LES POPULATIONS DE MAHMOUDA PRÉPARENT LEUR RETOUR AU BERCAIL APRES UN EXIL FORCE DE 30 ANS
Après le nettoyage de la forêt du Bayotte par les forces de défense, les populations de Mahmouda-Goundoumé, dans le sud-ouest du département de Ziguinchor, se mobilisent pour un retour au bercail.

Après le nettoyage de la forêt du Bayotte par les forces de défense, les populations de Mahmouda-Goundoumé, dans le sud-ouest du département de Ziguinchor, se mobilisent pour un retour au bercail. Ces populations qui vivent depuis 30 ans hors de leur terroir posent les jalons de leur retour et sollicitent l’accompagnement des pouvoirs publics.
Après un exil forcé de 30 ans à cause du conflit armé en Casamance, les populations de Mahmouda-Goundoumé, situé dans l’arrondissement de Nyassia, préparent leur retour au bercail. «Nous avons quitté en 1992, laissant derrière nous nos maisons, nos vergers, le bétail et la volaille, à cause des accrochages entre l’armée et les combattants du mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc)», indique Sitapha Diédhiou, habitant du village. Celui-ci renseigne que ces violents affrontements ont dispersé les populations. « Certaines se sont retrouvées à Ziguinchor, d’autres ont traversé la frontière pour aller en Guinée Bissau et d’autres sont parties en Gambie. Nous avions quitté la belle vie que nous menions pour être dans des conditions difficiles dans ces endroits. Et pour certains même, ça frôlait la misère», dit-il.
La plus grande envie de ces déplacés était de faire le chemin inverse. Mais l’accalmie qui règne depuis quelques années dans le sud du pays n’avait pas réussi à vaincre la peur des populations dont les vergers étaient occupés et exploités par les combattants du mouvement irrédentiste contrôlé par le chef de guerre César Atoute Badiate. “Les conditions d’un retour n’étaient pas réunies parce que le village se trouvait non loin des bases du mouvement des forces démocratiques de la Casamance », glisse l’honorable Demba Keita, député à l’Assemblée nationale et natif de Mahmouda. Il a fallu attendre l’opération de sécurisation menée en juin 2021 par les hommes du colonel Souleymane Kandé, alors commandant de la zone militaire numéro 5, pour susciter de l’espoir chez les populations déplacées. Ces opérations avaient permis aux soldats sénégalais de nettoyer la forêt du Bayotte, en chassant les bandes armées de leurs cantonnements de Djiléor, Bazéré, Ahinga, Bougnak, Bagam, entre autres.
LES PREMIERS PAS DU RETOUR
C’est au début de l’année 2022 que les déplacés originaires de Mahmouda ont posé les premiers actes manifestant leur désir de rentrer au bercail. «Avec les ratissages engagés par l’armée sénégalaise dans cette zone frontalière avec la Guinée Bissau, la confiance est revenue. Nous avons tenu beaucoup de réunions à Ziguinchor et on rendait compte aux déplacés qui sont à Dakar, en Guinée Bissau et en Gambie.
Un désir de retour s’est dégagé et nous avons décidé de passer à l’acte», note le député Keita. Le travail sur le terrain a démarré. «Nous avons commencé par le déblayage de la piste qui mène au village, à partir de Dar Salam. C’est l’occasion d’ailleurs pour moi de remercier les jeunes qui se sont fortement mobilisés pour accompagner la dynamique. Nous avons aussi nettoyé le site devant servir de lieu d’abri pour les premières populations qui vont rentrer. En ce moment, nous sommes en train de faire des briques. Nous en sommes à 3 000 briques et l’objectif est de réaliser 6 à 10 maisons avant le début de l’hivernage », explique Sitapha Diédhiou.
Aussi ajoute-t-il, nous serons tous dans une seule concession pour mieux harmoniser notre réinstallation. Ensuite, dit-il, chaque famille prendra progressivement ses repères. «Parce que nous revenons dans un endroit qui est devenu sauvage. On ne parvient même pas à voir les limites de nos plantations. Nous sommes dans une forêt dense qu’on doit dompter progressivement», poursuit M. Diédhiou. Cette dynamique encouragée par les autorités administratives et locales est accompagnée par quelques bonnes volontés. Mais à Mahmouda, tout est à refaire.
Les populations sollicitent un accompagnement des pouvoirs publics. «Il va falloir que l’Etat nous aide dans la construction d’infrastructures sociales de base, parce qu’il n’y a rien ici à part le puits réalisé par des partenaires. C’est celui-ci qui nous permet de démarrer ce travail», plaide Sitapha Diédhiou. Aussi, demande-t-il aux organisations non gouvernementales d’apporter leur concours dans l’appui en intrants comme le ciment et les matériaux de construction, la fourniture de tôles et la relance des activités économiques et sociales de Mahmouda en particulier et de tous les villages de l’arrondissement de Nyassia, devenus fantômes à cause des crépitements des armes qui ont bouleversé le Bayotte dans les années 90.