LAMINE GADIAGA, ANCIEN FOOTBALLEUR : «IL N’Y A PAS DE COHÉRENCE DANS LES CHOIX DE ALIOU CISSÉ»
Selon l’ancien joueur des Niayes de Pikine, le sélectionneur a une énorme part de responsabilité dans ce qui arrive à l’équipe nationale.

Le Sénégal a certes validé son ticket pour les huitièmes de finale de la cAn 2021, mais ses prestations poussives, lors de ces matchs de poule, suscitent des inquiétudes. formateur et observateur averti du football, Lamine Gadiaga analyse sans complaisance les rencontres jusque-là livrées par les «Lions». Selon l’ancien joueur des Niayes de Pikine, le sélectionneur a une énorme part de responsabilité dans ce qui arrive à l’équipe nationale.
Le Sénégal est qualifié pour les huitièmes de finale, mais le jeu produit ne rassure pas. Que retenez-vous de ces trois matchs livrés par les «Lions» ?
Pour parler de l’équipe du Sénégal dans sa prestation actuelle, seuls les non-initiés ou les avertis pouvaient prétendre que le Sénégal pourrait faire un jeu cohérent et équilibré, mais pas attractif. Quand on regarde dans le rétroviseur des derniers matchs de l’équipe nationale avant la Can, on comprendra tout de suite que cette équipe n’est que de nom. Il n'y a aucune cohérence, aucune complémentarité, aucune stratégie. Les gens jouent sous leur valeur. On compte sur des individualités qui sont devant, pour faire le résultat. Et c’est souvent à la fin de la partie, dans un jeu qui ressemble à autre chose que du football. Ce n’est pas surprenant.
Le contenu des trois rencontres ne semble pas refléter la valeur de cette équipe. Êtes-vous surpris de ce début poussif ?
Moi, cela ne me surprend pas. Cela fait longtemps que j’avertis que notre football est malade. Déjà, il y a deux ans, que cette équipe-là, qui aurait dû avoir un coach et un staff normal, aurait gagné la Coupe d’Afrique. Mais deux ans après, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Ces joueurs qui étaient presque à leur top niveau n’ont plus ce rythme. Cette équipe est juste à côté. Les gens sont euphoriques et ils ne sont pas assez objectifs dans leurs analyses. Certains ne jouent pas dans leur équipe, d’autres sont souvent blessés et sont en baisse de forme.
Le Sénégal n’a pas joué de match amical et le coronavirus n’a pas non plus épargné l’équipe. Pensez-vous que ces facteurs ont contribué à ce début timide ?
Il y a une très mauvaise préparation. Il ne faut pas qu’on me parle de Covid, de chaleur. Ce sont les aléas. Avant de partir au Cameroun, les gens ont fait des erreurs dans la prise du drapeau. Qu’estce qu’ils ont à faire dans un train pour aller au Palais? Est-ce qu’on n’aurait pas dû les laisser dans leur bulle et déplacer le chef de l’Etat. Ou bien, déplacer un de ses ministres pour qu’il remette le drapeau. Cette équipe ne me surprend pas. Dans la préparation mentale, il y a des choses à revoir. Quand on donne une équipe nationale à un monsieur qui n’est pas à la hauteur, elle ne donne que ce qu’elle a. Il ne faut pas oublier que ces jeunes sont passés par des mains des entraîneurs experts qui leur montrent des voies de performances en club. La grande question, c’est pourquoi ces jeunes sont performants en club et non en équipe nationale. Voilà des questions que les gens doivent se poser.
Les équipes considérées comme de petits Poucets s’illustrent depuis le début de la compétition. Attendiez-vous une telle tournure ?
Le premier constat est qu’il y a un nivellement des valeurs par le bas. Les organisations défensives prennent le pas sur le jeu offensif. Les soi-disant ténors piochent devant le déterminisme des sans-grades. L’arbitrage tatillon contribue au niveau assez bas de cette Can. Il n'y a pas de jeu en général, sauf chez certaines équipes comme le Maroc, le Nigeria ou encore le Cameroun. Pour ces huitièmes de finale, ce ne serait pas étonnant que beaucoup de matchs se terminent par des tirs au but.
Le Sénégal est la seule équipe à ne pas prendre de but lors de cette phase de groupe. c’est quand même un point positif ?
Ce qui est positif dans cette première partie, c’est que nous n’avons pas pris de but. Je ne sais si ce sont nos défenseurs qui sont forts ou ce sont les attaquants adverses qui sont nuls. Si j’avais des conseils à donner pour les prochains matchs, je demanderai à ce qu’on analyse ce côté positif où l’équipe ne prend pas de but. Maintenant, il y a une stratégie très simple. Il doit abandonner le fait de vouloir jouer devant. On n’a pas les profils pour jouer ainsi. En match de coupe, il faut faire reculer son bloc, aspirer l’équipe adverse et créer des espaces où tu mettrais des gens qui sont adaptés à ce jeu. Ce n’est pas Idrissa Gana Guèye qui va faire cela. C’est le moment de faire de gros choix. Cette Can, tout le monde peut la gagner. Elle est assez bizarre.
On reproche aux joueurs de manquer d’engagement. Partagez-vous cet avis ?
A un moment donné, il faut que les gosses fassent preuve de personnalité. Ils savent que ce qui se passe est loin des attentes. Les voix commencent à s’élever. Il faut qu’ils jouent simple, car la façon de jouer de Kalidou Koulibaly ne rassure pas. On aurait dû prendre un but contre le Malawi, avec ce pénalty sifflé. Il avait déserté sa base à dix minutes de la fin de la partie. Cela fait deux mois qu’il ne joue pas. Il vient en équipe nationale et se permet de faire ces conneries-là. Pour Sadio Mané, on n’a pas vu cette détermination, tout comme Idrissa Gana Guèye. Il faut compter sur les autres, des joueurs valides et capables de répondre aux attentes. Je pense que les joueurs doivent s’enfermer dans une chambre et se parler d’une manière sérieuse. A mon avis, c’est la bonne méthode pour aller de l’avant.
Pensez-vous que la situation va quand même s’améliorer lors de la prochaine sortie ?
C’est ce que nous attendons tous. Mais avec cette manière de faire, ce n’est pas demain que cela va changer. Il faut travailler logiquement, en s’appuyant sur des bases solides. Nous allons aborder une phase cruciale, avec les matchs à élimination directe. De toute façon, le football sénégalais est malade depuis des années. Il est plus que jamais urgent de le revoir. Le football local ne marche pas, les jeunes ne jouent pas au football dans ce pays, les navétanes débordent. Ce sont les torchons et les serviettes qu’on a mélangés.