DROITS HUMAINS EN DANGER POUR LA COUPE DU MONDE
À un an de la Coupe du monde 2026, les interdictions de voyage de Trump menacent déjà d'exclure les supporters iraniens du tournoi. Face à ce "gouvernement de plus en plus autoritaire", 90 ONG interpellent la FIFA sur ses responsabilités

(SenePlus) - À un an de la Coupe du monde 2026 co-organisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique, la FIFA se retrouve sous pression. Plus de 90 organisations de la société civile, majoritairement américaines, viennent d'adresser une lettre à Gianni Infantino pour l'alerter sur les risques que représentent les politiques migratoires de Donald Trump pour les millions de supporters attendus.
Cette initiative, coordonnée par l'organisation britannique Fair Square, rassemble des poids lourds de la défense des droits humains. Parmi les signataires figurent Human Rights Watch, Amnesty International, la NAACP (organisation américaine de défense des droits civiques fondée en 1909) ainsi que l'American Civil Liberties Union (ACLU), vieille de 105 ans, selon The Athletic.
La lettre, envoyée le 1er juillet au président de la FIFA, exprime de "profondes préoccupations" concernant les politiques d'immigration et les mesures d'application en vigueur aux États-Unis et leur impact potentiel sur la Coupe du monde.
Les organisations pointent directement du doigt les "engagements de haut niveau" d'Infantino à la Maison Blanche et son récent voyage en Arabie saoudite et au Qatar, où il a accompagné le président Trump lors d'un sommet d'investissement, comme preuves de sa proximité avec le dirigeant américain.
"Nous appelons la FIFA à utiliser son influence pour encourager le gouvernement américain à garantir les droits fondamentaux des millions de visiteurs étrangers et de supporters qui cherchent à entrer aux États-Unis pour assister aux tournois", peut-on lire dans la missive.
La lettre va plus loin en avertissant que si la FIFA continue de garder le silence, alors "la marque FIFA sera utilisée comme un outil de relations publiques pour blanchir la réputation d'un gouvernement de plus en plus autoritaire".
2,6 millions de visiteurs dans l'incertitude
Les préoccupations portent sur les 2,6 millions de visiteurs attendus pour la Coupe du monde 2026. Les groupes dénoncent "l'augmentation des actions d'application de l'immigration, les opérations abusives de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), et les restrictions frontalières plus larges qui ont également contribué à une peur et une incertitude généralisées".
Minky Worden, directrice des initiatives mondiales à Human Rights Watch, a confié à The Athletic que ce type d'intervention est "très inhabituel dans le contexte de tout méga-événement sportif américain", soulignant l'ampleur des inquiétudes des signataires.
La lettre évoque l'imposition d'interdictions de voyager contre les ressortissants de douze pays, ce qui menace d'exclure les supporters iraniens de la Coupe du monde, leur équipe s'étant déjà qualifiée pour le tournoi, ainsi que des restrictions partielles sur sept autres nations, dont le Venezuela, qui est en lice pour se qualifier.
Plus inquiétant encore, les groupes font référence à un reportage du New York Times affirmant que 36 autres pays, dont beaucoup sont africains, pourraient être ajoutés à la liste.
Face à ces préoccupations, les déclarations officielles semblent rassurantes mais ambiguës. Infantino avait insisté lors du Congrès de la FIFA en mai que "le monde est le bienvenu en Amérique", déclarant au Paraguay : "Bien sûr, les joueurs, bien sûr, tous ceux qui sont impliqués, nous tous, mais définitivement aussi tous les supporters".
Le vice-président américain J.D. Vance avait déclaré en mai : "Bien sûr, tout le monde est le bienvenu pour venir voir ce merveilleux événement. Nous voulons qu'ils viennent, nous voulons qu'ils célèbrent, nous voulons qu'ils regardent les matchs. Mais quand le temps sera écoulé, nous voulons qu'ils rentrent chez eux, sinon ils devront parler au secrétaire Noem", faisant référence à Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure.
La FIFA rattrapée par ses responsabilités
Les organisations rappellent à la FIFA ses propres engagements. La lettre souligne que, conformément à sa propre Politique des droits humains, la FIFA a une "responsabilité d'agir". Elle cite spécifiquement que "assurer la sécurité et la sûreté des personnes qui assistent ou sont autrement impliquées ou affectées par les événements de la FIFA peut impacter certains droits humains fondamentaux, tels que la liberté de mouvement, d'expression et de rassemblement" comme l'un des cinq risques saillants en matière de droits humains de la FIFA.
L'alarme avait déjà sonné avant la Coupe du monde des clubs de cet été. Le CBP (Customs and Border Protection) avait provoqué l'émoi en publiant sur Facebook que ses agents seraient "habillés et équipés prêts à assurer la sécurité pour le premier tour de matchs".
The Athletic a révélé que le message avait été supprimé après un contact direct du personnel senior de la FIFA exprimant ses préoccupations, mais il n'est pas clair dans quelle mesure l'intervention de la FIFA a influencé cette décision.
Les effets des politiques de Trump se font déjà sentir sur le tourisme. Le congressman républicain Darin LaHood a exprimé la semaine dernière ses préoccupations concernant une réduction de 40 % des voyages vers les États-Unis en provenance du Canada dans le contexte d'une guerre commerciale, ajoutant que le tourisme à Las Vegas, New York et en Floride était en baisse.
Cette mobilisation sans précédent intervient alors que la FIFA fait déjà face à de nombreuses critiques sur son engagement envers les droits humains, après avoir organisé ses deux dernières Coupes du monde masculine au Qatar et en Russie, tandis que l'édition 2034 se déroulera en Arabie saoudite.