TROIS PROPRIETAIRES TERRIENS EN GARDE A VUE
Le feu couve dans la commune de Niaguis, plus précisément à Kantène, Mandina Mankagne, Boucotte Mankagne, Baraf et Djibauna, des villages frontaliers à la Guinée Bissau

Trois membres du Comité de veille et d’alerte mis en place par les populations des villages impactés par le lotissement n°14746 du 18 août 2017, sont en garde à vue à la brigade de gendarmerie de Boudody, centre-ville de Ziguinchor, et devraient être présentés au procureur, ce jour. Ces derniers sont accusés par la municipalité de Niaguis d’avoir détruit des bornes dudit lotissement. Sur les raisons de la brouille, les populations accusent la municipalité d’avoir modifié la clé de répartition des lots et gonflé les superficies dans le document présenté au gouverneur, dans le but de justifier les dépassements, alors que sur le plan réel, c’est tout autre. La mairie joint au téléphone a préféré ne pas entrer dans le fond du dossier car ce dernier est entre les mains de la justice.
Le feu couve dans la commune de Niaguis, plus précisément à Kantène, Mandina Mankagne, Boucotte Mankagne, Baraf et Djibauna, des villages frontaliers à la Guinée Bissau. Pour cause, le litige foncier qui oppose les autochtones à la municipalité a pris une tournure inquiétante. Trois membres du Comité de veille et d’alerte mis en place par les populations des villages impactés par le lotissement n°14746 du 18 août 2017, sont ainsi en garde à vue dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Boudody, centre-ville de Ziguinchor, depuis vendredi dernier. Il s’agit de Benoit Diatta, Idrissa Sané et Abdou Diémé, tous membres actifs de ce dit comité créé par les populations de ces villages cités ci-dessus pour défendre les intérêts des autochtones.
Sur les raisons de leur arrestation, il nous revient que ces derniers sont accusés par la mairie de Niaguis d’avoir détruit les bornes érigées dans le cadre du lotissement des villages. A l’origine de la brouille entre la municipalité de Niaguis et certaines populations impactées par ledit lotissement, la clé de répartition des lots imposée par la municipalité, contrairement à ce qui avait été retenu dans le protocole. De l’avis des membres de ce comité, il avait été convenu de céder à la mairie 40% des lots et 60% aux propriétaires des terres. Une répartition acceptée bien qu’étant en deçà de la norme nationale, à savoir 30% pour la municipalité et 70% pour les populations, parce que c’est la mairie qui se charge du financement du lotissement. Le comble, se désolent les membres dudit comité, la municipalité est revenue pour imposer une autre clé de répartition, en prélevant d’abord 50% de l’espace pour les infrastructures sociaux et la voirie, puis en procédant à la distribution des lots, selon le quota fixé tout au début. Une clé d’attribution des lots que les populations de ces 5 villages ont rejetée catégoriquement en bloquant la distribution des lots, non sans s’en ouvrir au gouverneur de Ziguinchor.
Pour justifier le dépassement de 30 à 50% prélevés pour les infrastructures sociales de base, devant le gouverneur et les représentants des différentes parties prenantes, révèlent toujours les membres dudit comité, les agents de la municipalité et l’entreprise en charge du lotissement, à savoir Toit du Sud, auraient «gonflé» les superficies dans le document distribué au niveau de la gouvernance, le 31 juillet 2019. A titre d’exemple, ils indiquent que dans ledit document, au niveau de l’école élémentaire 1, il est mentionné une superficie de 24.086 m², alors que sur le plan de masse réel qui leur a été refusé, mais distribué aux délégués de quartier, ladite école 1 dispose de 14.790 m². Pour la deuxième école élémentaire, ils diront que dans le document distribué à la gouvernance, il est indiqué que la superficie fait 40.000 m², alors que sur le plan, ce n’est en réalité que 12.696 m². Malgré le refus des propriétaires terriens, expliquent toujours les populations impactées, les autorités municipales ont procédé à une distribution en sourdine.
Pis, des lots seraient en train d’être vendus nuitamment ou même très tôt le matin, avant même la fin du lotissement. Ce qui avait poussé les membres du comité à installer un comité de veille au niveau des lotissements pour surveiller les lots qui sont visités à leur insu. Lassés par l’inaction des autorités et la poursuite des actes de la mairie, les membres du comité ont décidé de passer à la vitesse supérieure en détruisant des bornes.
WANDIFA CISSE, PREMIER ADJOINT AU MAIRE DE NIAGUIS : «Tous ceux qui sont arrêtés ne sont pas de Niaguis, ce sont des acquéreurs»
Joint au téléphone, le Premier adjoint au maire de la commune de Niaguis, Wandifa Cissé, reconnait être l’auteur de la plainte qui a conduit à la garde à vue de 3 membres du comité de veille et d’alerte. Il accuse en fait ces derniers d’avoir «de manière délibérée, arraché les bornes du lotissement. Ils ont encore projeté une autre journée pour aller faire la même chose. Si on n’intervient pas, ils vont tous détériorer. C’est pour cela que nous avons saisi la justice pour qu’ils s’expliquent». Tout en refusant de se prononcer sur le fond du dossier, sous le prétexte que l’affaire est pendante devant la justice, il a tout de même laissé entendre que la bande à Idrissa Sané, Abdou Dièmé, Benoit Diatta, etc, tous en garde à vue, ne sont pas des autochtones de Niaguis. Selon lui, «tous ceux qui sont en train de s’agiter présentement, en réalité, ce ne sont pas des propriétaires terriens. C’est des acquéreurs. Le protocole a été très clair sur ça. Ce protocole, nous l’avons fait avec les populations résidentes. Tous ceux qui sont interpellés aujourd’hui ne sont pas des populations résidentes. Ce sont des gens qui viennent d’ailleurs, principalement des communes d’Oussouye et Ziguinchor. Ce ne sont pas des habitants de la commune de Niaguis». Il s’est ainsi offusqué que des gens qui ne sont pas de la localité s’opposent à un projet de développement de Niaguis. Qui plus est, martèle-t-il, «ce lotissement, c’est une préoccupation des populations à laquelle nous avons tenté de répondre. Il y a un protocole qui a été signé et nous sommes en train de le suivre». Le Premier adjoint au maire, Wandifa Cissé, dira tout de même que la mairie n’a jamais fermé ses portes et est ouverte au dialogue, si bien évidemment les récalcitrants revenaient à la raison. Cela, tout en prévenant que le Sénégal est un pays de droit.