UN FILS D’UN TIRAILLEUR DEPOSE UNE PLAINTE CONTRE L’ETAT FRANÇAIS
Biram Senghor, fils de Mbap Senghor, un tirailleur sénégalais tué par l’armée coloniale française, le 1er décembre 1944 à Thiaroye, a déposé une plainte devant le tribunal judiciaire de Paris contre X et l’état français pour «recel de cadavre».

Biram Senghor, fils de Mbap Senghor, un tirailleur sénégalais tué par l’armée coloniale française, le 1er décembre 1944, dans le camp de Thiaroye, a déposé hier une plainte devantle tribunaljudiciairede Paris contre x et contre l’etat français pour des faits de «recel de cadavre».
C’est un fait inédit. Une plainte contre l’Etat français, 80 ans après le massacre perpétré par l’armée coloniale française, le 1er décembre 1944, à Thiaroye. Elle a été déposée hier mardi 24 juin, en France, contre X et contre l’Etat français, par Biram Senghor, fils de Mbap Senghor, un tirailleur sénégalais tué par l’armée coloniale française.
La plainte, enregistrée au parquet du tribunal judiciaire de Paris sous le N° de parquet 25175000244, vise des faits de « recel de cadavre», selon un document consulté par « L’As ». Une infraction réprimée par l’article 434-7 du Code pénal français qui punit le fait de cacher ou de dissimuler le corps d'une personne décédée à la suite d'un homicide ou de violences. Il est prévu une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Cette démarche inédite intervient sept mois après la reconnaissance par la France de ce crime colonial qui a fait 35 morts officiellement mais plus de 300, selon des historiens. « Maintenant que la France a reconnu avoir massacré son père, M. Senghor demande le retour de son corps afin qu’il puisse l’honorer. Or, depuis 80 ans, des individus travaillent à maintenir l’opacité autour des faits et en empêchant l’accès à des documents qui permettraient de localiser les corps et de connaître le nombre de victimes », a plaidé Mbaye Dieng, l’avocat sénégalais de Biram Senghor, mandaté à Paris pour le représenter, dans des propos rapportés par le journal français, Le Monde. Pourtant, la France affirme avoir remis au Sénégal l’intégralité des archives sur le massacre en 2012.
Mais malgré le geste mémoriel concédé par l’ancien pays colonisateur en novembre 2024, des doutes subsistent sur la détermination de Paris à faire la lumière sur cette tuerie. Le massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, est un épisode longtemps passé sous silence dans l’histoire coloniale française. Il visait des tirailleurs sénégalais qui réclamaient simplement le paiement de leur solde à leur retour d’Europe après avoir combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale. Il s’en est suivi une répression brutale dans laquelle Mbap Senghor et plusieurs de ses frères d’armes, tirailleurs sénégalais, ont trouvé la mort sous les balles de l’armée française.
LES CHANCES D’UNE PROCEDURE
L’action judiciaire intentée, en France, devant le tribunal judiciaire de Paris pour «recel de cadavre», ne devrait pas être promenade de santé. L’idée du requérant Biram Senghor pour redorer l’image et la dignité de son père tirailleur, Mbap Senghor et ses frères d’armes est noble. Mais a-t-elle des chances d’aboutir. L’As a tenté de trouver réponse. Dans la plainte, c’est l’article 434-7 du Code pénal français relatif au fait de cacher ou de dissimuler le corps d'une personne décédée à la suite d'un homicide ou de violences qui est visé. Il faut dire que, selon une source très au fait de ces questions, le recel de cadavre est une infraction continue dont la prescription ne commence à courir qu’à compter du jour où la dissimulation a pris fin. En l’espèce, cela veut dire au moment de la découverte du corps.
De ce point de vue, le délai de prescription ne court qu’à partir de la découverte du cadavre selon la jurisprudence française. Même si pour le moment, beaucoup de zones d’ombre subsistent sur le massacre de Thiaroye 44, il faut dire que des fouilles menées par des archéologues ont permis de découvrir, en début juin 2025, des squelettes humains avec des balles dans le corps dans le cimetière de Thiaroye où ces tirailleurs africains ont été massacrés par l’armée française en 1944.
Donc, techniquement, c’est bien possible de prescrire l’affaire. D’autant que la jurisprudence française, par exemple, admet que le recel de cadavre est une infraction continue. «La découverte en 2025 fait courir le délai de prescription à partir de cette date, et non de 1944, tant que la dissimulation a duré sans interruption», explique le juge à L’As.
En revanche, l’issue dépendra de la qualification des faits, de l’intention caractérisée de dissimulation et de la décision du tribunal judiciaire de Paris. De ce point de vue, l’Etat peut bien être pénalement condamné et civilement responsable. Tout dépendra, soutient notre interlocuteur, de la suite réservée à la plainte étant entendu que l’instruction peut durer des années sans forcément