POUR LE SÉNÉGAL, LA COURSE CONTRE LA MONTRE COMMENCE
Une mission cruciale du FMI cruciale débute ce jour, avec en jeu : l'avenir économique du pays. Dakar dispose de moins de 18 mois pour éviter la faillite, selon les analystes financiers. Le gouvernement Diomaye joue gros face aux créanciers internationaux

(SenePlus) - D'après un article de Katarina Hoije publié le 19 août 2025 dans Bloomberg. "Si le Sénégal ne parvient pas à obtenir un programme du FMI dans les 18 prochains mois, ce qui commence comme une crise de liquidité pourrait rapidement se transformer en crise de solvabilité." Cet avertissement de Leo Morawiecki, analyste des marchés émergents chez Abrdn Investments, résonne comme un ultimatum alors qu'une mission du Fonds monétaire international s'apprête à arriver à Dakar cette semaine.
Cette mise en garde illustre la gravité de la situation économique du Sénégal, qui fait face à l'une des crises financières les plus sérieuses de son histoire récente. Selon Bloomberg, les investisseurs du monde entier scrutent attentivement cette visite, espérant des signaux positifs sur les chances du pays ouest-africain d'obtenir un nouveau financement pour stabiliser ses finances publiques fragilisées.
La mission du FMI qui débute cette semaine se concentrera sur l'identification de "mesures concrètes pour résoudre les problèmes de données récents" et sur la préparation d'une explication destinée au conseil d'administration du Fonds concernant les erreurs de l'ancien gouvernement.
Leo Morawiecki insiste sur la nécessité d'une transparence : "Il est crucial d'avoir une idée claire de la proportion de la dette liée aux dépenses d'investissement par rapport aux dépenses courantes." Cette clarification devient d'autant plus urgente que le pays risque de basculer d'une simple crise de trésorerie vers une incapacité totale de rembourser ses dettes.
Le conseil d'administration du FMI doit d'abord examiner ces erreurs de déclaration avant de décider d'une dérogation pour les 700 millions de dollars déjà décaissés dans le cadre du programme suspendu. Ce n'est qu'après cette étape que pourront débuter les négociations sur un nouveau programme. Selon Julie Kozack, porte-parole du FMI citée par Bloomberg, les discussions sur les contours d'un nouveau programme pourraient commencer ce mois-ci.
Face à cette situation critique, le gouvernement a dévoilé un plan de relance économique d'une ampleur inédite. L'objectif est de mobiliser 5,7 billions de francs CFA (10,1 milliards de dollars) sur les trois prochaines années et de ramener le déficit budgétaire de son niveau actuel catastrophique de 14% à un niveau plus soutenable de 3% du PIB d'ici 2027.
Le ministre des Finances Cheikh Diba avait initialement espéré mettre en place un nouveau programme d'ici juin, mais la complexité de la situation retarde les négociations. Le pays mise également sur une révision du calcul de son PIB, une opération technique qui pourrait augmenter sa valeur de 15% à 25% selon Michael Kafe, analyste chez Barclays. Cette revalorisation permettrait de ramener le ratio dette/PIB vers ou en dessous de 100%, alors qu'il s'élevait à 119% du PIB à la fin de l'année dernière.
Le président Faye se trouve pris dans un étau politique redoutable. Cet ancien inspecteur des impôts, libéré de prison quelques jours seulement avant de remporter l'élection présidentielle de 2024, avait séduit les électeurs avec des promesses d'amélioration du niveau de vie. Lui et le Premier ministre Ousmane Sonko s'étaient engagés à alléger le coût de la vie et à créer des opportunités pour la jeune population du pays.
Mark Bohlund de Redd Intelligence souligne auprès du qiuotidien américain, cette contradiction : "Bien que le Sénégal puisse s'en sortir sans le FMI, cela signifierait des coupes budgétaires plus agressives, ce qui va à l'encontre du programme sur lequel Faye et Sonko ont été élus, c'est donc un équilibre délicat à maintenir."
Le président a d'ailleurs pris soin d'éviter que son plan de hausses d'impôts et de coupes budgétaires soit qualifié d'austérité, mais les critiques mettent en garde contre les risques d'un ralentissement de la croissance qui pourrait réduire les recettes fiscales qu'il cherche justement à augmenter.
L'économiste Ndongo Samba Sylla exprime ouvertement son scepticisme dans une interview à Voxafrica : "La dette ne peut pas être résolue par l'austérité, elle doit être annulée. La seule façon de la rembourser est de contracter de nouvelles dettes, ce qui nécessite de se tourner vers le FMI. Mais dépendre du crédit du FMI signifie abandonner les promesses faites au peuple sénégalais."
Cette critique touche au cœur du paradoxe sénégalais : comment concilier les attentes populaires d'amélioration des conditions de vie avec les exigences d'assainissement financier imposées par les créanciers internationaux ?
Dans ce contexte difficile, le Sénégal peut compter sur un atout majeur : ses nouvelles ressources énergétiques. La production a récemment commencé sur les premiers projets pétroliers et gaziers offshore du pays. Le gouvernement s'efforce également de construire l'infrastructure nécessaire pour convertir ce gaz en électricité, dans l'espoir de réduire la dépendance aux coûteuses importations de combustibles.
Le président Faye a promis de renégocier de meilleurs accords avec les compagnies pétrolières et gazières pour réduire les coûts énergétiques, mais ces revenus futurs ne résoudront pas l'urgence financière actuelle.
Le gouvernement a exclu une restructuration de la dette et mise sur une extension des échéances de certains emprunts, mais cette stratégie ne pourra fonctionner que si elle s'accompagne d'un retour de la confiance des investisseurs internationaux.
La mission de cette semaine constitue donc bien plus qu'une simple visite de routine : elle pourrait déterminer si le Sénégal parviendra à éviter un naufrage financier qui aurait des conséquences dramatiques pour ses 17 millions d'habitants.