BOUNA SARR : DE LA POLÉMIQUE SUR SA SÉLECTION À L’UNANIMITÉ SUR SON TALENT
Partagé au départ entre, d’une part, la France, terre qui l’a vu naître, et de l’autre, la Guinée et le Sénégal, pays de ses grands-parents, c’est finalement le maillot vert-or-rouge des « Lions » que Bouna Sarr a choisi pour sa carrière internationale...

C’est l’un des Sénégalais dont la sélection en équipe nationale a suscité le plus de polémique. Partagé au départ entre, d’une part, la France, terre qui l’a vu naître, et de l’autre, la Guinée et le Sénégal, pays de ses grands-parents, c’est finalement le maillot vert-or-rouge des « Lions » que Bouna Sarr a choisi pour sa carrière internationale...
Tout a commencé en 2018 lorsque le sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps, a voulu le superviser à travers une sélection en match amical en vue de la coupe du Monde en Russie. Mais hélas, à l’arrivée, il n’a figuré ni sur la liste des sélectionnés ni sur celle des réservistes. Auparavant, en 2014, la Guinée avait souhaité compter sur le champion de France avec Metz en L2 pour défendre ses couleurs à la coupe d’Afrique des Nations de 2015 en Guinée Equatoriale. Et là encore, il refusa cette main tendue pour se consacrer à son club. Il est vrai qu’il avait aussi rejeté la proposition de l’entraîneur du Sénégal Aliou Cissé pour le Mondial de 2018 auquel les « Lions » devaient prendre part. Cette fois-là, encore, il avait réaffirmé sa préférence pour les « Bleus » qui, en 2020, avaient manifesté la même volonté de l’enrôler en leur sein. Mais cette fois-ci — en 2020, répétons-le— c’est son club du Bayern de Munich qui s’y oppose en évoquant des raisons médicales.
Aliou s’accroche à Bouna…
En septembre 2020, coup dur. Alors que le Sénégal est engagé dans des matchs de qualification pour le Mondial de 2022, la blessure de son latéral droit Youssouf Sabaly, inamovible sur ce flanc de la défense, est annoncée. Aliou Cissé n’hésite pas à exprimer une seconde fois son intérêt pour l’ancien sociétaire du club de Marseille. Avant même que le joueur visé ne donne sa réponse, une tempête d’attaques tombe sur le coach des « Lions ». Les sénégalais manifestent leur farouche opposition à la convocation du sociétaire du Bayern et évoquent les propos de Bouna Sarr annonçant sa préférence pour la France par rapport à tout autre pays. Aliou reste inflexible et maintient son choix sur le natif de Lyon qui accepte pour la première fois de revêtir le maillot du Sénégal. Le nouveau latéral de la Tanière ne fait pas le moindre commentaire, préférant prouver sur le terrain. C’est finalement lors de la double confrontation contre le Namibie qu’il va livrer ses premiers matchs avec la sélection des « Lions ». Le Sénégal débute bien ses rencontres et surclasse ses adversaires. Ainsi est lancée une nouvelle carrière internationale pour le franco-sénégalais.
Le public oublie et pardonne...
Bouna fait parler son talent. Les critiques deviennent applaudissements. Le jeune footballeur de 29 ans prend confiance et rassure. Ses débordements, sa rapidité, ses montées de balle, ses aptitudes défensives, loin de faire oublier l’absence de Sabaly, font tout de même baisser les critiques et lui permettent d’élever son rythme de jeu. Le couloir droit de la défense du Sénégal semble adhérer au profil de son tout nouveau «locataire».
Les « Lions » décrochent leur ticket pour les barrages devant mener au prochain Mondial à Qatar précédé de celui qui lui ouvre les portes d’une participation à la Coupe d’Afrique des Nations au Cameroun. Bouna Sarr manifeste toute sa fierté d’avoir choisi le pays de ses parents paternels. A la dernière coupe d’Afrique, il fait partie de ceux qui ont capitalisé le plus de temps de jeu. Avec, en plus, pour ce qui le concerne, toujours le même enthousiasme, le même mental. Le public le porte dans son cœur et lui pardonne tout. Même son penalty manqué en finale contre l’Égypte et qui aurait pu changer le verdict de cette rencontre historique... Le titre de champion d’Afrique acquis, il compte poursuivre l’aventure pour d’autres conquêtes. Deux rencontres contre l’Égypte le séparent de la grande fête du foot mondial. Au Caire, ce 25 mars 2022, l’entraîneur national maintient le onze qui a offert au Sénégal son premier trophée continental. L’équipe domine son adversaire mais manque de percussion en attaque. Le milieu de terrain souffre du manque d’un joueur à vocation offensive pour porter la balle devant. Le Sénégal perd la manche aller et compte renverser le score quatre jours plus tard. Il faut trouver très vite la solution tactique pour percer le schéma défensif égyptien.
Une reconversion réussie...
Avant cette rencontre décisive, des techniciens ont font parler leur expertise et dévoilé la stratégie à adopter. Parmi eux, l’ancien professionnel en terre égyptienne Lamine Mboup. « A l’aller il fallait des joueurs comme Sadio, Ismaēla et Bouna Sarr pour que le Sénégal puisse être dangereux. C’est un problème qu’il faut régler le plus vite possible. Nos attaquants ont besoin de quelqu’un qui puisse les aider, c’est à dire un joueur pourvoyeur de balles. Et ça on ne peut pas l’avoir avec nos milieux défensifs. C’est pourquoi, au match retour, il nous faut Bouna Sarr dans l’attaque et Sabaly va reprendre sa place de latéral» avait suggéré l’ex-sociétaire de la Jeanne d’Arc de Dakar. (Le Témoin du 29 mars 2022).
Coïncidence ou pas, le coach sénégalais, contre toute attente, a cette fois-ci tendu l’oreille. Au match retour, il met en place un système inédit avec la reconversion de Bouna Sarr comme excentré droit. Un poste qu’il n’a plus occupé depuis qu’il évoluait à l’OM. C’est là-bas d’ailleurs, sur la Canebière, que son entraîneur d’alors Rudi Garcia l’avait reconverti comme latéral pour la première fois... Dans son «nouveau poste» il séduit plus d’un et ses montées de balle, sa rapidité, son engagement, sa bonne vision du jeu s’expriment à Diamniadio. En lui, Aliou Cissé a trouvé un début de solution pour son attaque jusque-là orpheline d’un joueur disposant de ces qualités. Et le public de Diamniadio, tout fier des prestations de Bouna Sarr, venait de découvrir une nouvelle facette de son homme de couloir : sa polyvalence. Il ne lui reste qu’à s’imposer dans son club pour y conquérir une place de titulaire. La Coupe du Monde pointe à l’horizon et la concurrence risque d’être très dure. Mais, en tant qu’acteur de cette belle aventure loin d’être terminée, le Bavarois continue de travailler pour vivre d’autres sensations avec le Sénégal qu’il n’a pas regretté d’avoir choisi. Après le Cameroun et Diamniadio, sa future destination est le Qatar. Là-bas, dans le Golfe persique, il a envie de vivre d’autres émotions, de conquérir d’autres challenges. Qui sait si cela doit passer par une finale de Coupe du Monde opposant le Sénégal et la France ? Ce serait alors, pour lui, un choix cornélien entre le pays de son choix et celui de sa naissance...