SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
28 juin 2025
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX : LES RÉSULTATS PEU RELUISANTS DE LA CEDEAO SELON LE GIABA
Il est temps que les membres du Comité interministériel prenne l’initiative d’assurer l’efficacité des cadres juridiques et de la législation sur la lutte…
Les résultats obtenus par les 15 États membres de la CEDEAO dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, sont peu reluisants, a révélé, Edwin Harris, directeur général du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA).
”Alors que nous achevons le second cycle des évaluations mutuelles en novembre 2024, les résultats obtenus par les 15 États membres de la CEDEAO renvoient une image peu reluisante de notre région et soulignent la nécessité pour nous tous de redoubler d’efforts et de travailler plus ardument afin de changer la réalité des choses“, a-t-il dit, lors de la 28-ème réunion du comité ministériel du GIABA.
”La plupart de nos États membres évalués à date, ont obtenu des résultats faibles dans les volets relatifs à l’efficacité de leur évaluation mutuelle“, a rapporté l’officiel.
Parmi les organismes d’évaluation, a poursuivi Harris, ”le GIABA a enregistré 138 notes faibles en matière d’efficacité, tandis que cinq de nos pays ont obtenu de faibles notes au titre de l’efficacité dans tous les 11 résultats immédiats“.
Il estime qu’ “il est temps que les membres du Comité interministériel prenne l’initiative d’assurer l’efficacité de nos cadres juridiques et de notre législation sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération, ce qui renforcera le niveau d’efficacité en vue du prochain cycle“.
La 28-ème réunion du comité ministériel se tient après la 41-ème réunion de la Commission technique plénière du GIABA.
Après que l’organe technique s’est penché sur certaines questions et a fait des suggestions, le comité ministériel, s’est retrouvé à Pointe Sarène (Mbour, Ouest) pour valider lesdites suggestions et s’assurer de l’existence de moyens d’améliorer la situation, a expliqué Prince Lateef Fagbemi, président du 28-ème Comité ministériel du GIABA, par ailleurs procureur général et ministre de la Justice de la République fédérale du Nigéria.
Pour sa part, le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Ousmane Diagne, a assuré le Comité de l’engagement de son département ”à mettre en œuvre toutes les recommandations relatives à la prévention, à la détection, aux poursuites, aux condamnations et recouvrement des avoirs, sur la base d’une large coopération internationale“.
Il a rappelé par ailleurs que les nouvelles autorités sénégalaises accordent un intérêt particulier à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes, un des piliers majeurs d’une politique de bonne gouvernance viable.
UNE ENQUÊTE SUGGÈRE D'AMÉLIORER L'ACCUEIL DANS LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE SANTÉ
« Il y a des difficultés et il faut le reconnaître. Les populations ont parlé de l’accueil, de la communication, et des délais d’attente », a dit Dr Fatou Mbaye Sylla.
Une enquête de satisfaction réalisée dans dix-sept hôpitaux situés dans dix régions du pays, préconise une amélioration de la qualité de l’accueil et du séjour des patients dans les établissements publics de santé, a appris l’APS du Docteur Fatou Mbaye Sylla, directrice générale des établissements de santé.
‘’ Effectivement, il y a des difficultés et il faut le reconnaître. Les populations ont parlé de l’accueil, de la communication, et des délais d’attente’’, a dit Dr Fatou Mbaye Sylla.
‘’Les populations disent que les attentes sont très longues’’, a-t-elle ajouté, lors d’un atelier de restitution des résultats de l’enquête de satisfaction au niveau des établissements publics de santé (EPS), sur le thème : ‘’La qualité des prestations telles que perçues par les usagers’’.
‘’Le quatrième point qui a attiré notre attention, ce sont les conditions de séjour, particulièrement, la restauration qui n’est pas très bien appréciée’’, a poursuivi la responsable des EPS.
Malgré les difficultés décelées par l’enquête, Abdoulaye Sidibé, président de l’Association des contrôleurs de gestion des EPS du Sénégal, a souligné que ‘’beaucoup d’efforts ont été faits’’ pour l’amélioration des conditions d’accueil dans les établissements publics de santé.
Il relève que le dispositif mis en place pour l’amélioration de la qualité de l’accueil dans les établissements publics de santé “continue de fonctionner et mérite d’être amélioré davantage’’.
Docteur Fatou Mbaye Sylla a rassuré que ‘’les recommandations issues de l’enquête feront l’objet de directives qui seront mises en œuvre et suivies régulièrement dans les hôpitaux’’ du pays.
Par Alioune TINE
FAIRE DU SÉNÉGAL UN PAYS DE RÉFÉRENCE EN MATIÈRE JUDICIAIRE
Il ne faut pas céder à leur pression, il faut bien comprendre que nous avons affaire à des acteurs pour la plupart conservateurs et d'une excessive prudence. C'est l'audace qui mènera à la rupture systémique.
Le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye, engagé dans une rupture systémique par rapport à un vieux système politique, démocratique et social en fin de cycle, doit absolument être vigilant et éviter de se laisser entraîner dans des débats sans objet et sans intérêt qui risquent d'enliser ses magnifiques projets de refondation de la République et de la Société.
Ceux qui agitent la menace d'une République des juges agitent un vieil épouvantail ressassé pratiquement par tous les présidents sénégalais et bien avant eux certains présidents français. C'est un vieux fantasme, car la République des juges n'existe nulle part dans le monde.
Les forces de résistance au changement et les forces d'inertie seraient bien en peine de vous citer un exemple de pays où il existe une République des juges. Les forces d'inertie, il faut toujours compter avec, dans la révolution citoyenne et voir comment les contourner pour éviter qu'elles ne vous plongent dans la routine. Le pays africain qui dispose d'une des meilleures institutions judiciaires au monde, c'est assurément le pays de Nelson Mandela, l'Afrique du Sud. Il n'y a pas de République des juges en Afrique du Sud. Depuis 1981, la France a fait d'énormes efforts avec l'arrivée de Mitterrand pour émanciper l'Autorité judiciaire en France. Il n'y a pas de République des juges en France. Quid des États-Unis, du Brésil ou de l'Italie.
Les Assises de la justice au Sénégal sont une initiative fabuleuse, j'y assiste avec enthousiasme et suis ravi de constater son caractère inclusif avec la diversité des acteurs, je salue son management par une équipe compétente et ouverte, les débats sont d'une infinie richesse du fait de la motivation des participants. Pour moi, c'est déjà un grand succès. Reste ses enjeux politiques énormes et les attentes des citoyens concernant la rupture, sa dimension et son ampleur pour une rupture systémique. Notamment le pari de l'indépendance structurelle du pouvoir judiciaire, qui doit bien être perçu par les citoyens, car la perception est fondamentale d'un changement systémique doit être sans équivoque.
Beaucoup de juges, vous le savez et probablement certains professeurs d'université pourraient être réticents à voir le Président de la République quitter la Présidence du Conseil Supérieur de la magistrature. Il ne faut pas céder à leur pression, il faut bien comprendre que nous avons affaire à des acteurs pour la plupart conservateurs et d'une excessive prudence. C'est l'audace qui mènera à la rupture systémique. La justice ce n'est pas seulement les magistrats et les juristes, c'est toute la société qui est intéressée. Libérer le procureur en lui restituant sa liberté d'appréciation, en coupant le lien qui l'assujettit à l'exécutif.
Après ce qui s'est passé avec les élections et l'action de juges courageux, indépendants et compétents, il faut sortir des Assises en posant les jalons d'un Sénégal de référence en matière judiciaire.
Enfin, décoloniser la justice, changer sa représentation de soi, sa langue, décoloniser les politiques pénales peu respectueuses de la dignité humaine des Africains. Ça coûte cher dans tous les sens. Mais, le début est bon et prometteur.
HAJJ 2024, NEUF VOLS SUR LES 11 PROGRAMMÉS ONT DÉJÀ TRANSPORTÉ 3.500 PÈLERINS, SELON MALICK NDIAYE
"Seuls deux vols opérés par Air Sénégal, ont eu du retard, même s’il ne devrait pas y avoir de retard", a expliqué le ministre.
Le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens Malick Ndiaye a indiqué que neuf vols sur les onze programmés, sont déjà partis à la Mecque avec 3.500 pèlerins.
”Sur les 11 vols qui ont été programmés pour partir, les neuf sont partis à temps, avec plus de 3.500 pèlerins“, a dit M. Ndiaye qui s’était rendu samedi, un peu tard dans la soirée à l’Aéroport international Blaise Diagne.
Selon lui, “seuls deux vols opérés par Air Sénégal, ont eu du retard, même s’il ne devrait pas y avoir de retard“.
”Aujourd’hui (samedi), au total, il reste 270 passagers qui doivent partir dès demain (dimanche). Et donc, à partir de lundi la situation revient à la normale“, a-t-il rassuré.
L’officiel précise que les pèlerins du premier vol qui a accusé du retard, ont été logés dans un hôtel de la place.
Par la suite, ”une alternative a été trouvée pour qu’ils (les pèlerins), puissent partir comme convenu ce matin (samedi) et en début d’après-midi“, a-t-il poursuivi, notant qu’ “ils sont tous partis en plus de 20 autres passagers“.
Le ministre explique qu’un aéronef loué et qui a tardé à rejoindre Dakar, a été à l’origine du retard des deux vols prévus.
Il a promis des mesures pour redresser la compagnie aérienne nationale Air Sénégal.
Des passagers du vol A1 B d’Air Sénégal devant se rendre à La Mecque pour le pèlerinage sont tous cloués à Dakar faute de vol disponible, depuis vendredi dernier.
QUESTIONS MILITAIRES, IL FAUT SAVOIR LA LIGNE ROUGE À NE PAS FRANCHIR, SELON THIOR
Le président du Cored a réagi aux convocations des directeurs de publication de « La Tribune » et du « Quotidien » suite à un article sur la nomination du Général Kandé comme « attaché de défense et de sécurité », à New Delhi.
Mamadou Thior, Journaliste et président du Conseil pour l’Observation des Régles d’Éthique et de Déontologie dans les médias au Sénégal (Cored) était l’invité du Jury du Dimanche sur les ondes de la 90.3 Iradio. Une occasion pour lui de revenir sur les convocations des directeurs de publication de « La Tribune » et du « Quotidien » suite à un article sur la nomination du Général Kandé comme « attaché de défense et de sécurité », à New Delhi.
« Dans un passé récent, pour moins que ça, on retenait les gens et c’était le mandat de dépôt automatique. Il faut le dire, dans les dernières années du président Macky Sall, aujourd’hui, on convoque un journaliste, on l’entend, on le libère. On ne peut pas se réjouir qu’on continue à convoquer des journalistes. Parce qu’on aurait pu en faire l’économie. Mais, est-ce qu’ils ont bien fait le travail ? », s’interroge-t-il. Avant de répondre : « Oui, quelque part, on peut dire qu’il y avait quand même des précautions à prendre que ces gens-là n’ont pas prises. Parce que quand on est un directeur de publication, à ce niveau de responsabilité, les questions militaires, on ne dit pas que c’est des questions taboues, mais il faut vraiment en parler avec l’expertise nécessaire. Et nous ne sommes pas des experts en tant que journalistes, mais nous pouvons aller chercher les gens qui s’y connaissent. Ils peuvent nous édifier. Mais quand vous voulez en parler avec légèreté, vous pouvez tomber tout de suite dans le panneau. Et comme ce sont des questions sensibles, il faut savoir la ligne rouge à ne pas franchir. À beau vouloir donner des informations, il faut savoir que les questions militaires, il faut vraiment que ce soit béton pour en parler ».
Pour étayer ses propos, le président du Cored rappelle : « parce que ce n’est pas pour rien quand vous regardez notre code de la presse, l’article 5, quand on parle de secret défense, de secret de l’instruction. On vous trace des lignes rouges quand vous parlez de certaines questions. (…) Pour dire que les journalistes, qu’ils soient sénégalais ou d’autres pays, ne sont pas au-dessus des lois. Du tout. Et on nous a fait ce reproche quand il s’agit de défendre la dépénalisation des délits de presse. Vous savez, c’est ça qui a fait même durer notre code de la presse. Le texte a été déposé à l’Assemblée nationale en 2010. C’était du temps du Président Wade. Et pendant deux ans, parce qu’il est parti en 2012, c’est depuis qu’on dit, non, il n’y a pas de question parce que vous, les journalistes, les professionnels des médias de manière générale, vous n’êtes pas au-dessus des lois. Malheureusement, on n’a pas bien communiqué parce qu’on ne leur a pas expliqué où on voulait en venir avec la dépénalisation ».
C’est sur ces entrefaites que Thior a expliqué : « Ici au Sénégal, nous avons le Cored. Donc, dès l’instant où on a un cadre pour sanctionner des journalistes, il est superfétatoire quand même de vouloir penser que la prison peut régler le problème.
CE QUE LES NOUVELLES AUTORITÉS DOIVENT SAVOIR SUR LE CORED
"Nous avons des instances qui peuvent régler le problème en interne et ces instances-là peuvent prendre des sanctions qui sont lourdes", a expliqué Mamadou Thior.
Le Cored (Conseil pour l’Observation des Régles d’Éthique et de Déontologie dans les médias au Sénégal) est décrit par certains comme étant une instance un peu trop tendre. Son président Mamadou Thior n’est pas du même avis. Invité de l’émission Jury du Dimanche sur les ondes de la 90.3 Iradio, il a déclaré : « peut-être que les nouvelles autorités ne savent pas comment fonctionne le mécanisme. Parce que même avec ceux qui sont partis, nous avons rencontré le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. Il m’a même fait l’amitié de venir présider l’installation du tribunal des pairs. Et nous lui avons expliqué, c’est quand il y a eu les nombreuses arrestations et quand nous sommes intervenus pour faire libérer les gens, donc, on lui avait expliqué le mécanisme et lui-même, il était d’accord avec nous que c’est la meilleure approche et que l’État ne gagne rien en convoquant des journalistes ou en mettant des journalistes en prison ».
Et M. Thior d’ajouter : « de toute façon, à chaque fois que vous le faites, ça ternit l’image du Sénégal. Et les nouvelles autorités aussi doivent comprendre ce mécanisme-là. Nous allons leur expliquer ça et pour leur faire comprendre qu’elles ne gagnent rien, à convoquer des journalistes ou à vouloir mettre des journalistes en prison. Parce que c’est quelque chose qui va déteindre sur l’image du Sénégal et c’est contre-productif. Nous avons des instances qui peuvent régler le problème en interne et ces instances-là peuvent prendre des sanctions qui sont lourdes. Si on parlait de tendresse, loin de là, le tribunal des pairs, quand il prend des sanctions, ça peut aller de l’avertissement jusqu’au retrait temporaire ou définitif de la carte nationale de presse. Ce n’est pas rien ».
Suffisant pour l’invité du Jury du Dimanche de dire qu’on ne peut pas parler de tendresse. « Et même en amont, quand on vous blâme, le blâme peut vous empêcher d’accéder à la carte nationale de presse. Parce que ce qui se passe, c’est que nous avons renforcé le Cored dans le cadre même de l’accès à la carte nationale de presse en amont. Le Cored est en amont en délivrant ce qu’on appelle le quitus. C’est une sorte de casier judiciaire pour dire à la commission, vraiment, celui-là, nous pouvons le recommander parce que jusque-là, nous n’avons rien noté. Vous pouvez attribuer la carte. Et ça, c’est pour filtrer. Et il est arrivé que des gens qui ont été blâmés ont été empêchés parce qu’on ne leur attribue pas le cutis. Et si le cutis ne figure pas dans le dossier, le dossier est classé. Donc ça, ça montre que quand même, le Cored joue un rôle éminemment important. Et ce n’est pas, entre guillemets, un machin », a-t-il conclu.
VIDEO
UNE NÉCESSAIRE REFONDATION MORALE
Rompre avec le passé, punir les fautes, réformer et rassembler : l'universitaire Mamadou Diouf détaille les chantiers titanesques qui attendent le nouveau pouvoir afin de transformer durablement le pays
Pour l'éminent historien et professeur à Columbia University, Mamadou Diouf, l'avènement du duo Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko à la tête du Sénégal représente une formidable opportunité de "transformer en profondeur le système politique et institutionnel hérité depuis l'indépendance". C'est le message fort qu'il a livré dans l'émission "Objection" de Sud FM.
Analysant la rupture induite par cette nouvelle équipe dirigeante, le Professeur Diouf a relevé "leur organisation politique novatrice, leur capacité à se constituer en force autonome sans passer par les réseaux confrériques traditionnels". Un vent de fraîcheur et d'indépendance pour "permettre une véritable déconstruction du système clientéliste et néo-patrimonial".
Selon lui, les défis à relever sont immenses pour ces nouveaux leaders: "Non seulement rompre avec les pratiques antérieures, réformer en profondeur, mais aussi punir les fautes, tout en portant un projet rassembleur de reconstruction nationale et morale". Un chantier titanesque pour "recréer une citoyenneté dynamique" et "restaurer le rêve et le bonheur des jeunes sénégalais".
Pour y parvenir, Diouf a conseillé de puiser dans l'héritage de Senghor, "en s'appuyant sur le modèle des 'petites patries', où s'enracinent les solidarités communautaires". Un projet d'"enraciner le nouveau dans l'ancien" pour asseoir une véritable légitimité populaire.
Cependant, l'universitaire a également insisté sur le rôle crucial d'une opposition forte, entretenant "un dialogue permanent avec le peuple, seul détenteur légitime du pouvoir". Contrôler, mais aussi contribuer dans un esprit de "construction citoyenne".
Face aux immenses attentes, l'invité de Baye Omar Gueye a rappelé qu'"ils ne pourront relever les défis qu'avec les Sénégalais et en accord avec eux". Un chemin semé d'embûches, mais une perspective historique de changement véritable pour ce pays qui, selon lui, a urgemment besoin d'une "refondation morale globale".
LE SAHEL, UN ENFER POUR LES VOIX DISSIDENTES
Au Mali, au Burkina et au Niger, les juntes ont instauré un régime de terreur. Exils forcés, enlèvements, emprisonnements arbitraires... Telle est la cruelle réalité pour ceux qui osent s'élever contre la férule des nouveaux maîtres de la région
(SenePlus) - Depuis les coups d'État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger entre 2020 et 2023, les juntes au pouvoir ont muselé toute opposition, traquant sans relâche les voix critiques. Hommes politiques, acteurs de la société civile et militaires sortis du rang se voient contraints à l'exil, au silence forcé ou à la prison, comme le rapporte une analyse du journal Le Monde.
L'avocat Guy Hervé Kam, figure de la contestation burkinabè, en a fait l'amère expérience fin mai. Brièvement libéré après son enlèvement en janvier, il a été de nouveau kidnappé le soir même par des hommes armés. Même traitement pour le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ex-chef des redoutables "Mambas verts", incarcéré à plusieurs reprises depuis 2022.
Au Burkina, le régime du capitaine Traoré s'est "transformé en machine répressive infernale". L'ancien ministre Ablassé Ouedraogo, 70 ans, arrêté en décembre, a été envoyé 3 mois au front avant d'être libéré et de s'exiler au Canada. La junte a récemment prolongé son pouvoir de 5 ans sans ses opposants.
Au Mali voisin, Boubacar Karamoko Traoré, critique de la junte, a été arrêté lundi pour "atteinte au crédit de l'État". Oumar Mariko, vétéran de l'opposition, en exil à Paris, raconte sa fuite en mai 2022 pour "échapper à la traque des putschistes" après avoir dénoncé un massacre de civils imputé à l'armée et aux mercenaires russes de Wagner.
"A partir de ce moment-là, je ne suis plus retourné chez moi et suis entré en clandestinité", confie-t-il, fuyant d'abord vers la Côte d'Ivoire avant de rejoindre la France, d'où il organise des réunions en ligne avec ses militants.
Face à l'horizon démocratique bouché, des exilés ont formé samedi un "gouvernement civil de transition symbolique" pour diriger le Mali, appelant à manifester le 7 juin contre la vie chère. Mais seuls les pro-juntes peuvent désormais manifester librement à Bamako, Ouagadougou et Niamey.
"La vie politique s'est repliée sur les réseaux sociaux car il est désormais interdit d'exprimer des opinions contraires", déplore Chékaraou Barou Ange, ex-conseiller du président nigérien déchu, Mohamed Bazoum, détenu avec son épouse.
Un ancien ministre en exil estime que "le changement ne viendra pas des politiques mais de l'armée" face à la répression des juntes. "Il faut attendre que des militaires plus raisonnables viennent mettre un terme à leur pouvoir", espère-t-il, dans une région où la démocratie semble aujourd'hui une chimère.
par Patrick Chamoiseau
IL N'Y A PAS D'ULTRAMARINS, IL N'Y A QUE DES PEUPLES-NATIONS ENCORE SANS ÉTAT
La Kanaky (convulsive sous le mépris, la violence et la mort) offre à la vieille République française une occasion de se moderniser. Sa revendication exige une autre vision du monde. Elle demande un réexamen de ce qui se « crie » tristement « Outre-mer »
La Kanaky (maintenant convulsive sous le mépris, la violence et la mort) offre à la vieille République française une occasion de se moderniser. Sa juste revendication exige une autre vision du monde. Elle demande aussi un réexamen de ce qui se « crie » tristement « Outre-mer ». Cette estampille ténébreuse camoufle ensemble un système et un syndrome.
Système, parce que, depuis des décennies (déjouant les mannes européennes et les paternalistes plans de développement), tous les indicateurs mortifères attestent d'une évidence : ces situations humaines demeurent largement en dessous du niveau de bienêtre humain que l'on pourrait attendre de terres dites « françaises ». Syndrome, parce que dans ces pays-là, les signes pathologiques d'assistanat, de dépendance ou de déresponsabilisation sont les mêmes et sévissent de concert.
La mondialité
Via la Kanaky, ces pays méprisés par la France offrent à la compréhension du monde une réalité encore inaperçue. Celle-ci ne peut se percevoir par l'unique prisme du « colonial », comme le pensent encore les activistes décoloniaux. Le fait (ou mé-fait) colonial n'est qu'une donnée parmi d'autres. Il nous faut sortir de la prégnance occidentale (seule aujourd'hui à raconter le monde), et entreprendre d'inventorier, une à une, toutes les forces visibles et invisibles qui ont œuvré à l'accouchement de notre époque. En attendant, commençons par ouvrir notre focale à la mondialité.
Le poète Édouard Glissant appelait ainsi la résultante d'un tourbillon complexe. On y trouve enchevêtrées, les évolutions impénétrables du Vivant, les emmêlées des peuples, cultures et civilisations, résultant des chocs coloniaux, du broiement des empires, puis du capitalisme protéiforme. Une des résultantes cruciales de ce chaosmos : l'individuation. Cette force a éjecté des millions d'individus des vieux corsets communautaires pour précipiter leurs combats, leurs rêves, leurs idéaux, vers des accomplissements imprévisibles dans la matière du monde. Les individus les plus accomplis (ceux qui, de par leurs divers engagements, habitent sinon des communautés mais des multitudes de « Nous ») forment aujourd'hui une matière noire du monde bien plus décisive que celle des communautés archaïques ou des vieux États-nations. Dès lors, si la mondialisation économique est un standard barbare, la mondialité est une matrice vivante ; un en-commun infra-planétaire où les « Nous » s'entremêlent et relient par des agentivités créatives tout ce qui se trouvait séparé. C'est de cette matrice encore invisible à nos yeux que va surgir, tôt ou tard, un autre monde, encore imprédictible.
La relation
Cette mondialité peut nous aider à comprendre la Kanaky, et à mesurer combien la Constitution française est maintenant obsolète. Surtout inacceptable. Elle verrouille (sous une fiction absurde de « départements », « régions », « collectivités » ou « territoires » d'Outre-mer) des complexités territoriales, historiques et humaines qui lui sont étrangères. Ce ne sont pas des choses « ultramarines ». Ce sont des peuples-nations, encore dépourvus de structures étatiques ! Ils ont surgi d'une alchimie que les anthropologues reconnaissent maintenant comme étant une « créolisation ». Ce terme souligne ce qui se produit quand, de manière immédiate, massive et brutale, des peuples, des civilisations, des individus (mais aussi des interactions amplifiées entre les écosystèmes, biotopes et biocénoses) imposent aux existences une entité globale de référence : celle de Gaïa qu'aimait Bruno Latour, de cette Mère-patrie dont parle Edgar Morin, ou de ce chaosmos poétique que Glissant nomme Tout-monde.
Cet entremêlement inextricable du Vivant et des Hommes se serait inévitablement produit car notre planète est ronde et parce que le vivant est avant tout une mobilité. Prenons, la traite des Africains, l'esclavage de type américain, le système des plantations et des extractions massives. Ajoutons-y, la colonisation, le capitalisme, la prolifération urbaine et les systémies technoscientifiques, on aura alors à peine esquissé le plus visible d'un processus insondable : celui de la Relation. Cette notion du tout relié à tout dans des fluidités inter-rétro-actives constitue le principe actif de la créolisation. C'est d'elle qu'ont surgi ces peuples-nations que la Constitution française ne comprend pas. Elle les verrouille sous un effarouchement « indivisible » et fonde sa cinquième République sur un aussi fictif que monolithique « peuple français ». Elle réduit ainsi à de simples « populations » les entités humaines formidables que son bond colonial et son histoire relationnelle ont rendu solidaires de sa présence au monde.
Peuples ataviques et peuples composites
Mais le plus important, c'est ceci : dans la Relation, dessous le couvercle « Outre-mer », il y a aujourd'hui deux types de peuples : les peuples ataviques et les peuples composites. Les peuples ataviques (mélanésiens de Kanaky ; polynésiens ; mahorais ; peuples originels de Guyane…) disposent d'une antériorité multimillénaire sur l'emprise du mé-fait colonial.
Les peuples composites (Martinique, Guadeloupe, Réunion...) sont des surgissements (des créolités) de la créolisation. Complètement nouveaux, ils sont les derniers peuples de l'aventure humaine à être apparus sur cette terre. Ils n'ont pas d'antériorité qui se perd dans la nuit des temps. Ils sont nés dans le vortex relationnel où se retrouvent les communautés fracassées et les individuations. Ils mélangent presque toutes les présences anthropiques planétaires. La conscience qu'ils ont désormais d'eux-mêmes en fait de véritables nations qui attendent d'être reconnues comme telles — ce que ne nul ne sait faire, à commencer par les politiciens français qui distinguent encore à peine les peuples ataviques et rechignent à comprendre leur revendication d'une existence au monde.
La Martinique, la Guadeloupe ont vécu la « désapparition »2 de leurs peuples ataviques. En Kanaky, le peuple atavique des Kanaks a traversé héroïquement les exterminations. Il constitue une part déterminante du peuplement actuel qui, avec les diverses migrations et le choc colonial, est dorénavant une entité post-atavique. Car le mé-fait colonial et ses fluidités migrantes collatérales ont installé des complexités anthropologiques désormais inextricables. Elles obligent les peuples ataviques à composer avec des implantations nées de la colonisation et des mouvements relationnels du vivant. C'est la beauté de Nelson Mandela d'avoir su admettre la présence blanche dans le devenir de l'Afrique du Sud alors qu'il avait le pouvoir de la frapper. C'est la beauté de Mahmoud Darwich et des grands politiques palestiniens confrontés à l'irréversible implantation des Juifs. C'est surtout la beauté de Jean-Marie Tjibaou d'avoir accepté l'hybridation caldoche alors que cette dernière avait (conserve encore) de son sang sur les mains… L'agentivité de ces hommes ne s'est pas laissée enfermer dans un imaginaire communautaire ancien ou dans les frappes et contres-frappes coloniales : elles les ont dépassés pour deviner la mondialité et pour donner une âme fraternelle à la Relation. Ces hommes ont maintenu ainsi — pour tous, au nom de tous — une espérance.
L'éthique d'un nouveau vivre-ensemble
Dès lors, une éthique de la Relation s'impose. Quand le peuple atavique subsiste dans une sédimentation composite, la bienséance du nouveau vivre-ensemble exige de lui remettre la prééminence sur le devenir de son pays : nul ne saurait démanteler ce qui l'unit à sa terre, laquelle est toujours faite (comme le disait Jean Guiart) du sang noble de ses morts.
Quand le composite est entièrement fondateur d'un nouveau peuple, il faut — non pas ignorer son existence (comme cela se fait actuellement en France pour la Guadeloupe ou pour la Martinique), mais considérer qu'il y a là une entité nouvelle, qui n'est réductible à aucune de ses composantes, qu'elle soit dominée, qu'elle soit dominante, et qui détient une autorité légitime sur le devenir de sa terre.
Le devenir des peuples ataviques est d'être post-atavique, et progressivement composite, dans l'énergie relationnelle du vivant. Celui des peuples d'emblée composites, est d'aller de la manière la plus haute, la plus humaine, la plus poétiquement ouverte et fraternelle, aux fastes de la Relation.
C'est cet imaginaire de la Relation qui nous donnera le goût de la diversité qui est au principe du vivant, d'en percevoir la profonde unité qui n'a rien à voir avec l'Universel occidental, et d'en goûter l'inépuisable diversité dont le trésor est cette insaisissable unité qui ne vit, ne s'accomplit, que dans son évolutive diversité.
Une Kanaky Kanak
Cette éthique oblige donc que le corps électoral de Kanaky n'autorise aux votes déterminants que les Kanaks. Que s'y adjoignent ceux qui, venus d'ailleurs, ont été identifiés par les accords de Nouméa (1988,1998). C'est l'autorité à venir, à prépondérance kanake, qui seule pourra décider des évolutions de son système électoral.
Kanaka signifiait : être humain. Kanak signifie pour nous, pour tous, l'espérance possible d'un nouvel humanisme. Restituée à son imaginaire kanak, la Kanaky disposera de toutes les chances pour trouver un nouvel espace-temps, échapper à la gravité morbide du trou noir capitaliste, réenchanter notre rapport au vivant, et habiter enfin poétiquement la terre selon le vœu de ce cher Hölderlin.
Quant à la modernisation relationnelle de la Constitution française, elle est très simple : il suffit de proclamer une sixième République ; de la rendre capable d'accueillir en pleine autorité tous les peuples-nations (peuples nouveaux de la Relation) qui le voudraient ; d'inaugurer ainsi le pacte républicain ouvert qu'exige la nouvelle réalité (post-coloniale, postcapitaliste, post-occidentale) qu'annonce notre mondialité.
L'exploitation du nickel, le domaine maritime, la biodiversité, l'activité spatiale ou le souci géostratégique doivent désormais s'inscrire dans le respect des peuples concernés. Nous avons rendez-vous là où les océans se rencontrent, disait mystérieusement Glissant. Que disparaisse dans cette rencontre l'Outre-mer de la France !
Patrick Chamoiseau, poète, romancier, essayiste, a construit une œuvre protéiforme couronnée de nombreuses distinctions (Prix Carbet de la Caraïbe, Prix Goncourt, Gallimard,1992, Prix marguerite Yourcenar en 2023…) et traduite dans le monde entier. Son esthétique explore la créolisation et les poétiques relationnelles du monde contemporain. Il est aujourd’hui une des présences littéraires les plus importantes de la Caraïbe.
Ce texte a paru en version réduite dans le Libération du 24 mai.
par Nioxor Tine
DES AUTOROUTES DE LA DÉMOCRATIE ET UN TRAIN EXPRESS DU RENOUVEAU
L’Etat hyper-présidentialiste et directif, en vigueur jusque-là, reposant sur le triptyque : « police politique – justice instrumentalisée – assemblée aux ordres » ne peut servir à construire le nouvel ordre décolonial
Ce serait faire preuve de mauvaise foi, que de tenter de sous-estimer le rôle capital que le Pastef et ses dirigeants ont joué dans l’avènement de ce que beaucoup d’observateurs qualifient volontiers de la révolution du 24 mars 2024, différente, à tous points de vue, de l’alternance survenue, douze ans auparavant, presque jour pour, un certain 25 mars 2012.
Pour ce qui est du président Macky Sall, il s’agissait de la rébellion d’un cadre politique "docile" et loyal, ayant occupé de prestigieuses fonctions étatiques, contre son tout-puissant mentor, Me Wade, désireux de procéder à une dévolution monarchique du pouvoir au profit de son fils biologique. Cela allait, lui ouvrir, accidentellement, la voie à la magistrature suprême, surtout après la dislocation de Benno Siggil Sénégal, regroupant des hommes politiques expérimentés issus de la gauche socio-démocrate et marxiste.
Quant à Ousmane Sonko, son activité politique s’est toujours déroulée sous le sceau de la collégialité, reposant sur un solide socle programmatique, centrée sur la rupture avec l’ordre néocolonial obsolète, ainsi que sur la promotion des valeurs de bonne gouvernance, de justice sociale, de souverainisme et de panafricanisme.
Autant dire, que la démarche politique du Pastef présentait beaucoup de similitudes avec celle des partis de gauche ou nationalistes de la période post-indépendance, je veux parler du PAI historique, du RND, du MSU et d’AND-JEF, ainsi que des nombreuses formations politiques, qui en sont issues. C’est pourquoi, on retrouve dans sa direction des hommes politiques bien connus, qui ont osé tenter l’aventure avec les jeunesses patriotiques.
A contrario, d’autres partis, dont la contribution aux avancées démocratiques de notre pays est remarquable, ont fait montre d’une hostilité incompréhensible à l’endroit du Pastef, qui ne faisait que parachever, à sa manière, le combat, qu’ils avaient entamé, sans pouvoir le terminer, n’ayant peut-être plus la force ou les convictions d’antan. C’est ce qui les a conduits à devenir des défenseurs inconditionnels, voire des flagorneurs zélés du régime de régression démocratique et sociale de Benno Bokk Yakaar, frôlant le despotisme, qu’ils voulaient même pérenniser, en s’alliant avec une personnalité emblématique de cette tristement célèbre bourgeoisie bureaucratique, qui pille notre pays depuis plus de 60 ans.
C’était sous-estimer le niveau de conscience politique du vaillant peuple sénégalais, qui a résolu, de manière magistrale, cette équation politique simple (rupture ou continuité), que plusieurs opérateurs politiques bien ou malintentionnés n’ont eu de cesse de vouloir, complexifier.
Il s’en est donc suivi la victoire éclatante de la « Coalition Diomaye Président » au premier tour, qu’on doit se garder d'assimiler, trop rapidement, à un blanc-seing en faveur du Pastef et ses alliés, mais qui semble plutôt relever d’un ras-le-bol populaire contre le régime de Macky Sall et ceux qui l’ont précédé depuis plus de 60 ans, tous auxiliaires du système néocolonial.
Les masses populaires sénégalaises, à l’instar de celles des pays voisins frères, ont choisi de rompre d’avec la domination impérialiste, mère de la confiscation de nos souverainetés, de la prédation de nos ressources, de l’atteinte à nos droits et libertés et de l’injustice sociale.
Il s’agit, maintenant, pour le camp patriotique, de matérialiser cette profonde aspiration populaire pour un véritable changement, dont le premier chantier doit être celui de la reddition des comptes, qui devra, dorénavant, devenir systématique.
A observer le nouveau régime, qui s’apprête à boucler ses soixante jours et avant la fin de la période de grâce des cent jours, on ne peut manquer de se dire, qu’il est impossible d’accomplir l‘exaltante œuvre de « transformation systémique » sans refondation institutionnelle, c’est-à-dire un démantèlement radical de l’ancienne armature institutionnelle. Il faudra également garantir la préservation pleine et entière des espaces politiques et civiques, c’est-à-dire le respect des droits et libertés des opposants politiques, des travailleurs ou des professionnels de la presse…etc.
Il s’agit, avant tout, de construire des autoroutes de la démocratie et un Train Express du Renouveau, en s’inspirant de l’héritage des Assises nationales.
L’Etat hyper-présidentialiste et directif, en vigueur jusque-là, reposant sur le triptyque : « police politique – justice instrumentalisée – assemblée aux ordres » ne peut servir à construire le nouvel ordre "décolonial", qui ne peut émerger, que sous l’action volontaire et combinée des diverses classes et couches sociales intéressées à son avènement.