MACKY SALL INDIQUE COMMENT DÉSAMORCER LA BOMBE À RETARDEMENT DU FONCIER
Rentrée solennelle des cours et tribunaux - « Le foncier est une véritable bombe à retardement dans notre pays » avait soutenu Macky Sall.

Le président de la République, Macky Sall, a présidé hier la cérémonie traditionnelle de rentrée solennelle des cours et tribunaux dont le thème, cette année, portait sur : « Justice et conflits fonciers : application de la loi sur le domaine national ». A cette occasion, il a réaffirmé sa ferme volonté de procéder à la réforme du foncier national. Il a expliqué pourquoi il n’a pas appliqué les recommandations de la Commission nationale de réforme foncière du feu Pr Moustapha Sourang de 2017. Il entend aller vers une approche équilibrée du foncier au Sénégal. Comme quoi, Macky « se mouille » dans le foncier.
« Le foncier est une véritable bombe à retardement dans notre pays » avait soutenu Macky Sall. Il en parle comme « une problématique majeure » en faisant ainsi allusion au foncier et aux contentieux qu’ils génèrent devant les tribunaux. Selon lui, le foncier est un levier important du développement économique et social. « Mais, il ne peut remplir cette vocation que lorsque la sécurité juridique des terres issues du domaine national est assurée au-delà de toute ambiguïté, afin d’éviter tout conflit pouvant déboucher sur un contentieux », estime le chef de l’État. C’est pourquoi il avait mis sur pied une Commission nationale de réforme foncière (Cnrf) qui avait élaboré un rapport en 2017 qu’elle lui avait soumise. Mais, depuis lors, celui-ci dort dans les tiroirs. « (…) J’ai toujours souhaité que la résolution en amont des problèmes fonciers reste au cœur des politiques publiques. C’est le sens de la Commission nationale de la réforme foncière. Je rappelle que cette commission avait comme mission principale d’analyser les textes législatifs et réglementaires, d’identifier les contraintes institutionnelles d’une gestion optimale du foncier et de proposer. L’usage que le président doit faire ne dépend pas de la commission.
Ainsi, nous avons pu, grâce au travail, aider à faire du foncier un pilier de l’émergence économique dans l’équité et la justice sociale. La commission a déposé son rapport le 20 avril 2017 avant d’être dissoute » a rappelé dans son discours le président de la République. Selon lui, le travail de cette commission a mis en exergue « la conjonction de plusieurs facteurs à l’origine de l’abondance des conflits fonciers liés notamment, entre autres, à un découpage administratif parfois non cohérent, un déficit en terres aménagées, la forte poussée démographique, une planification insuffisante de la gestion de l’espace et au non-respect de certaines règles de procédure ». Le chef de l’Etat a jouté à ces causes les « litiges afférents à la fréquence de pratiques délictueuses en matière foncière ». « Cette situation engendre naturellement des conséquences fâcheuses », se désole-t-il.
92 milliards dépensés en paiement des indemnités du TER
Le chef de l’État en veut pour preuve les « difficultés énormes rencontrées dans la réalisation de certains projets et autres travaux publics». « Je veux parler des difficultés rencontrées dans la réalisation du Train express régional (TER) et du site des Mamelles qui devait abriter les chantiers pour l’approvisionnement en eau, l’Etat s’est retrouvé à gérer des titres fonciers et des baux où on réclamait à l’Etat près de 10 milliards de frs d’indemnités », indique, pou s’en désoler, le président de la République. Il renseigne que l’État a dépensé plus de 92 milliards pour le paiement des indemnités dans le cadre de la réalisation du TER. « Pourtant, j’avais indiqué clairement au Gouvernement que tout bail ou titre foncier, sur l’espace, dont la délivrance serait postérieure au lancement des travaux, ne ferait pas l’objet d’’indemnisation », a-t-il souligné. Avant d’évoquer la servitude non aedificandi, qui désigne une zone non constructible.
Aller vers une réforme avec un impératif d’équilibre
Cependant, loin de se décourager et face aux différentes composantes de la famille judiciaire, hier, le président Macky Sall a encore une fois réitéré hier toute sa volonté de procéder à une réforme du foncier national. « La question reste une problématique majeure, et il nous faut aller donc impérativement vers une réforme, toutefois, dans une démarche inclusive et participative qui prendra en compte l’impératif équilibre entre la sécurisation du foncier et la mise en valeur des terres » a précisé le président de la République. Parlant toujours du rapport de 2017 du Cnrf, il rappelle qu’il l’avait soumis au CESE (Conseil économique, social et environnemental) pour recueillir l’avis de cet organe consultatif. « (…) Je souhaite dire ici la volonté de l’Etat d’appliquer les travaux de la commission dans le sens qu’elles vont renforcer le système de gouvernance foncière. Le gouvernement y travaille. Il reste que les choses du foncier sont complexes et que toute décision de portée générale y afférente mérite précaution. Ma conviction intime est que si j’avais mis en application les rapports de cette commission en moins de 12 mois il n’existerait plus un seul mètre carré public sur les terres du domaine. Puisque les collectivités allaient délibérer et octroyer toutes les terres. Et nous nous retrouverions dans la situation de certains pays de l’Afrique australe, où toutes les terres sont privées à l’exception de la voie. Je ne peux pas assumer cette responsabilité » a martelé Macky Sall.