LA DOULEUR ME DOMINE...JE NE SAIS PAS CE QUE JE VAIS FAIRE
Nimes: les poignantes confidences de Moustapha Diallo

Victime d’une grave blessure à la cheville le 30 septembre dernier en championnat contre Montpellier, Moustapha Diallo avait été déclaré «inapte » à la pratique du sport de haut niveau. Presque cinq mois après, le milieu de terrain sénégalais est revenu pour la première fois sur cette période sombre de sa carrière. Dans un entretien accordé à Midi Libre, le joueur de 32 ans a évoqué avec émotion ce qui est désormais son quotidien à Nîmes.
C’est quoi, aujourd’hui, votre semaine type ?
Du lundi au vendredi, je viens au centre d’entraînement de la Bastide, vers 9 h 45 - 10 heures. Je passe entre les mains des kinés, Antho (Lombardo), Eliott (Fluckinger) ou Alain (Ratat), qui prennent soin de moi. J’essaie de venir quand l’entraînement commence, pour ne pas déranger les joueurs avant ou après les séances. C’est ma routine, je fais toujours les mêmes choses. Parfois, je les rejoins sur la pelouse, je parle avec eux, avec les coachs, mais je ressors vite, car j’ai la chair de poule. C’est très dur. J’aimerais tant aller au combat avec eux.
Vous sentez-vous coupable, quelque part ?
Non. Ce serait le cas si je pouvais faire et que je ne faisais pas. Mais là, je ne peux pas faire. J’ai tout essayé. Je ne me sens pas coupable, mais déçu de ne pas pouvoir apporter quelque chose à cette équipe. Mais ça me soulage de voir qu’elle a de bons résultats.
Votre femme et vos enfants vivent au Sénégal ?
Je devais partir en Turquie avant de signer à Nîmes. Je ne savais pas trop comment ça allait se passer pour mes enfants là-bas, alors on les a inscrits à l’école française au Sénégal. Je vais y retourner en fin de saison, me ressourcer, réfléchir à la suite. J’y suis allé trop peu ces dernières années. Pour Nîmes, mon dossier d’inaptitude à la pratique du football de haut niveau avance. Je ne sais pas ce que je vais faire après. Mais je voudrais remercier Laurent Boissier (le directeur sportif de Nîmes), qui m’a recruté et m’a toujours soutenu.
Pouvez-vous nous expliquer les circonstances de votre blessure?
Les premiers mois avec Nîmes, j’ai eu plus de douleurs qu’avant. J’ai pris un coup dessus à Angers (4-3) lors de la 1ère journée. J’ai subi une première infiltration, qui m’a fait du bien. J’ai réussi à faire un bon match contre l’OM (3-1, une passe décisive pour Bouanga, 2e j.). Mais après, je ne suis plus arrivé à enchaîner les entraînements... Après le match contre Guingamp (7e j.), un mercredi, je n’arrivais plus à marcher jusqu’à ma voiture. J’ai pris deux Volta-rène (un anti-inflammatoire, NDLR), je tremblais. Alors qu’avant, à Guingamp, le Volta-rène me soulageait toujours. Le dimanche, je joue à Montpellier (8e j.). À la mi-temps, je m’assois dans le vestiaire. Le coach parle, il annonce que Denis (Bouanga) sort et que Théo (Valls) va rentrer. Je me lève pour retourner sur le terrain, mais je n’arrive pas à marcher. Je regarde ma cheville : elle a gonflé. Je dis au coach que je ne peux pas continuer, et que c’est moi qu’il doit remplacer.
Comment pourriez-vous décrire votre douleur ?
C’est une douleur qui me fatigue dans la tête. La douleur me domine. Elle me prend toute mon énergie. J’ai fait trois infiltrations, des PRP (injections de plasma riche en plaquettes, pour accélérer une cicatrisation, NDLR). Mais j’avais toujours la même douleur. Et plus j’essayais, plus j’avais mal. J’ai consulté le chirurgien Mares à Nîmes. Puis j’ai pris un deuxième avis à Marseille. Les deux docteurs m’ont dit que jouer allait aggraver la situation. La cheville est abîmée, elle n’a plus de cartilage. Ils m’ont parlé de prothèse, mais je suis encore jeune.
Quand vous êtes-vous dit que vous ne pourriez plus jouer au haut niveau ?
Quand après m’être arrêté en octobre, être allé me ressourcer au Sénégal, je suis revenu à Nîmes. J’ai fait un footing, puis une séance un peu plus soutenue. La même douleur est revenue. Alors que je n’avais rien fait depuis un mois. Là, je me suis dit : “Ça va être compliqué”...
L’équipe fait une superbe saison. Ce doit être d’autant plus dur à vivre...
Je suis allé à la limite. Je me suis toujours surpassé pour pouvoir jouer. C’est comme ça. Il faut l’accepter. On a tout tenté. Je crois en Dieu et je le remercie de m’avoir fait vivre dix bonnes saisons comme footballeur professionnel (Bruges, Ferrol, Guingamp, Nîmes, NDLR). Ça aurait été plus dur à vivre si l’équipe ne gagnait pas. Là, ma blessure a permis de faire découvrir d’autres jeunes, Théo (Valls), Antonin (Bobichon). Quand je suis arrivé, j’ai tout de suite dit au staff : “Vous avez une bonne équipe”. Parce qu’elle fait de tels efforts, elle met un tel rythme et une telle intensité que cela met en difficulté nos adversaires. Alors, oui, c’est frustrant, parce que j’avais les qualités pour l’aider. J’aurais marqué dans cette équipe, sur les coups de pied arrêté de Teji (Savanier), les centres et les débordements de Denis (Bouanga) ou Sada (Thioub). Mais je ne veux plus rêver...
Vous sentez-vous Croco, malgré tout, malgré le fait que vous ayez peu joué avec Nîmes ?
Oui, je me sens Croco. Obligé. Je suis au quotidien avec mes coéquipiers. Ce sont de vrais mecs avec moi. Ils me respectent. Et moi, je prends du plaisir à les regarder jouer, s’entraîner, j’en profite au max. Ils arrivent presque à me faire oublier ma blessure.