LES POSITIONS AUDACIEUSES DE MACKY SALL
Apparition du variant omicron, lutte contre le djihadisme, déficit budgétaire

Le Président Macky Sall n’y est pas allé de main morte hier, lors de l’ouverture du Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité. Devant certains de ses homologues africains qui ont rehaussé de leur présence la rencontre, le chef de l’Etat sénégalais a demandé qu’on arrête de faire peur à l’humanité par rapport à la Covid-19. Sur la lutte contre le terrorisme, il estime que les casques bleus de l’Organisation des Nations unies (Onu), formés pour maintenir la paix, ne peuvent pas combattre les djihadistes.
Les opérations de maintien de la paix constituent-elles la réponse adéquate face au phénomène du djihadisme? Le président de la République du Sénégal s’est voulu sans équivoque hier sur cette question qui a toute sa pertinence. Selon lui, la réponse est non. «Je ne le pense pas. L’Onu, son ADN, c’est de promouvoir la paix. Quand on doit combattre des djihadistes, on ne doit pas y aller avec les casques bleus qui sont pour le maintien de la paix », affirme Macky Sall. Par conséquent, il propose de remettre en cause un certain nombre de schémas improductifs.
Devant les Présidents de l’Afrique du Sud, du Niger et de la Guinée Bissau et plusieurs membres du gouvernement et des présidents des institutions étatiques comme Idrissa Seck (Cese) et Aminata Mbengue Ndiaye (Hcct), il précise que les interventions contre les terroristes nécessitent la mobilisation de soldats. «La solution n’est pas les Nations unies», sérine le locataire du Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor qui préconise que la question soit abordée de manière responsable. Il trouve toutefois que le problème des Etats de la Cedeao découle de l’impossibilité de pouvoir financer durablement les troupes à l’étranger. «Parce que le coût est hors de portée de nos économies», tranche Macky Sall qui se demande : «Comment faire pour accompagner par le renseignement et les équipements? La défense coûte cher. C’est extrêmement coûteux d’acheter des avions, des hélicoptères, d’avoir des outils de renseignements». C’est pourquoi, proposant des solutions par rapport à cette impasse sécuritaire dans le Sahel, le Président Macky Sall demande que l’accent soit mis sur la méthode de calcul du déficit budgétaire. «D’autant que nous sommes jugés sur notre cadrage macroéconomique. Et ce cadrage s’arrête sur un paramètre fondamental, c’est le déficit budgétaire. Aujourd’hui en Europe, la convergence, c’est 3% de déficit budgétaire. Et on souhaite que l’Afrique ait 3% de déficit budgétaire. C’est une aberration parce que nous n’avons pas les mêmes niveaux de développement».
«FACE A LA MONTE DU PERIL TERRORISTE, IL NOUS FAUT PLUS DE FLEXIBILITE BUDGETAIRE»
Pour Macky Sall, il est anormal d’exiger des paramètres qui ont marché ailleurs que chez les pays africains. «C’est insensé d’exiger aux pays sahéliens un déficit autour de 3%. Sortons de ce calcul. Les dépenses militaires sont devenues fondamentales pour la survie des Etats. Ces dépenses, on doit pouvoir les sortir du déficit pour que chacun de nos Etats ait le minimum. Le minimum, c’est de disposer de troupes équipées, protégées et entraînées», a-t-il souligné avant de renchérir : «Face à la monté du péril terroriste, il nous faut plus de flexibilité budgétaire pour permettre à nos pays de se donner les moyens d’assurer un minimum de défense nationale». Par ailleurs, il juge urgent d’interroger la doctrine des opérations de paix en Afrique. «Elles sont 7 sur le continent. Les 6 sont déployées par les Nations unies et l’autre par l’UA en Somalie qui compte à elle seule plus de 21 000 soldats. Les 7 opérations totalisent plus de 75 000 soldats. Certes des succès ont pu être enregistrés, mais les défis sécuritaires persistent. Nous devons reposer la question doctrinale des opérations de paix au plan régional », clame-t-il. Face aux périls sécuritaires environnementaux, sanitaires, aux crimes organisés, à la piraterie, à la cybercriminalité et à la migration, il estime qu’aucun pays ne peut faire face tout seul. «La paix et la sécurité en Afrique sont partie intégrante de la paix et de la sécurité du monde», affirme-t-il
MACKY SALL SUR LE VARIANT OMICRON : «ON DOIT ARRÊTER DE FAIRE PEUR À L’HUMANITE»
Abordant le thème du Forum : «Les enjeux de stabilité et d’émergence en Afrique dans un monde post-Covid 19», le Président Macky Sall a indiqué que le sujet dénote plutôt d’un pari optimiste sur le futur. «Si la situation s’améliore par endroits, l’apparition d’un nouveau variant dans plusieurs pays rappelle que nous sommes tous exposés au virus et on n’est pas encore à l’ère du postcovid-19. Mais le thème nous engage aussi à être résilients, déterminés et combatifs», déclare le chef de l’Etat sénégalais qui a tenu à mettre en garde les oiseaux de mauvais augure qui prédisent le chaos. «Nous devons arrêter de nous faire peur. Nous devons respecter les gestes barrières et continuer la vaccination, mais on doit arrêter de faire peur à l’humanité sur des sujets sur lesquels nous n’avons pas encore la pleine maîtrise », tonne-t-il. Et à propos du variant Omicron, il trouve que le fait d’isoler un pays qui a séquencé un nouveau variant et fait preuve de transparence est non seulement discriminatoire mais contre-productif. «C’est inciter les autres à ne pas publier les vrais résultats. Cette pandémie doit nous rassembler au lieu d’ajouter un nouveau clivage entre pays», a martelé le Président Macky Sall. Initiative franco-sénégalaise, le Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique, qui a été lancé en 2013 lors du Sommet de l’Elysée, rassemble chaque année des chefs d’Etats et de gouvernements, des partenaires économiques et industriels et des représentants de la société civile.