’est cela qui explique entre autres, cette espèce de léthargie, qui inhibe notre sentiment d’appartenance à une même nation, et le niveau plutôt inquiétant d’une conscience civique. Ce « commun vouloir de vie commune » tant déclamé un peu partout, n’est encore, hélas, qu’un slogan, sans contenu réel. Le Président de la République a beau insister sur l’entretien et le souci de préserver nos infrastructures et lieux publics, rien n’y fait. La presse a montré récemment des images d’actes de dégradations de certaines infrastructures nouvellement inaugurées, dès qu’elles ont été ouvertes au public. Ils sont très nombreux les exemples que l’on peut donner pour illustrer le peu de souci que nos concitoyens ont, par rapport à la sauvegarde du bien public.
Pour vaincre les pesanteurs qui restent autant d’entraves à la mobilisation citoyenne, il importe d’engager une vaste entreprise d’éducation et de sensibilisation des citoyens qui va s’inscrire forcément dans la durée. C’est là, un des problèmes majeurs qu’il faut chercher à résoudre si nous voulons réussir tout ce que nous entreprenons, pas seulement en matière de salubrité publique d’ailleurs, mais dans tous les domaines concernés par l’émergence à laquelle aspire le Sénégal. La discipline dans son sens étymologique, est le socle de toute société qui aspire au progrès et au développement.
Le déficit qu’on en accuse suffit, à lui seul, pour expliquer nombre d’échecs dans la réalisation des projets communs. Un autre fait demeure: une nation se construit sur la base de références, singulièrement pour sa jeunesse. Celles-ci reposent sur des valeurs, qui sont une série de normes spécifiques que la société génère de manière explicite ou implicite. Ces valeurs ont entre autres, pour fonctions, de réguler le comportement des membres de la société et de faciliter les relations qu’ils entretiennent entre eux. Ce sont ces valeurs et normes qui clarifient et simplifient les attentes de la société et qui donnent un sens à l’identité de celle-ci. Il est donc un fait, que c’est dans les sociétés où la cohésion est forte, où les besoins individualistes tendent à se confondre avec ceux de la collectivité, où les rôles permettent une acceptation réciproque des attitudes et comportements de chaque individu, à travers les lois, procédures et décisions, que les chances de réussite sont plus importantes.
Les nations capables de relever des défis majeurs ne sont pas composées que d’une simple association d’individus, où chacun cherche « à tirer son épingle du jeu ». Elles sont caractérisées par une forte capacité de résilience, un esprit de solidarité, une forte cohésion autour d’objectifs communs, un partage de valeurs communes au service des intérêts de toute la communauté. Ces sociétés sont davantage orientées vers les devoirs à accomplir, les tâches à exécuter que vers la rhétorique, les discours séducteurs et déclarations d’intentions fortement relayés à travers les médias, réseaux sociaux et autres moyens de communication et qui, hélas, demeurent sans lendemain. Les véritables valeurs qui motivent, sont celles capables de stimuler les préoccupations de sursaut national, de mobiliser les énergies vers des objectifs communs. Ces valeurs-là, il est à regretter qu’elles aient presque toutes disparues.
A l’évidence, le Sénégal souffre d’un déficit chronique d’adhésion à des repères sociologiques, qui incarnent des valeurs aptes à mobiliser les citoyens autour d’un projet partagé. Ce n’est pas parce que ces repères sont absents de notre société, mais par un phénomène de substitution, ils ont été écartés, isolés au profit de références qui renvoient plutôt à des contre-valeurs. Nous vivons aujourd’hui sous l’ère de la toute puissance de ces contre-valeurs, caractérisées par l’option des raccourcis, de la facilité, de l’étalage des richesses, de la répugnance de l’effort et de la persévérance, autant de tares qui nous éloignent de la résilience et qui nous mènent inéluctablement vers l’abîme des regrets. C’est comme si l’on assistait à la déliquescence totale de cette valeur fondamentale à laquelle tout individu doit aspirer, à savoir l’estime de soi et des autres. Il suffit de jeter un regard autour de soi, pour se rendre compte hélas, que bon nombre parmi ceux qui sont adulés, respectés, honorés, se sont par le passé singularisés par de hauts faits de reniement, de transhumance politique, de flagornerie, ou de comportements jadis réprimés dans une société traditionnelle, respectueuse de l’orthodoxie en matière de comportement humain. Ce sont hélas, ceux-là qui sont les nouveaux modèles de référence d’une bonne frange de notre jeunesse et de notre société. évidemment, cette rareté, voire absence de « références sociologiques» crédibles, rendra encore plus difficile toute action tendant à mobiliser nos concitoyens autour d’un projet commun. Surtout lorsque cette mobilisation repose essentiellement sur le bénévolat
Le Président de la République a pris référence sur le Rwanda. Pensez-vous que nous puissions suivre cet exemple au Sénégal ?
Le Président de la république a évoqué l’exemple Rwandais qui l’a manifestement séduit, à l’image de tous ceux qui ont eu à visiter cette capitale. De cette ville, il en a ouvertement fait une référence dans son discours. Mais, il faut en convenir, si Kigali est devenue une des villes les plus propres d’Afrique, ce n’est point un fait de hasard. Le Rwanda est un pays qui a connu des épreuves extrêmement douloureuses, dont nous prions TOUS, de ne jamais vivre un seul épisode de ce cauchemar. C’est leur Président actuel, Paul Kagamé, qui est parti de l’Ouganda à la tête du Front Populaire Rwandais, ( FPR) pour venir libérer son pays avec des armes, mais aussi avec de fortes convictions que son peuple partage avec lui, sur ce que le Rwanda doit être à l’intérieur, comme à l’extérieur du pays. Il a créé le « Mémorial du génocide » suite aux douloureux événements que son pays a connus, pour dire à son peuple : « plus jamais ça ! ». Il a su forger une conscience citoyenne autour des enjeux de développement de son pays, de sorte que chaque citoyen sait d’emblée quel rôle il doit jouer face à chaque défi à relever.
En matière de bonne gouvernance par exemple, chaque citoyen rwandais, chaque fonctionnaire, maîtrise les textes qui en régissent les règles. L’agent en charge de votre sécurité durant une visite officielle, vous fera subtilement comprendre qu’il ne doit recevoir aucun cadeau, quelle qu’en soit la nature, et ne serait-ce que symboliquement. Mieux, il vous citera les textes qui en régissent les règles. Plus qu’un ensemble de slogans ou de simples manifestations festives, la journée de propreté est perçue par chaque citoyen rwandais, comme un devoir impérieux, une contribution citoyenne et bénévole, volontaire et délibérée, qui est presque religieusement observée en faveur de son pays.
Le Président Kagamé participe personnellement à l’événement. Le réflexe de conservation de l’environnement est solidement incrusté dans la conscience de chaque citoyen rwandais . Pas question de jeter le plus petit objet dans la rue. Et en cas de manquements aux règles régissant la conduite à tenir face à son devoir civique, le fautif est le premier à présenter ses excuses à sa communauté de base et à prendre l’engagement de ne plus jamais récidiver. A noter le rôle éminemment important que les médias rwandais ont joué dans la contribution à forger cet élan de solidarité active. L’Etat veille scrupuleusement au contenu des émissions des TV. Y sont bannis tous ces programmes qui « ruinent » ou parasitent la conscience citoyenne, qui altèrent leur esprit civique ou qui confinent les populations à la consommation de films et télénovelas qui crétinisent les masses, en leur faisant miroiter un monde artificiel qui les éloignent des réalités de leur pays. Il y a donc dans ce pays, une réelle volonté de former un citoyen conscient des enjeux et défis à relever et qui, de façon volontaire et délibérée, s’implique dans la mise en œuvre des projets communs.
En Namibie, autre pays qui s’est forgé une forte personnalité à partir de sa guerre de libération, les mêmes règles de discipline s’appliquent aux citoyens. Les nuisances sonores sont par exemple sévèrement punies de très fortes amendes. Pas question de se lever le matin, de barrer la route sans autorisation préalable, de mettre la musique à fond et d’ « envoyer promener » tout ce qui oserait protester. Même le fait d’importuner ses voisins en élevant trop la voix est passible d’une sanction pécuniaire. Nous sommes bien loin ces manifestations populaires où la motivation du participant se résume à l’ambiance festive, à la danse, à la distribution de teeshirts et de primes, pour rallier les citoyens autour d’un projet. Pour s’en convaincre, il suffit tout simplement de se rappeler les mobilisations empreintes d’euphorie qui naguère, ont marqué les opérations « set sétal » dans bien de contrées du Sénégal. « Nettoyer c’est bien, ne pas salir c’est mieux ». Tel fût le slogan fédérateur de l’époque. Cependant, le manque d’éducation des populations dans la prise en charge quotidienne de leur propre environnement, le déficit du réflexe de propreté, de même que l’absence de suivi dans la pérennisation de cette œuvre collective, entre autres, ont très vite fait d’annihiler tous ces efforts déployés plusieurs années durant. Conséquences, des quartiers qui étaient des exemples de propreté, sont devenus aujourd’hui des modèles achevés d’insalubrité publique.