RANCH DE DOLLY, UN PATRIMOINE EN PERIL
Alors que le Sénégal est fortement dépendant, en bétail, du Mali et de la Mauritanie notamment lors des grands évènements religieux comme la Tabaski, la réserve sylvo-pastorale de Dolly a perdu son lustre d’antan

Alors que le Sénégal est fortement dépendant, en bétail, du Mali et de la Mauritanie notamment lors des grands évènements religieux comme la Tabaski, la réserve sylvo-pastorale de Dolly, qui porte désormais le nom de Djibo Leïty Ka, rebaptisée ainsi par le président de la République, Macky Sall, a perdu son lustre d’antan. Elle assurait l’approvisionnement du pays en bétail et en viande. Aujourd’hui, le ranch de Dolly n’est plus qu’une coquille vide, en perte d’attractivité, et les populations autochtones restent nostalgiques du passé si faste. L’augmentation des températures dans le département de Linguère, qui cause l’assèchement rapide des points d’eau, et la disparition de la biomasse portent atteinte aux ressources de son écosystème ; ce qui désole les éleveurs. Le déclin du ranch de Dolly est également causé par des politiques étatiques non favorables à la promotion de l’élevage car étant à l’origine d’une anarchie qui autorise tout un chacun à agir selon sa convenance, sans tenir compte des menaces qui pèsent sur l’espace.
Tiga Ka, témoin privilégié de la vie du ranch de Dolly, des débuts à aujourd’hui, est nostalgique de cette belle époque où la vie dans ce haut lieu d’élevage était un privilège. «Il faisait bon vivre à Dolly, avec sa verdure frappante», dit-il, sur un ton qui traduit cette nostalgie de la vie d’autrefois. Il était âgé de 13 ans, en cette journée d’avril 1969 où le premier président de la République, Léopold Sedar Senghor, franchissait la porte de Gassane (un des accés du ranch dont le nom est tiré d’une localité environnante), pour lancer ce qui sera, par la suite, un site d’une haute renommée, le ranch de Dolly. Tiga Ka s’est installé à Dolly depuis 1967, là où il vit jusqu’à présent.
Le ranch de Dolly, c’est une organisation qui ne laissait place au désordre. «Celui qui n’était pas du personnel administratif en service, n’accédait pas facilement aux lieux. A l’époque, peu de gens avaient des cartes d’identité nationale et il fallait passer par un contrôle sécuritaire à la porte du ranch. Il n’y avait que deux entrées : celles de Gassane et Thiel. Si le visiteur n’avait pas de pièce d’identité, son hôte devrait se rendre chez le chef de services de l’époque, André Sachin, ou de son adjoint, Pape Ibrahima Dia, pour signaler sa venue», raconte-t-il.
Les années qui ont suivi l’ouverture, c’était une forêt dense et une pluviométrie abondante qui permettaient la présence d’animaux de toutes sortes. «Au temps, il y avait beaucoup d’eau et même des oiseaux migrateurs. Les lions et les hyènes suivaient, la végétation était luxuriante, la forêt touffue. On avait 5 lions dans le ranch en ces temps-là. Je me souviens qu’ils avaient tué 17 bovins, entre 1970 et 1972. Il pleuvait pendant 4 mois», se souvient-il.
En raison de la forte pluviométrie, dit-il, «il y avait plusieurs variétés d’herbes (pâturages) et les animaux avaient la possibilité de faire un choix. A Dolly, il y avait un pâturage aérien comme les arbres et le tapis herbacé». Il ne faisait pas non plus très chaud, comme c’est le cas actuellement. Cette situation se répercutait sur le bétail. «À cette époque, la carcasse de la viande de Dolly était beaucoup plus solide que celle des autres, grâce à la qualité du pâturage disponible», se souvient-il. Cette vie en apothéose est partie avec le temps. «Tout cela n’existe plus. Les animaux sauvages sont partis, le désert avance dans le ranch. On ne pouvait apercevoir le château d’eau de 42 mètres», regrette Tiga Ka. Ce Dolly, l’ombre de son passé, n’est qu’un domaine en situation de déshérence écologique avancée et, de surcroît, si difficile d’accès.
UN ENCLAVEMENT QUI PERDURE MALGRE LES PISTES DU PUDC
Alors que la chaleur de l’hivernage finissant dicte sa loi dans le département de Linguère, dans la soirée du vendredi 30 octobre 2022, les moyens de locomotion pour aller au ranch obligent les passagers à être stoïques. Comme presque partout dans le Djoloff, pour aller à Dolly, il faut recourir aux «Wopouyas» sinon, aux voitures 508. Et là, les secousses sont intenables. Les voitures sautent, roulent, tournent avec allure sur la piste latéritique. Pourtant, selon les habitués du trajet, le voyage est moins pénible présentement, en ce sens que des pistes ont été réalisées dans le cadre du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc). Les voitures en partance pour Dolly n'ont pas de charge conventionnelle. Le bétail est transporté, sans modération, sous les sièges de fortune faits de bois qu’occupent les passagers infortunés qui n'ont pu accéder aux places tant convoitées à l'intérieur du «Wopouya». Et pourtant, ces sièges ne sont qu’une petite éclaircie dans la grisaille. Les places de trois (3) sont occupées par quatre (4) personnes et celle d’un occupant est scindée en deux. Les passagers sont entassés, collés les uns aux autres.
Le voyage au ranch de Dolly, c'est aussi ces maisons érigées de part et d'autre de la route d'où surgissent leurs occupants aux moindres vrombissements d'un véhicule. Dolly est très enclavé et est fortement dépendant des marchés hebdomadaires («Louma») des localités environnantes. Le véhicule horaire en partance pour Linguère ne quitte que les vendredis, jour du Louma de cette capitale départementale du Djoloff. Pour en sortir, il faut passer par Dahra, un dimanche, jour pendant lequel le commerce de bétail mobilise beaucoup d’éleveurs ; à défaut, il faut attendre les Wopouyas qui quittent Touba Alieu, dans le département de Koungueul, pour Thiel, une commune d’à côté.
Le ranch de Dolly n’est pas réservé exclusivement aux éleveurs, tenaillés par le manque de pâturage, qui cherchent un secours. Il a ses autochtones qui, à l'image de Tiga Ka, gardent intact le souvenir des moments pendant lesquels le kilogramme de viande était vendu à vil prix, ces temps où construire une maison en dur était presque un sacrilège à cause du statut du ranch. L’image qu’ont ceux-là de Dolly, c’est cette partie commune à toutes les régions du pays, mais dans laquelle il fallait avoir «des papiers» pour être parmi les privilégiés qui devront y vivre. Car, le ranch n’était occupé que par des fonctionnaires de l’Etat en service. Selon Oumar Diallo, agent de l’élevage à la retraite qui a servi à Dolly, les meilleurs parmi les sortants des écoles, dans le cadre de la formation aux métiers de l’élevage, étaient affectés à Dolly. Ses souvenirs sont que c’était une structure bien organisée. «Il y avait beaucoup de médecins vétérinaires qui étaient équipés, avaient une voiture de fonction et un logement. En plus de leur salaire à la fonction publique, ils avaient des indemnités offertes par le ranch. Tous ceux qui étaient affectés à Dolly, comme les enseignants, les agents de santé, étaient concernés», se rappelle Oumar Diallo, agent de l’élevage à la retraite.
DOLLY MANQUE DE TOUT
Octobre, un mois pendant lequel le Djoloff attend d’hypothétiques averses, les marigots retiennent difficilement leurs eaux. Le sol craquelant montre déjà les signes d’un stress hydrique. A Dolly, la population n'a d’yeux que pour l'élevage, même si certains évoquent, de temps à autre, le mérite d'un enfant de la contrée parti faire des études supérieures dans les universités ou dans les grandes écoles de formation. Ils font aussi la fierté du ranch, ces fils qui occupent de hautes fonctions dans plusieurs domaines. Son passé d’une réserve-service occupée seulement par des fonctionnaires est perceptible à travers ses premiers habitants. Ils maitrisent la langue de Molière et sont très cultivés. Ce qui attire le visiteur, sur les routes de Dolly, ce sont les troupeaux de bêtes sous la surveillance de guides parfois trop jeunes ou encore les chiens de garde qui aboient au moindre déplacement suspect. Les transhumants, sur des charrettes chargées de tous leurs mobiliers, défilent sur les routes. Le réveil au ranch, ce sont les beuglements des vaches qui accompagnent la journée naissante ou les chants de coqs à la levée du jour.
Le quotidien à Dolly, ce sont aussi les pics de température avec un soleil impitoyable qui conditionne les heures de sorties durant la journée. La nuit, tout au contraire, il fait frais. Dolly, ou tout au moins ce qu'il fut, reste un souvenir teinté d’une immense nostalgie pour ceux qui l'ont vécu. Il leur manque cette période où la viande était consommée sans modération, le lait coulait à flot et le moindre moment de réjouissance était un véritable festin pendant lequel on égorgeait des petits ruminants, sans réfléchir. Le ranch de Dolly n'a vraiment plus rien d'attirant.
La renommée du ranch contraste d’avec le peu d'infrastructures qui y existent. Une bâtisse qui sert de Direction, un forage renforcé par celui du Pudc, une Brigade de la Gendarmerie nationale, un vieux magasin de stockage, le service des Eaux et Forêts, le logement du directeur du ranch, le siège de l’Association «Nanondiral» (Entente, en pulaar) sont entre autres, les symboles de cet ancien fleuron de l’élevage.
En cette année où la pluviométrie a été bonne, le mur de clôture est invisible, à cause des hautes herbes qui le bordent. On entre et sort de Dolly à sa guise. Le ranch a aujourd’hui 14 portes qui s’ouvrent à tout hôte et en toute heure. Il suffit juste de pousser un portail en fer, pour y accéder. Une des conséquences de cette accessibilité, c’est le vol récurrent de bétail et l’insécurité. Certaines de ces portes ne sont d’aucune utilité, nous dit-on.
EVOLUTION DES TEMPERATURES A LINGUERE : Une chaleur beaucoup plus intense ces dernières années
La situation climatologique du département de Linguère, reçue de l’Agence nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie, laisse apparaitre une chaleur beaucoup plus accrue ces sept (7) dernières années. La conséquence de cette chaleur est l’assèchement précoce des mares, des points d’eau et la disparition rapide de la végétation, en dépit de la pluviométrie qui peut être abondante parfois
Les températures minimales à Linguère varient de 17°C vers les mois de décembre-janvier, pour évoluer jusqu’à 25°C aux mois de juin-juillet, renseigne l’Agence nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie (Anacim). Le document obtenu de cette agence, signale : «si on compare l’évolution normale des températures minimales à la moyenne des sept (7) dernières années, on constate une légère augmentation des températures de mars à avril et de juin à octobre (saison des pluies)».
TEMPERATURES MAXIMALES
«Les températures maximales à Linguère varient de 32°C aux mois de décembre-janvier à 42°C vers avril – mai –juin», lit-on aussi dans le document de l’Anacim. La source de préciser, par ailleurs, «qu’en comparant l’évolution normale des températures maximales, on constate une nette hausse des températures durant les sept (7) dernières années».
PLUVIOMETRIE
«Dans la localité de Linguère, on a les pics de précipitations au mois d’août. Les pluies sont essentiellement comprises entre juin et octobre», a constaté l’Anacim. Dans la note de présentation de la situation pluviométrique du poste du département, l’Agence renseigne également : «Si on compare la moyenne des précipitations, comparée à la moyenne des 12 dernières années, on note une hausse des cumuls pluviométriques constatée par rapport à ces dernières années».
La période comprise entre août et septembre «est aussi plus pluvieuse ces dernières années que la normale». En analysant la situation, le chef de service climatologie de l’Anacim, Diabel Ndiaye, explique qu’à Linguère, il n’y a pas une baisse continue de la pluviométrie mais, avec la hausse des températures, cette forte pluviosité n’empêche pas l’assèchement rapide des espèces végétales. «On peut avoir une année à forte pluviométrie mais, avec la hausse des températures, on peut avoir un assèchement accéléré du tapis herbacé. Cela favorise aussi les feux de brousse.» Dans la zone, c’est aussi des amplitudes thermiques très importantes, c’est-à-dire la différence entre les températures minimales et celles maximales. Elles ont des impacts sur l’assèchement de la biomasse. «C’est une zone où on peut avoir le matin une température très basse autour de 18° pendant le mois de mars et aller jusqu’au-delà de 44° en début d’après-midi. Cet écart-là peut avoir un impact sur les ressources fourragères, la ressource animale et même sur les hommes.» Linguère est aussi exposé aux vents.
«Tous les vents Nord-Est (Harmattan) impactent l’écologie de cette zone. Il y a un vent chaud et sec en mars et avril, avec des pics de température en cette période», explique Diabel Ndiaye. Linguère a une pluviométrie qui varie entre 300 à 450 mm. Il peut arriver, cependant, «un moment où on a Linguère 700 mm comme en 2020. Cette année (2022-ndlr) aussi, la pluviométrie est au-delà de 400 mm», explique-t-il. L’absence d’organisation du ranch, ajoutée à la forte chaleur qui sévit en certaine période de l’année, fait que les feux de brousse sont récurrents. Les transhumants laissent des feux non éteints, au moment de leur départ ; les exploitants du charbon de bois traversent le ranch avec un produit encore étincelant, une responsabilité humaine qui augmente ces feux de brousse. Entre 2021 et ce début d’année, 215 ha ont été emportés par les flammes. Rien que mardi dernier, un violent feu de brousse s’est déclaré vers quatorze heures, au Ranch de Dolly et le feu a consumé plus de 1955 hectares du tapis herbacé, selon le chef de brigade des Eaux et Forêts de Linguère, le Capitaine El Hadji Diop.
POLITIQUE DE GESTION INACHEVEE, DECLASSEMENT : Quand l’Etat fragilise le ranch !
Le ranch de Dolly n’a jamais eu un statut juridique clair. En plus, le déclassement décidé par Me Abdoulaye Wade, en 2003, pour un projet agricole, a renforcé cette vulnérabilité institutionnelle du ranch.
Le 23 décembre 2018, le président de la République, Macky Sall, s’est déplacé à Dolly pour inaugurer les infrastructures qu’il a lui-même réalisées, pour redonner vie au ranch de Dolly. Il s’agissait d’un mur de clôture, d’un forage, d’une Direction des Eaux et Forêts et d’une Brigade de Gendarmerie Nationale et des pistes d’accès. Cette présence d’un chef de l’Etat, la deuxième du genre après les venues de Léopold Sedar Senghor, avait suscité un espoir chez la population. Depuis lors, ce n’est qu’un changement qui tarde à se concrétiser, que du mirage ! Le ranch de Dolly ne se relève pas de sa longue agonie. «Le président Macky Sall qui nous a promis d’amener des agents vétérinaires, une Brigade de Gendarmerie, un poste des Eaux et Forêts. De toute notre requête, il ne reste que la compagnie des Sapeurs-pompiers», se réjouit Oumar Diallo. Une satisfaction qui ne cache pas ses inquiétudes. «Le ranch est clôturé, mais des mesures d’accompagnement ne suivent pas. Ce qui porte atteinte à sa sécurité. Les agents en service aussi ne sont pas équipés. A force de rester à ne rien faire, ils finissent par demander une affectation et partir. Depuis 1999, le ranch va de mal en pis», déplore-t-il.
Le ranch de Dolly n’est pas aussi régi par un décret qui organise sa gestion ; cause d’un laisser-aller total. Après les nombreuses politiques de gestion sous le régime de l’ancien président Senghor, qui ont atténué les conséquences du flou juridique qui entoure son statut, la gestion de Dolly est caractérisée par une longue descente aux enfers, accentuée par le déclassement, décidé en 2003, par l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, au profit d’un chef religieux. La partie cédée devrait servir à des activités agricoles. Ce qui avait soulevé la colère les éleveurs. S’ils n’ont toujours pas eu satisfaction de leur revendication (aucun document officiel n’abroge l’attribution), ils ont réussi à retarder le «projet maraboutique» ; même si la pression foncière est toujours de mise. Le ranch est ceinturé, de ses trois côtés, par des propriétés privés à usage agricole qui peuvent en tout temps, empiéter sur sa superficie ou entrainer des conflits entre éleveurs et agriculteurs à cause des animaux en divagation qui peuvent pénétrer dans les périmètres agricoles. L’étude complémentaire sur la situation juridique du ranch de Dolly est toujours en attente et les moyens de la préservation de sa vocation pastorale du Cerfla, réalisée par l’ingénieur des Eaux et Forêts à la retraite, Abdoulaye Sy, en 2012, conclut : «les tentatives de cession d’une partie du ranch de Dolly, que les pouvoirs publics ont manifestées en 2003, ont fini par installer des sous-entendus relativement au sens juridique du statut du ranch». Une étude similaire, réalisée par la même organisation (Cerfla), en 2010, relève que la situation juridique du ranch est des plus floues.
Citant des documents disponibles auprès des services des Eaux et Forêts, elle signale que «le ranch est partie intégrante de la réserve sylvo-pastorale de Dolly et n’a jamais fait l’objet d’un déclassement. Ce n’est que par arrêté, n°4461, du 10 juillet 1955, que l’autorité coloniale avait érigé en aire protégée la réserve sylvo-pastorale de Dolly. Le classement qui portait sur 110.900 ha était dicté par le souci de préserver la végétation herbacée et arbustive en vue du développement de l’élevage, sans compromettre ses possibilités de régénération. Sa gestion était placée sous l’autorité conjointe des services de l’Elevage et des Eaux et Forêts.» Plusieurs étapes ont marqué, par la suite, la gestion, avec des changements de sa tutelle.
ZONE DE REPLI DES ANIMAUX TENAILLES PAR LA SECHERESSE : La transhumance, vecteur de maladies animales
Dans le passé, l’occupation du ranch de Dolly était organisée et régulée. Ce qui n’est plus le cas. Dolly étant un lieu de refuge des éleveurs qui cherchent à nourrir leurs bétails pendant la saison sèche, le ranch est assailli pendant plusieurs mois. Cette forte présence d’éleveurs, qui viennent parfois même de la sous-région, a des conséquences sur la santé animale. «Au niveau du ranch, jusque-là, il n’y pas de statut. Ça cause un problème organisationnel qui perturbe toutes les lois qu’il fallait mettre en place pour pouvoir bien gérer l’entrée et la sortie des transhumants en provenance de divers horizons. C’est un problème fondamental qui va se répercuter systématiquement sur la santé du cheptel qui fréquente la zone.» Ce constat est du chercheur à l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra), Fafa Sow. Dolly est un point de regroupement des animaux qui, des fois, échappent aux campagnes de vaccination de leurs origines. Ce non-respect du calendrier sanitaire sème la pagaille dans le ranch. Les animaux viennent ou repartent, avec des maladies. Les pathologies les plus fréquentes, selon le chercheur à l’Isra, sont : «les maladies émergentes comme la fièvre du rift, la dermatose nodulaire contagieuse bovine, la peste des petits ruminants». Donc, du fait de l’absence de contrôle aux entrées, ces animaux ayant séjourné à Dolly, peuvent propager des maladies partout dans le pays et bien au-delà.
CONSEQUENCE DE LA DISPARITION DU PATURAGE : Faible reproduction du bétail
A cause de la rareté du pâturage, surtout pendant la période de soudure, les femelles ne sont pas bien nourries et n’attirent plus. Elles ne favorisent donc pas la multiplication du cheptel. «Pour qu’un animal puisse reproduire facilement, il faut qu’il soit bien nourri ; ce qui n’est pas possible pendant la saison sèche. Cela conduit forcément à une diminution du cheptel», constate Tiga Ka. La biomasse du ranch est fortement affectée par les effets environnementaux. Les espèces qui résistent mieux sont le pâturage arien (arbres). Et là, les petits ruminants, à cause de la hauteur, ne peuvent pas s’en procurer. Ils ressentent plus le déficit.
Selon Fafa Sow, chercheur à l’Isra, «le pâturage aérien assure, à 85%, l’alimentation des animaux pendant la période de soudure». Cependant, avec la présence massive des éleveurs, créant une surcharge animale, «la biomasse ne peut pas tenir jusqu’à l’arrivée des pluies.» Conséquence, ceux-là qui n’y vivent que pour trouver à manger pour leur bétail, partent dès les premiers signes de disparition du pâturage, ramenant avec eux, le Zornia glochidiata. Fafa Sow explique qu’il «fait partie des premières à pousser et des premières à disparaitre». Pis, ajoute-t-il, «elle est très fugace, et ne contribue pas à la sécurité alimentaire». Le chercheur à l’Isra signale également que le Zornia glochidiata est très utilisée par les petits ruminants. Il n’a pas de conséquences métaboliques chez eux, mais n’est pas utile chez les bovins. «Elle est très sévère chez les génisses, en terme de mortalité qui se trouve être la race la plus résiliente», constate-t-il.
L’étude-diagnostic sur le ranch de Dolly du Cerfla, en 2010, constatait déjà que «les conditions pluviométriques, relativement erratiques, font que la zone présente une certaine vulnérabilité sur le plan environnemental, notamment une lente régénération de la végétation». Pis, «en l’absence de couvert végétal, les sols particulièrement les sols ferrugineux tropicaux, se dégradent très vite sous l’effet combiné des érosions hydrique et éolienne.» Elle indique aussi que «la biomasse de Dolly était constituée, pour l’essentiel, de graminées, de dicotylédones, d’arbustes et arbres fourragers, avec des espèces écotypes variant en fonction de la nature des sols. La variété de ces sols conférait au ranch une valeur fourragère rare, avec des strates herbacées et des pâturages aériens qui se complètent tout au long de l’année et, particulièrement, pendant les périodes les plus critiques en fin de saison sèche». L’ouverture du ranch et l’absence d’un contrôle de son utilisation font que l’environnement physique s’est beaucoup dégradé. Les secteurs d’Ogo et Nord Diaga sont les plus touchés. A signaler que le ranch est fait de secteurs que sont Ogo, Diaga, Thiaboly et Dioridji.
TARISSEMENT RAPIDEDES MARES : Une forte pression exercée sur les forages
«Les mares jouent un rôle important dans la disponibilité de l’eau. Quand elles sont remplies, les transhumants s’installent tout autour d’elles. La disponibilité de l’eau permet aux éleveurs de faire des économies. Les populations ne font recours au forage que pour leur besoins personnels», constate Mouhamed Dieng, enquêteur de l’Ong Action contre la faim. Amadou Kalidou Sow, le secrétaire général du comité de gestion du forage de relever que pendant la période de forte affluence dans le ranch, la distribution d’eau ne peut se faire correctement, à cause des fuites sur le réseau. La forte chaleur qui sévit dans la zone favorise l’éclatement des tuyaux. «Pendant la saison sèche avec l’arrivée massive des troupeaux de bétail, nous avons des fuites sur le réseau. Les tuyaux se détériorent. Parfois, les bovins ne peuvent s’abreuver que la nuit. Le forage en permanence et même la consommation humaine pose problème. Le forage produit 1000 m3 par jour mais les fuites nous portent préjudice», dit-il.
Pour le chercheur à l’Isra, Fafa Sow, il faut repenser l’offre de ces forages, pour mieux faire face aux actions de l’environnement qui affectent les mares. «Dès le mois de mars, on assiste à une surexploitation des forages qui entraine beaucoup de pannes dans la zone. Dès novembre, il n’y a presque plus de mares. Seules celles qui ont été draguées restent. Il faut une bonne stratégie de gestion de l’eau. L’offre des forages aussi n’est pas adaptée à la conduite pastorale ; ce qui fait que la surexploitation entraine toujours un déficit dû à des problèmes techniques. C’est sur tout le système.» A signaler que dans le ranch de Dolly, lors des fortes canicules, l’alimentation en eau du bétail est organisée par les éleveurs eux-mêmes. Pour faire des économies d’argent, certains animaux n’ont accès au liquide précieux qu’une fois tous les 2 jours.
HEIFER : Un projet de restauration des sols tombé à l’eau
Le ministère de l’Elevage, en partenariat avec Heifer international et l’institut Savory, spécialisé dans la lutte contre la désertification, avait lancé, en 2018, un projet d’expérimentation pour la restauration des sols du ranch de Dolly, d’un coût de 4,5 milliards de F CFA, pour une durée de 5 ans. Heifer, une Ong américaine, qui œuvre pour l’élimination de la pauvreté et l’Institut Savory international devaient mettre en place ce projet expérimental de restauration du pâturage du ranch. Le projet avait pour objectif de permettre une gestion holistique du pâturage, afin d’augmenter la rétention en eau des sols. A terme, le projet devrait impacter tout le périmètre de ranch. Il a comme objectif la restauration des parcours du ranch de Dolly, à travers la régénération naturelle des espèces végétales. Les bénéficiaires du projet sont les pasteurs et agropasteurs du ranch. Les principaux résultats devaient être l’élaboration d’un plan de gestion des parcours du ranch, l’introduction de nouvelles variétés fourragères et la lutte contre les espèces non appétées comme Diodia escandens. En 2020, alors qu’il était ministre de l’Elevage et des Productions animales, Samba Ndiobène Ka a suspendu les activités du projet. La décision n’a jamais été appréciée par les bénéficiaires. Les services de cette Ong que nous avons contactés annoncent la reprise du projet.
1955HA RÉDUITES ENCENDRE AURANCH, MARDIDERNIER : Le ministre de l’Elevage, Aly Saleh Diop, annoncé à Dolly ce vendredi
Selon le chef de brigade des Eaux et Forêts de Linguère, capitaine El Hadji Diop, interrogé par la Radiodiffusion télévision sénégalaise (Rts), le feu de brousse qui s’est déclaré au ranch de Dolly, le mardi 17 janvier 2023, a touché 1955 hectares du tapis herbacé. Il est causé par une dame qui faisait la cuisine ; la violence du vent a facilité la propagation du feu. 5 unités mobiles de lutte contre les incendies, en plus de l’appui de la mobilisation locale, a permis la maîtrise du feu. Le directeur général des Eaux et Forêts, Colonel Baïdy Ba, s’est déplacé à Dolly pour s’enquérir de la situation. Le ministre de l’Elevage et des Productions animales, Aly Saleh Diop, est annoncé sur les lieux ce jour, vendredi 20 janvier. Ces hectares ravagés par ce premier feu de brousse de l’année 2023, viennent s’ajouter aux 215,9 ha touchées entre 2021 et 2022. Selon le rapport 2020 sur l’état de l’environnement, réalisé par le Centre de Suivi Ecologique (CSE), les changements climatiques affecteront aussi directement l’élevage et le pastoralisme, par le biais de la baisse des ressources en eau et des pâturages ainsi que la dégradation de la santé animale. Environ 3,5 millions de personnes vivent de l’élevage au Sénégal. Il constitue aussi 55 à 75% des revenus des ménages en milieu rural. Ce moyen de survie est aujourd’hui menacé.