«ON S’EST TOUS JETES SUR LUI POUR LE DESARMER»
Can 2002 : Souleymane Camara évoque la bagarre entre Coly et Pape Sarr

Recordman du nombre de matchs joués avec Montpellier (D1 France), Souleymane Camara a mis un terme à sa carrière de footballeur. Dans un entretien accordé à «L’Equipe», l’ex-international sénégalais a évoqué son parcours, mais aussi quelques moments chauds en sélection…Par exemple, il révèle la bataille rangée entre Ferdinand Coly et Pape Sarr, ses anciens coéquipiers chez les «Lions»
Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué ?
Il faut remonter loin… Je pense à Marcelo Gallardo, à mes débuts à Monaco. Lui, il m’a marqué. Techniquement, il était très fort, et surtout, tout ce qu’il faisait, c’était efficace. Quand il fallait éliminer, il éliminait. Quand il fallait passer, il faisait la passe. Moi, à l’époque, j’étais un jeune attaquant. Et c’était un vrai plaisir de jouer avec un meneur comme lui derrière soi. À mon poste, Marco Simone et Shabani Nonda m’avaient aussi beaucoup impressionné, j’essayais de m’inspirer d’eux et je leur demandais conseil.
Et le plus fort que vous avez affronté ?
C’est Ronaldinho, en premier. Il était au PSG, il n’avait pas encore vraiment explosé. Mais qu’est-ce qu’il était fort… Tout le monde le voyait. Ses appuis, c’était incroyable, impressionnant. Sinon, j’ai été bien marqué par Eden Hazard et Karim Benzema. Benzema, à Lyon, il était tout jeune, il avait 19 ans… Mais il jouait avant-centre, il n’avait pas peur et il savait tout bien faire. Fort techniquement. Ses déplacements, c’était du très haut niveau. Et il était très adroit devant le but.
Le joueur le plus méchant que vous avez rencontré ?
Rigobert Song. Alors lui, c’était… (il soupire) Très dur. Un jour, à Bollaert contre Lens, Ferdinand Coly fait faute sur moi. Je tombe, et Song vient me marcher dessus volontairement. Devant l’arbitre ! Il a pris rouge. Lui, il faisait genre qu’il ne faisait pas exprès, mais il était venu juste pour me marcher dessus. Dans le jeu aussi, il était très dur.
Le moment où vous vous êtes senti le plus seul ?
À Nice (2005-2007), après Monaco. Là-bas, ça s’est mal passé. J’avais signé quatre ans mais je n’étais pas bon du tout. Au bout de six mois, Frédéric Antonetti m’a demandé de chercher un autre club. Ça a duré comme ça deux ans. C’était très compliqué, les supporters m’insultaient, car je venais de Monaco. J’étais mal en rentrant chez moi. Heureusement que j’avais ma femme et mon fils aîné, à l’époque. À chaque fois que je jouais, je n’étais pas bon et je me faisais siffler… Et puis ma nature timide m’a amené à encore plus me refermer sur moi-même. J’avais honte d’aller en ville, c’était très compliqué. C’est à partir de là que je me suis pris en main, des gens m’ont beaucoup aidé, comme Éric Buracchi et Patrick Legain, un médecin et un préparateur physique que j’avais connus à Monaco. Ils m’ont fait travailler et m’ont permis de me relever.
Quel est le transfert qui a failli se faire ?
Benfica, en 2003. Mon agent avait tout calé avec eux. Didier Deschamps était même venu me dire que Giovanni Trapattoni, l’entraîneur de Benfica à l’époque, l’avait appelé pour parler de moi. Même le préparateur physique Antonio Pintus était au courant, c’était déjà fait, tout était réglé. Sauf que moi j’ai été le dernier au courant! Donc par principe, j’ai refusé, au dernier moment. Je n’avais pas aimé la façon de faire de mon agent. Il n’avait pas pris le temps de me demander mon avis… C’était le dernier jour du mercato en plus.
Votre plus beau but ?
Je pourrais citer une reprise de volée du gauche contre Toulouse avec Montpellier en 2009 (le 13 décembre). Mais je vais plutôt dire un but contre Caen, en 2017 (le 5 août, 1-0), l’année où le président Loulou Nicollin est parti. C’était le premier but depuis son décès (le 29 juin). C’était une tête piquée, normale. Mais le plus fort, c’était pendant la célébration. On jouait avec des maillots noirs, floqués «Loulou». J’ai montré le nom derrière le maillot, ce but était pour lui. Quand tout le monde est venu me féliciter, c’était un moment très émouvant. Loulou, c’était beaucoup plus qu’un président. C’était notre papa. Il nous engueulait, mais surtout, il nous aimait comme ses fils.
La plus grosse dispute à laquelle vous avez assisté ?
C’était plus qu’une dispute, une bagarre, lors d’un entraînement du Sénégal pendant la Coupe d’Afrique 2002. Il y avait une embrouille entre Ferdinand Coly et Pape Sarr, qui était quelqu’un de nerveux. Ferdi avait mis un coup à Pape, ils s’étaient chamaillés, et Pape était sorti du terrain. On pensait qu’il était allé bouder. Mais en fait, le mec était parti chercher un cairon ! Il est revenu sur le terrain avec ce parpaing caché dans son dos… Quand on s’en est rendu compte, on s’est tous jetés sur lui pour le désarmer. Il voulait le frapper avec ça ! C’était vraiment chaud, je ne l’oublierai jamais. Notre entraîneur, Bruno Metsu (décédé en 2013), savait faire la part des choses. Il nous laissait nous rentrer dedans, il nous laissait nous taper. Pour lui, ça voulait dire que le groupe vivait bien. Et après, sur le terrain, on était ultra solidaires, tous ensemble. Je me rappelle aussi qu’en pleine Coupe du monde 2002, Salif Diao et Lamine Diatta s’étaient battus à coups de poings dans le train (rires). Quelques jours plus tard, ils tapaient la France et se serraient dans les bras.
FICHE DU JOUEUR
Date et lieu de naissance (22 décembre 1982 à Dakar
Taille : 1,73 m, Poids : 74 kg
Début de carrière : 2001 AS Monaco (juillet 2001-janvier 2004),
Guingamp (janvier 2004-juin 2004),
Monaco (juin 2004-août 2005),
Nice (août 2005-juin 2007),
Montpellier (juillet 2007-juin 2020).
PALMARES
Champion de France en 2012 avec Montpellier.
Vainqueur de la Coupe de la Ligue en 2003 avec Monaco.
35 sélections avec le Sénégal (7 buts)