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1 mai 2025
UN CLIMAT PARTISAN À ASSAINIR
Avec près de 300 formations, dont beaucoup de "coquilles vides", le paysage politique sénégalais donne à voir une anarchie. Diomaye Faye ouvre la voie à des concertations sur le sujet, à la grande satisfaction des experts et de la société civile
Le nombre exorbitant de formations politiques (près de 300) au Sénégal dont la grande majorité ne concourt jamais à une élection, quelle que soit sa forme, ne cesse de s’imposer comme une tare congénitale du modèle démocratique dans notre pays. D’où la nécessité d’y remédier de manière structurelle, comme l’a annoncé le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, par l’entremise de réformes et de grandes concertations politiques nationales. Une initiative validée par beaucoup d’experts électoraux qui voient comme une sorte de « demande sociale » la nécessité de redimensionner le nombre de partis politiques.
Valdiodio Ndiaye du Gradec, expert électoral
« On avait produit un projet de code des partis politiques avec une projection sur la modernité, la rationalisation, une mise à jour des partis politiques »
« Je pense que ça, c’est un débat qui s’est posé depuis plus de 10 ans au Sénégal. Et je vous rappelle quand 2016, il y a eu des initiatives extrêmement fortes qui ont été prises par la société civile sénégalaise qui avait même convié dans ce cadre-là pratiquement une bonne trentaine d’universitaires. Nous avons planché sur la question de la rationalisation des partis politiques durant au moins trente jours. Sur ce point, on avait produit un projet de code des partis politiques avec une projection sur la modernité, la rationalisation, une mise à jour des partis politiques. Parce qu’au Sénégal, il y a des partis qui ont été créés depuis longtemps et le fondateur est décédé. Et il y a que le récépissé qui est là inutilisable, etc. Dans cette rationalisation, on avait mis en avant un certain nombre de critères notamment la nécessité d’avoir un siège politique, une vision et une orientation politique très claire, une mise à jour des sources de financement, entre autres. Il y a le document qui est là classé dans les tiroirs depuis que ça a été soumis aux autorités. Donc, je crois qu’il faut faire sortir ce document-là, le mettre à jour parce que tout évolue très vite. Vraiment, on a une bonne base de travail sur la question qui a été fait par l’ensemble des acteurs impliqués sur le champ politique et également des universitaires et la société civile ».
Djibril Gningue du Cosce, expert électoral
« Il est essentiel que le nombre des partis soit ramené à un niveau compatible à la modernisation, au renforcement de la gouvernance et de la démocratie »
« Après avoir relevé les importants défis de la construction d’un système électoral répondant aux normes ainsi que de la gestion et de la planification du processus électoral, le Sénégal est depuis quelques années confronté au défi de la transparence et de la rationalisation des opérations électorales. Or les partis politiques auxquels la Constitution assigne l’importante mission de concourir au suffrage universel étant impliqués dans la plupart de ces opérations, il est essentiel que les conditions de leur constitution, de leur existence et de leurs activités soient revues afin que leur nombre soit ramené à un niveau compatible à la modernisation et au renforcement de la gouvernance des partis politiques et de la démocratie ».
Frééeric Kwady k Ndecki, expert électoral
« Il est insoutenable qu’il y ait plus de 300 partis politiques légalement constitués, dans un pays comme le Sénégal qui compte quelque 7 millions d’électeurs ».
« Concernant la rationalisation des partis politiques et leur financement, cette reforme est non seulement pertinente et nécessaire, mais elle répond a une ce que l’on pourrait appeler une demande sociale », en tout cas une revendication portée par beaucoup de citoyens et d’organisations de la société civile et qui a fait l’objet de rencontres et de foras de tous genres depuis 2014 au moins. Je pense que le Président Bassirou Diomaye Faye a bien fait d’inscrire cette question dans ses priorités. A mon avis, il est insoutenable qu’il y ait plus de 300 partis politiques légalement constitués, dans un pays comme le Sénégal, qui compte quelque 7 millions d’électeurs. Même s’il y a débat sur les approches et les méthodes à adopter pour réduire cette pléthore de partis, les Sénégalais dans leur majorité sont d’avis que l’on ne peut laisser perdurer une telle anarchie. Il est grand temps de remettre de l’ordre dans ce domaine ».
LEVER LES ECUEILS JURIDIQUES ET ECONOMIQUES AU DEVELOPPEMENT DU SPORT
Dans le projet décliné par Khady Diène Faye, nouvellement portée à la tête du ministère de la jeunesse, des sports et de la culture, l’adoption du code du sport constitue sans doute un des points majeurs parmi les dix-sept mesures énumérées
Annoncée depuis des années, l’adoption du nouveau code du sport sera l’une des attentes majeures dans la batterie de mesures annoncées par la nouvelle ministre en charge du sport, Khady Diène Gaye. Elle devrait répondre aux préoccupations des acteurs suivant les mutations intervenues dans le domaine du sport. Dans sa déclinaison, ledit code devrait donner au secteur les outils lui permettant d’améliorer le cadre juridique du spot sénégalais et lui assurer les moyens de financer son développement.
Dans le projet décliné par Khady Diène Faye, nouvellement portée à la tête du ministère de la jeunesse, des sports et de la culture, l’adoption du code du sport constitue sans doute un des points majeurs parmi les dix-sept mesures énumérées lors de son installation.
Après la refonte de la loi portant charte du sport qui date de 1984, l’élaboration de nouveaux textes, permettra d’aller vers une meilleure prise en charge des exigences modernes du sport mais aussi l’intégration des nouvelles préoccupations et mutations dans le domaine du sport. Ce, en levant les écueils juridiques et économiques. Comme il a été porté par la quasi-totalité des candidats de la dernière présidentielle, les acteurs du sport accueillent favorablement l’application de ce nouveau code qui devrait donner une nouvelle orientation au sport. si l’on sait que les sportifs s’accordent depuis longtemps que le financement du sport reste une urgence incompressible pouvant assurer la survie du secteur et le mettre sur la rampe de l’émergence.
LE FONDS DE DEVELOPPEMENT DU SPORT, L’INDISPENSABLE OUTIL
Car, en plus de cette vielle doléance visant à porter le budget alloué au sport à plus de 1%, le mouvement sportif attend des nouvelles autorités l’application de ce code qui n’est pourtant pas une nouveauté. Fortement annoncé il y a moins de cinq mois, par le dernier ministre Lat Diop son application n’est toujours pas effectif.
Pour rappel, le débat s’était posé entre le ministère des Sports et le Cnoss sur l’utilité de la mise en place d’un fonds ou d’une fondation pour financer le sport sénégalais. La tutelle était pour un Fonds de développement là où le mouvement olympique jugeait plus intéressant la création d’une fondation, afin d’avoir l’avantage «des dons défiscalisés». Mais, le ministre du sport d’alors Matar Ba avait annoncé l’option de ce Fonds de développement du sport. Un fonds, qui devrait être logé dans un compte, devant permettre au patron du sport sénégalais et son équipe de mieux gérer les compétitions internationales.
Outre l’équipe nationale de foot, ce fonds qui sera mis en place permettra de faciliter la prise en charge les besoins liés aux compétitions internationales. Dans son offre programmatique et les grandes réformes dans le domaine sportif, la coalition Diomaye Président avait fait de la mise en place d’un Fonds national de développement du sport (Fnds) en premier ligne Il est aujourd’hui l’une des mesures centrales de la gouvernance sportive du nouveau gouvernement de Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
«Un fonds national de développement du sport sera créé. Ce fonds sera alimenté par les taxes de droits de télévision, les loteries, les parrainages, les casinos, etc. afin de compléter les limites budgétaires de l'État et de soutenir le développement du sport », promettait le futur chef de l’Etat.
Remis au goût du jour, par la nouvelle patronne du sport, Khady Diéne Gaye, cette disposition majeure de son programme devrait répondre aux attentes de différentes fédérations sportives dont le manque de financement entrave leur épanouissement et les performances nationales et internationales.
Pour une entité comme la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp), la promotion d’un nouveau mode de financement vient en tout cas à son heure et répond aux objectifs de financement de son championnat local par les grandes entreprises nationales et internationales ou encore la commercialisation des droits TV.
Par Ababacar FALL
DIAGNOSTIC DES TEXTES DE LA CENA
Dans le Code électoral du Sénégal, à la section deux, vingt articles sont consacrés à la CENA. Ces articles définissent la création de l’organe de contrôle et de supervision, sa composition, ses missions et ses attributions
Dans le Code électoral du Sénégal, à la section deux, vingt articles sont consacrés à la CENA. Ces articles définissent la création de l’organe de contrôle et de supervision, sa composition, ses missions et ses attributions. Du point de vue des textes, on se rend compte que les recommandations de la commission cellulaire ont été largement prises en compte et la loi électorale confère à la CENA des pouvoirs réels en matière de contrôle et de supervision du processus électoral. Elle est obligatoirement présente du moins théoriquement à tous les niveaux de conception, d’organisation, de prise de décision et d’exécution depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats. (Article L.6 du code électoral).
Mais comme on l’a vu plus haut ceci n’est pas toujours le cas ; la CENA est mise devant le fait accompli ou tenue à l’écart par l’administration dans bien des cas dont nous pouvons citer quelques-uns :
- Processus de passation du marché des cartes nationales biométriques CEDEAO
- Edition des cartes d’électeurs pendant la refonte partielle de 2017
L’article 4 du code électoral attribue à la CENA la personnalité juridique et l’autonomie financière. A ce titre, selon l’article 21, elle élabore son budget en rapport avec les services techniques compétents de l’Etat et l’exécute conformément aux règles de la comptabilité publique.
Les crédits nécessaires au fonctionnement et à l’accomplissement des missions de la CENA et de ses démembrements, font l’objet d’une inscription autonome dans le budget général. Ils sont autorisés dans le cadre de la loi des finances. Les crédits correspondants sont à la disposition de la CENA dès le début de l’année financière. La CENA est dotée d’un ordonnateur de crédit en la personne de son président et d’un comptable public nommé par le Ministre des Finances.
En violation de cette disposition, les crédits alloués à la CENA ont migré vers le budget du Ministère de l’Intérieur
Concernant, la nomination des membres de la CENA, aucune consultation n’est menée avec les institutions, associations ou organismes tel que précisé dans l’article 7. Les nominations et remplacements se font directement par le Président de la République.
Du point de vue des textes, le modèle institutionnel de gestion des élections est globalement bon avec un organe de gestion des élections mixte composé d’un ministère de l’intérieur qui organise les élections s’appuyant sur une administration électorale expérimentée et rompue à la tâche et une Commission Electorale Nationale Autonome avec des pouvoirs réels.
Mais que valent des pouvoirs renforcés et une indépendance vis-à-vis du pouvoir si on décide de ne pas les assumer pleinement ?
Comme on peut le constater, ce qui pose problème, ce n’est pas la CENA en tant que tel, mais ce sont le mode de nomination des membres, et l’exercice intégral des pouvoirs et attributs conférés par la loi. Ainsi des réformes s’imposent-elles après 20 années d’existence dans le contrôle et la supervision du processus électoral. Ceci passe par une évaluation sans complaisance de la CENA tant dans ses missions que dans ses attributs. L’article L.11 du Code électoral consacre dèjà 20 attributs à la CENA.
A notre humble avis, il ne s’agit pas de remplacer la CENA par une CENI dont des exemples foisonnent en termes de d’échec à l’épreuve des élections du fait des blocages et difficultés d’organisation survenues et qui ont conduit dans bien des cas à leur réforme.
Nous pensons que l’administration du fait des expériences capitalisées au fil de longues années de pratique est incontournable dans la réussite des élections au Sénégal pourvu que l’autorité politique en charge des élections soit suffisamment neutre et impartiale ou que la Direction générale des élections soit érigée en Délégation générale avec une autonomie fonctionnelle vis-à-vis du ministère de l’intérieur. Il faut signaler que pour les trois alternances que le Sénégal a connues, nous avons eu à la tête du ministère de l’intérieur des personnalités neutres, Feu Général Lamine CISSE, l’Inspecteur général d’Etat Cheick GUEYE et l’Inspecteur général d’Etat Makhetar CISSE.
La mission exploratoire de l’Union européenne effectué en 2011 en prélude à l’audit du fichier électoral, dans son rapport de synthèse de l’atelier multi-acteurs tenu le 20 mai 2010 au Novotel de Dakar, concernant le cadre légal, a abordé la question relative aux organes de gestion des élections, notamment, le cas de la CENA. Il est rappelé à la page 5 du rapport que la CENA a fait l’objet, au moment de sa création, d’un large consensus, la loi l’ayant créée ayant été adoptée à l’unanimité. Cependant les pouvoirs de la CENA ne se déploient pas, aux yeux de certains, avec toute l’amplitude souhaitable, et les pouvoirs que lui confèrent la loi ne semblent pas « acceptés » ou « intériorisés » par tous les acteurs du processus électoral.
A ce stade, toujours selon le rapport de la mission de l’UE, une proposition a été faite, qui consisterait à une mise à niveau technique de la CENA, un déphasage existant entre les pouvoirs et compétences de l’institution d’une part, et les moyens techniques dont elle est dotée d’autre part ; il est nécessaire que la CENA soit outillée, au plan matériel, pour assumer pleinement des pouvoirs dont elle n’a pas aujourd’hui les moyens.
Enfin dans le rapport final sur l’observation de l’élection présidentielle et des élections législatives de 2012, des recommandations ont été faites concernant la CENA.
Parmi ces recommandations, on peut noter celles-ci :
- Constitutionnaliser la CENA et limiter le pouvoir de nomination discrétionnaire de l’ensemble de ses membres dévolus au Président de la république
- Charger la CENA d’arrêter la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle ;
- Procéder à un renouvellement générationnel progressif des membres de la CENA et de ses démembrements, tenant compte du genre ; - Inclure parmi ses membres un expert ayant un profil de démographe ou de statisticien électoral
Pour ma part, je propose les recommandations suivantes :
• Intégrer les partis politiques dans la CENA suivant un mode de représentation qui tient compte des regroupements de partis en pôle mais sans possibilité de participer aux délibérations, ni aux votes ;
• Nomination de tous les membres statutaires sur la base de propositions émanant des institutions à raison de trois par institution (professions libérales, ordre des avocats, universitaires et administrateurs civils à la retraite, organisations de la société civile) ;
• Porter le mandat des membres à cinq (05) ans renouvelable une seule fois ;
• Renouvellement de moitié des membres à l’expiration du chaque mandat ;
• Confier la gestion du fichier électoral à la CENA ainsi que la production des cartes d’électeurs ainsi que leur distribution sur la base d’un système d’information électronique de l’électeur dès la production de sa carte et revenir à la situation antérieure qui sépare la carte d’identité et la carte d’électeur ou figurera la photo du titulaire.
• Confier le contrôle du parrainage à la CENA ainsi que le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle et leur validation par la Cour constitutionnelle.
Pour sa part, le Ministère de l’Intérieur par le biais de l’administration électorale, s’occupera de l’organisation matérielle des élections avec les tâches suivantes :
• Gestion et production du fichier des cartes nationales d’identité
• Réception des candidatures aux élections législatives et locales
• Impression des bulletins de vote et éclatement du matériel électoral
• Sécurisation des lieux et bureaux de vote
• Ramassage et transmission des procès-verbaux en collaboration avec la CENA
De telles propositions non exhaustives constituent des axes de réflexion qui sont certainement à améliorer afin que nous ayons des élections transparentes, sincères et crédibles car notre système électoral, dans ses fondamentaux, reste l’un des meilleurs en Afrique. Notre principal problème a été et demeure la récurrence des contestations sur le fichier électoral, la suspicion autour de la problématique de la production/distribution des cartes d’électeur, de l’établissement et de la publication de la carte électorale et depuis 2019 les modalités de collecte et de contrôle du parrainage citoyen.
QUATRE HOMMES, UN ETAT, par henriette niang kandé
SENGHOR, LE PÈRE DU PRÉSIDENTIALISME
Tout au long de la vingtaine d’années passée à la tête de l’Etat, le premier président du Sénégal s’est évertué avec « organisation et méthode » à matérialiser sa conception du pouvoir, via une reproduction du modèle constitutionnel français
Le 4 avril dernier, après que le Sénégal a célébré le 64ème anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale, dans une sobriété marquée par la prise de pouvoir du nouveau président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, Sud Quotidien revisite les magistères de ses quatre prédécesseurs. Sous ces différents régimes, la contestation a été permanente du fait de l’hyperprésidentialisme. Si l’ère senghorienne reste dominée par les doutes d’une Nation naissante, elle demeure hésitante à rompre les amarres avec l’ancien colonisateur, la France. Sous le magistère de son successeur Abdou Diouf, la situation sera plus contrastée. Promu à la tête de l’Etat grâce à l’article 35, il avait une marge de deux ans pour mener à terme le dernier mandat de son mentor, Léopold Sédar Senghor.
En 2000, en dépit de l’avènement de la première alternance démocratique et la grande ferveur qui a accompagné l’accession de Abdoulaye Wade à la magistrature suprême, la nature présidentialiste de l’Etat sous Senghor et Diouf ne sera substantiellement pas remise en cause. Avec Macky Sall, président élu en 2012, consacrant ainsi, la deuxième alternance démocratique, la situation va perdurer. Il rendra les clés de la République, deux mandats plus tard, dans le contexte d’un Sénégal divisé entre Républicains et Patriotes.
Dans ce premier jet du dossier « Quatre hommes, un Etat », Henriette Niang Kandé revient à grands traits sur le régime de Léopold Sédar Senghor, premier président de la République. Toujours est-il que tout au long de son histoire, le pays a montré que quand il s’agace, tout comme lorsqu’ il s’ennuie, le Sénégal devient volontiers imprévisible.
Léopold Sédar Senghor : Le père du présidentialisme
Léopold Sédar Senghor ou une gouvernance politique où la pratique présidentialiste du pouvoir n’a cessé de s’imposer, de rentrer dans les usages et de devenir une habitude. Tout au long de la vingtaine d’années passée à la tête de l’Etat, le premier président du Sénégal s’est évertué avec « organisation et méthode » à matérialiser sa conception du pouvoir, via une reproduction du modèle constitutionnel français, doublée de la prépondérance du chef de l’Etat. Ce présidentialisme poussé, au point de personnaliser le parti, le groupe parlementaire, les affaires de l’Etat. Tout se passait au Palais de la République. Cette forme de gouvernance politique s’accentuera au cours de l’histoire politique du Sénégal post-indépendant malgré l’avènement du multipartisme encadré.
Plus d’une vingtaine d’années après l’enterrement à Dakar du premier président de la République et plus de quarante ans après l’annonce de sa démission, le dernier jour de l’an 1980, voilà que Léopold Sédar Senghor, qui avait déjà huit ans lorsqu’éclatait la Première Guerre Mondiale, n’est plus un référent. La vente aux enchères de ses biens à Verson où il a vécu pendant vingt ans, jusqu’à sa mort en 2001 (suspendue in extremis pour permettre des négociations directes avec le Sénégal qui souhaite les acquérir, subitement réveillé d’une inertie coupable) et l’appel à sécuriser sa bibliothèque par l’Etat en sont une parfaite illustration. S’il est une ombre, une énigme pour la génération des jeunes Sénégalais, il est encore moins une référence dans l’histoire politique officielle, lui, le concepteur de la théorie du «socialisme africain». Aux grandes heures de son histoire, et de la nôtre, il a su maîtriser son « timing ». C’est en s’opposant à lui et à l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS) devenue plus tard Parti Socialiste (PS), qu’un grand nombre de concitoyens ont fait clandestinement, leurs premiers pas en politique – même si la dissension était tolérée - jusqu’en mai 1974, date à laquelle Senghor instaure le multipartisme limité à quatre courants. Ils accusaient le chef de l’Etat d’alors d’être « le valet de l’impérialisme français » et n’hésitaient pas à lui rappeler, chaque fois qu’ils en avaient l’occasion, qu’il avait servi la France, appelé par Georges Pompidou, son condisciple au lycée Louis-Le- Grand. Ils ne s’arrêtaient pas là, dénonçant « l’idéologie de la Négritude servante de la Francophonie » (titre d’un ouvrage de Pathé Diagne), dont Senghor fut, avec Hamani Diori du Niger et Habib Bourguiba de Tunisie, l’un des promoteurs. Au passage, ses opposants se gaussaient du « rebelle » dont il se qualifiait lui-même dans ses poésies des années 30, qui promettait de « déchirer le rire Banania sur tous les murs de France », fort distinct de celui qui finira parmi les Immortels du Quai Conti, à l’Académie Française.
Entre ces deux bornes temporelles, il dit une prière : « Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par des sentiers obliques (Hosties noires- Prières de paix1948) », dénonçant le contraste entre la France idéale des arts, de la philosophie, et de la littérature (la voie droite) et la France historique de la brutalité coloniale, du racisme et de la xénophobie (les sentiers obliques). N’y a-t-il pas un sens du drame dans la poésie ? Ce que Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice sous François Mitterrand a dit avec d’autres mots lors d’une conférence : « Lorsque la France se targue d’être la patrie des Droits de l’Homme, c’est une figure de style. Elle est la patrie de la Déclaration des Droits de l’Homme ».
La personnalité du francophile Senghor qui n’a pas su rompre les amarres avec l’ancienne puissance coloniale, est sans doute pour quelque chose dans cet attrait qui se traduit en 1960, sur le plan institutionnel, par une reproduction du modèle constitutionnel français. Il faut aussi, à la vérité de dire que tous les Etats de l’empire français qui venaient d’être indépendants, ont eu du mal à se départir du modèle d’organisation légué par le colon.
Le problème constitutionnel de Senghor fut celui de l’aménagement du pouvoir au sommet de l’Etat. Très vite, l’exercice du pouvoir révèle la difficulté d’avoir un Exécutif à deux têtes avec un président de la République et un président du Conseil, c’està-dire l’équivalent d’un chef de gouvernement, comme la France en a connu lors des 3ème et 4ème Républiques. La crise de décembre 1962 achève de prouver la difficulté d’avoir un tel binôme, du point de vue de leurs personnalités respectives. Dans la Constitution de 1959, (tout part de là), le président de la République n’exerce qu’une magistrature d’influence et laisse le président du Conseil administrer et diriger le Conseil des ministres et définir la politique de la République du Sénégal. Il s’agit là, d’un modèle inspiré de la France dont le président, avant la venue du Général Charles de Gaulle et la naissance de la Vème République, détient un pouvoir très limité. La formule consacrée a été prononcée par de Gaulle lui-même : « Qui n’a jamais cru, que le Général de Gaulle ayant été appelé à la barre, devrait se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes»! La Constitution de 1963 dérive directement de la crise de décembre 1962. Senghor sort « victorieux » du conflit qui l’oppose au président du Conseil, Mamadou Dia. Elle traduit en termes constitutionnels, la nouvelle prépondérance du chef de l’Etat. Le poste de Président du Conseil est supprimé, les ministres et secrétaires d’Etat rendent compte directement au président de la République qui peut les démettre. Mieux, ils ne sont responsables que devant lui et non devant l’Assemblée nationale.
Le Sénégal rompt ainsi donc avec sa tradition parlementaire. Au-delà du nouveau montage constitutionnel, c’est la conception senghorienne du pouvoir politique qui se trouve mise en exergue. Celui-ci, au moins, ne se partage plus. Il est désormais nécessaire que dans l’Etat, le pouvoir soit clairement identifié. La bonne marche de l’Etat requiert que soit effacé tout schéma de type dyarchique. Celui qui plaçait la culture au-dessus de toute forme d’activité, se dévoile alors en Senghor politique. « Le politique », c’est-à-dire l’adepte de la realpolitik, l’homme averti des rapports de force et sachant jouer de ceux-ci . La prépondérance du chef de l’Etat est confirmée par la première révision de la Constitution de 1963.
Présidentialisme
Par la loi constitutionnelle du 20 juin 1967, le président de la République se voit reconnaître le droit de dissoudre l’Assemblée nationale, alors que le type de régime adopté selon la Constitution de 1963, n’admet pas une telle prérogative. C’est ainsi que démarre le présidentialisme qui s’est accentué au cours de l’histoire politique du Sénégal. Depuis lors, nous n’avons cessé de nous habituer à une croissante anormalité : la prépondérance croissante de l’institution présidentielle sur l’institution parlementaire. En effet, le droit de dissolution est en principe la contrepartie du droit, pour les députés, de renverser le gouvernement. La troisième révision de la Constitution, celle du 2 février 1967, traduit encore l’obsession senghorienne de l’aménagement du pouvoir au sommet de l’Etat. On a peine à croire que les députés sont les premiers élus de la Nation, chargés de faire la loi et de contrôler son exécution, d’élaborer et de voter les règles et objectifs que le pays se fixe, tout en surveillant leur mise en œuvre par le gouvernement. Senghor aimait plus que tout, les tournées économiques et en profitait pour procéder à des remises de dettes en faveur des paysans, à qui il avait promis d’acheter leur production d’arachide à «barigo junni» (5000 francs la tonne). Mais après que les paysans refusent de s’acquitter de leur impôt suite à une période de sécheresse et face aux abus de l’Oncad, (organisme d’encadrement rural), il n’hésite pas à les faire saupoudrer de pesticides. On peut inscrire à son tableau le fait de tout vouloir faire encadrer par l’Etat qu’il voulait pionnier et promoteur d’une politique agricole dont il n’a pu empêcher le naufrage.
En 1968, la situation se dégrade dans le monde rural, suite à une série de périodes de sécheresse, la chute du prix des matières premières, la stagnation des surfaces cultivées. La production agricole fortement perturbée se répercute sur les conditions de vie paysanne. La migration vers les centres urbains commence. Le phénomène est qualifié d’exode rural. Entre 1968 et 1974, le Sénégal bouillonne de revendications et de contestations de toutes sortes. Les grèves des employés de banques, de la Poste, de l’ONCAD, ponctuent la vie politique et syndicale. Senghor réorganise l’Etat tout en élaborant une règlementation destinée à freiner le mouvement revendicatif à l’Université. La foudre s’abat sur des étudiants grévistes : « la quinzaine d’étudiants qui, violant la loi, pris en flagrant délit de s’opposer à la liberté des cours, ont été déférés à la justice. On leur fera faire leur service militaire. Ils rejoindront ainsi, parmi d’autres, deux anciens élèves de l’Ecole de santé militaire qui avaient fait la grève. D’autres étudiants, moins coupables, mais coupables tout de même de s’opposer à la liberté des cours, seront exclus des établissements d’enseignement supérieur et d’abord de l’Université. Des élèves des enseignements moyen et secondaire convaincus des mêmes fautes, subiront le même sort que ces étudiants. Ils seront renvoyés des écoles publiques : collèges et lycées ». Quelques autres sont mis en résidence surveillée par un éloignement du centre du mouvement revendicatif. Pour ce faire, ils sont envoyés dans des environnements climatiques sévères.
Le poète n’a pas hésité à opérer le bannissement d’adolescents ou de jeunes adultes pétris d’idéaux, rendus cauchemardesques par une répression du mouvement social en 1968 et 1969, puis en 1971 et 1973. A l’Université de Dakar, le déni de promotion était une arme privilégiée. Sans parler des bourses refusées, des thèses rejetées et des mentions niées, à tout le moins, délibérément ignorées.
L’emprisonnement systématique a été appliqué aux hommes politiques : Mamadou Dia et ses compagnons, des cadres du Parti Africain de l’Indépendance…. De Senghor, l’histoire politique n’effacera pas le peloton d’exécution pour Abdou Ndaffé Faye, accusé d’avoir tué le député Demba Diop et Moustapha Lo, qui avait été incriminé de tentative d’assassinat sur la personne du président de la République. Justice sévère, comme il en a été convenu dans le discours officiel pour justifier le verdict de 1962 contre Mamadou Dia et ses compagnons.
Cependant, il faut mettre à son crédit, dans son comportement, cette fixation sur l’«organisation et la méthode » sans qui, rien de grand ne se réalise. C’est ainsi qu’il fit adopter la loi sur le Domaine national (1964) et le Code de la Famille (1972). Ce code, (qui pourrait faire l’objet d’un dossier spécial), avait vu ses travaux lancés dès 1961 avec la création d’une Commission de «Codification du droit des personnes et du droit des obligations». L’exploitation des questionnaires avait recensé 79 coutumes et autant de droits. En 1965, un comité des «options», composé de 32 membres est créé pour inventorier les informations récoltées et ses conclusions ont permis de nourrir les réflexions du «Comité de rédaction du Code de la Famille» désigné par arrêté en juillet 1966. Après examen de la Cour suprême (juillet 1967), le projet a été soumis et adopté par l’Assemblée nationale en mai 1972.
Derrière l’apparence des discours et des réformes, la pratique présidentialiste du pouvoir n’a cessé de s’imposer, de rentrer dans les usages et de devenir une habitude. Du passage de Senghor, il est juste de noter son œuvre (qu’on oublie bien trop souvent), en faveur de la promotion des langues nationales, en permettant la codification et l’enseignement de six d’entre elles (wolof, sereer, pulaar, joola, manding et soninké), bien que leur intégration dans le système éducatif scolaire n’a pas été effective. L’agrégé de grammaire française qu’il était n’a pas hésité à utiliser l’orthographe wolof, pour régler ses divergences politiques avec ses opposants, avec «organisation et méthode». C’est ainsi qu’il contraint Cheikh Anta Diop à changer le titre du journal de son parti, le Rassemblement National Démocratique, «Siggi» (relever la tête) parce qu’il trouvait dans l’orthographe, un «g» de trop. Le journal prit alors le titre de «Taxaw» (debout) qui avait fait l’objet, dans la chute bien à propos d’un éditorial de l’époque : «Ñulaay tere siggi nga taxaw nak faf» (On t’interdit de lever la tête et tu te relèves). Il en a été de même avec le cinéaste Ousmane Sembène, très critique de la bourgeoisie compradore et bureaucratique qui n’a pu projeter son film «Ceddo», qu’une fois Senghor parti vivre en Normandie. Le motif est que ce dernier lui voulait faire immoler un «d», que Sembène refusa.
De ce catholique si cher au second khalife des Mourides, Serigne Mouhamadou Falilou Mbacké et à Seydou Nourou Tall, il est juste de retenir l’ouverture pluraliste, cette particularité longtemps sénégalaise, en un temps où le monopartisme était la règle sur la quasitotalité du continent africain. Il autorise Abdoulaye Wade, l’ancien militant de l’UPS, après un dîner à Mogadiscio, en marge d’un sommet de la défunte Organisation de l’Unité Africaine (OUA), à créer le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) comme parti dit, de «contribution», non sans l’affubler du sobriquet - «N’Diombor le lièvre» - qui, pendant longtemps, fit prendre pour un tacticien habile, et même redoutable, celui qui allait incarner la première alternance politique du Sénégal en 2000. Il a été également le premier président d’une République de l’Afrique de l’Ouest à avoir fait élire une femme, madame Caroline Diop, député et ministre d’un gouvernement
Quid de ses rapports avec la presse ? «Profitant» de cette période où les partis politiques étaient interdits, ce qui ne les empêchaient nullement de publier clandestinement et que les libertés étaient particulièrement surveillées, seuls «Promotion» et «le Politicien» (premier hebdomadaire satirique africain), incarnaient la presse indépendante de l’époque, dont il n’a pas hésité à envoyer leurs promoteurs en prison, à un moment ou à un autre. Si la presse étrangère a eu ses faveurs, Senghor ne s’adressait à ses compatriotes qu’à travers des allocutions radiophoniques d’abord, puis télévisées plus tard quand la télévision est entrée dans les ménages. En 1979, le Code de la Presse est adopté, véritable corset couplé avec des dispositions du code pénal.
Déconcentration
Fatigué d’être le centre de la vie politique, lassé d’une prépondérance qui pourrait très vite «dévaloriser» la fonction présidentielle en la «banalisant», car le président est bien obligé de se mêler de tout, Senghor rétablit le poste de Premier ministre, en 1970. Mais la fonction n’a plus rien à voir avec celle du Président du Conseil de 1962. Le Premier ministre est sous la dépendance étroite du Président de la République, lequel détermine la politique de la Nation et peut, quand il veut, le révoquer. C’est ce que l’on a appelé, l’ère des « Premiers ministres de la déconcentration ». La création de la fonction ne doit pas, non plus, faire illusion. Il n’y a aucune volonté de changer la substance du régime, il n’est pas question de retourner au régime parlementaire, qui est celui dans lequel, l’institution primo ministérielle a un sens. Il s’agit simplement de trouver au Président Senghor un «collaborateur», dont la « loyauté » sera, on le devine bien après les événements de 1962, une qualité essentielle.
L’homme qui est choisi pour occuper le poste est conforme aux arrière-pensées du président : administrateur effacé, ancien secrétaire général de la présidence, n’ayant a priori nulle ambition politique, Abdou Diouf paraît bien faire l’affaire. Sa longévité à ce poste en atteste : il l’a occupé sans discontinuer de 1970 à 1981.
Cependant, tout au long de cette dizaine d’années, le rôle du Premier ministre est de plus en plus pâle. Celui du président de la République se dilate, se répand et s’épanouit. Les calendriers électoraux, plaçant les législatives après la présidentielle, ont potentiellement affermi cette évolution, en l’identification des majorités parlementaires à une majorité présidentielle compacte et obéissante. Le pouvoir n’est plus en rien réparti : le parti, la coalition, le groupe parlementaire, les affaires de l’Etat. Tout se passe au Palais de la République.
La révision constitutionnelle du 28 décembre 1978 qui consacre le multipartisme, est resté limité, le Président voyant dans un pluralisme sans borne un «péril mortel» pour une jeune démocratie. Le rapport que le président Senghor a entretenu avec les institutions constitutionnelles est ambivalent. Il a utilisé la Loi fondamentale comme instrument de consécration de rapports de forces politiques, et s’est appuyé dans le même temps, sur son pouvoir de susciter des réformes pour ouvrir des voies assurément «progressistes», pour figer dans le marbre de la loi, des audaces salutaires.
Son souci de la Constitution doit toutefois être relativisé par la particularité de son époque, époque placide, qui ne baigna pas à vrai dire, dans une ambiance de débats et de contradictions. Dans un style proconsulaire, il fit modifier un article, pour propulser son Premier ministre Abdou Diouf, à la tête de l’Etat. C’est ainsi que le cycle politique du premier président du Sénégal entamé plus d’une vingtaine années avant l’indépendance, est arrivé à son terme.
Dans le discours senghorien qui s’appuie sur la Négritude, le socialisme africain, la Francophonie, des historiens font remarquer une faiblesse par rapport à la «tradition» et au folklore historique : «tout en réarrangeant la tradition, il s’en écartait de manière souveraine et dédaigneuse». C’est ainsi qu’il est resté «le griot de son projet culturel», laissant les intellectuels investir l’espace public. En dehors des reportages lors de la fête du 4 avril, des commentaires de combats de lutte ou de courses hippiques, les griots contaient dans leurs émissions radiophoniques, le passé du pays, sans une instrumentalisation de l’histoire au service du politique.
Au moment de l’indépendance, le souci était de consolider la Nation. Des émissions culturelles et historiques, animées par des griots ont contribué à cela. Après la crise de 1962, leurfonctionnarisation a été effective. Pour diffuser sa propagande lors des crises de 1962 et de mai 1968, Senghor s’attache les services de El Hadj Ousseynou Seck, chroniqueur « politique », à Radio Sénégal, qui ripostait aux étudiants et même à Sékou Touré, dans la crise entre le Sénégal et la Guinée. Il n’est cependant pas superflu de noter que Yandé Codou Sène, griotte attitrée a servi elle, à établir une filiation de Guélewar à Senghor.
Obsèques
A son enterrement à Dakar, le 29 décembre 2001, la France n’est représentée « que » par le président de son Assemblée nationale, Monsieur Raymond Forni et parle ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie. Ni Jacques Chirac, alors président de la République française, ni Lionel Jospin, son Premier ministre de la cohabitation n’ont fait le déplacement. Ami et défenseur indéfectible de la France, celle-ci s’est montrée ingrate en l’ignorant superbement dans le froid de son cercueil. D’aucuns pensent que Jacques Chirac, héritier de Charles de Gaulle lui avait fait payer son absence aux obsèques de ce dernier en 1970. Ignorait-il que Senghor avait à l’époque, dit-on, écrit une lettre adressée à Madame de Gaulle dans laquelle il donnait la raison de son absence : le Général voulait des funérailles familiales et intimes.
En 2006, est organisé sous les dorures de l’Assemblée nationale française un colloque traitant de : «Léopold Sédar Senghor : la pensée et l’action politique». Parmi les nombreux textes publiés qui étaient les communications des intervenants, un témoignage a un goût particulièrement savoureux. C’est celui d’une ancienne fonctionnaire de l’administration française à Dakar, Madame Mauricette Landeroin qui avait fait la connaissance de Senghor à Tours, en 1936 quand ce dernier y enseignait. Dans un registre intimiste, elle présenta lors de ce colloque, des lettres qu’il lui avait adressées, dans lesquelles il lui déclarait sa flamme et disait même son intention de l’épouser. Voilà ce qu’en dit Madame Landeroin : «Les sentiments exprimés dans ces quelques lettres avec tant de délicatesse témoignent, je crois, de l'intérêt que me portait le professeur Senghor. Lors de réceptions auxquelles il était convié par la bourgeoisie tourangelle, il confiait : «Je voudrais épouser une jeune fille qui ait le baccalauréat comme minimum d'instruction, qui soit de la bourgeoisie, et qui soit dotée». Il faut croire que je répondais à ces trois critères, puisqu'à deux reprises il m'a demandée en mariage ! En vain ! A l'époque, j'étais amoureuse d'un Russe aux yeux bleus que je rencontrais chez mes correspondants. On dit que les contraires s'attirent. Durant ma carrière en Afrique, il m'a été donné de rencontrer le président Senghor au cours des diverses conférences qui réunissaient les chefs d'Etat. A l'occasion de l'une d'elles, il m'a dit : «Mauricette, dans ma vie, j'ai eu tous les honneurs que l'on peut souhaiter, mais vous êtes, vous, l'échec de ma vie !»
SONKO I ENTRE EN ACTION
Au travail ! Après le Conseil des ministres dit de prise de contact du 9 avril dernier, le président de la République et son gouvernement vont se retrouver, ce matin, pour rentrer dans le vif du projet «pour un Sénégal souverain, juste et prospère»
Après 72 heures d’attente qui ont débouché sur la formation d’un gouvernement de 25 membres et 5 secrétaires d’Etat, Sonko I du nom de l’attelage gouvernemental mis sur pied sous le pilotage de Ousmane Sonko va entrer dans le vif du sujet à l’issue du Conseil des ministres prévu, ce mercredi, à la salle des Banquets du Palais de la République. Entre formations des cabinets et autres promotions dans les différentes directions nationales, les choses devraient s’accélérer pour la matérialisation du projet du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye intitulé «Pour un Sénégal souverain, juste et prospère»
Au travail ! Après le Conseil des ministres dit de prise de contact qui s’est déroulé le 9 avril dernier, le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, et les membres du gouvernement vont se retrouver, ce matin, à la salle des Banquets du Palais de la République pour rentrer dans le vif du projet «pour un Sénégal souverain, juste et prospère» que le candidat à la présidentielle avait annoncé aux Sénégalais.
Déjà imprégnés des dossiers lors des passations de service qui se sont déroulées toute la semaine dernière, les membres de Sonko I devraient former leur cabinet et entamer le travail. L’urgence est sans nul doute le coût élevé de la vie. La simple rumeur de la diminution de la baguette de pain, la semaine dernière, devenue virale dans les réseaux témoigne des difficultés auxquelles les Sénégalais sont confrontés.
Tenaillés entre la dépense quotidienne que plusieurs chefs de famille n’arrivent plus à assurer et le coût exorbitant du loyer, ils sont nombreux à croire que le projet du Pastef devrait sortir le Sénégal de l’ornière. C’est dire que le régime de Bassirou Diomaye Faye n’aura pas d’état de grâce, encore moins de répit. Il doit aller vite et bien, fixer le cap et dérouler son programme. D’où l’importance de la réunion de ce mercredi qui doit matérialiser la vision qui prône, selon lui, «la nécessité de trouver de nouvelles voies de développement économique et social du Sénégal» en se fondant sur les valeurs que sont : le patriotisme, le travail, l’éthique et la fraternité. Tout un programme qui entend trancher d’avec le Plan Sénégal Emergeant (PSE) qui aurait surendetté le pays.
Pour rappel, le projet de Diomaye-Président s’articule autour de cinq axes englobant quinze orientations. Dans le premier axe qui s’occupe du renouveau institutionnel et d’un engagement africain, il propose des réformes majeures partant de l’instauration d’un «pouvoir exécutif responsable et la réduction des prérogatives proéminentes du président de la République».
Deuxièmement, l’inauguration du poste de vice-président qui sera élu en tandem avec le président de la République et la suppression du poste de Premier ministre. Un point qui est relégué à une date ultérieure voire à la prochaine Présidentielle puisque Ousmane Sonko est déjà nommé Chef du gouvernement.
Le président Diomaye Faye a aussi promis d’engager «une véritable intégration sous régionale et africaine». D’où certainement le nouvel intitulé du département de Yacine Fall qui relègue les Affaires étrangères à la deuxième place avec une «initiative de réforme de la Cédéao à travers le renforcement du Parlement de la communauté de la Cour de justice de la Communauté et une atténuation de la prépondérance de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement». Sans occulter la séparation de l’exécutif du pouvoir judiciaire, dans la réforme de la justice, la reddition des comptes sans verser dans la chasse aux sorcières. Last but not least, l’objectif est de doter le Sénégal d’une économie performante et résiliente sous-tendue par une gestion transparente des finances publiques en s’appuyant sur «un modèle économique endogène d’industrialisation par substitutions aux importations», comme le nouveau président l’a soutenu dans son programme.
DIOMAYE À L’EPREUVE DU GAZ ET DES LICENCES DE PECHE
Le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est attendu, selon certaines informations, ce mercredi 17 avril ou demain, jeudi, à Nouakchott, pour y rencontrer son homologue mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani
Le nouveau président de la République va effectuer son premier déplacement hors du Sénégal. Bassirou Diomaye Diakhar Faye se rendra aujourd’hui ou demain, sauf tsunami, en Mauritanie pour s’entretenir avec son homologue, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani. Leurs échanges pourraient graviter autour de l’exploitation prochaine du gaz dans le cadre du projet Grand-Tortue Ahmeyim et l’économie notamment sur l’octroi des licences de pêche.
Le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est attendu, selon certaines informations, ce mercredi 17 avril ou demain, jeudi, à Nouakchott, pour y rencontrer son homologue mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani. Ce dernier a assisté à la cérémonie d’investiture du successeur de Macky Sall, le 2 avril dernier. Cette première visite officielle hors du pays, depuis sa prise de fonction, sera certainement consacrée, entre autres, aux relations commerciales entre les deux pays avec l’Accord de Coopération Intergouvernementale sur la gestion du complexe gazier Grand-Tortue Ahmeyim (GTA).
Le 27 avril 2015, le gisement de gaz Grand Tortue Ahmeyim a été découvert dans le bloc 8 du bassin côtier, à la frontière entre les deux pays, par la société Kosmos Energy. Sa réserve potentielle est de l’ordre de 100 TCF ; ce qui est énorme. Il sera développé de manière séquentielle, en trois phases, avec un budget de développement d’environ 24 milliards de dollars américains, pour produire 10 millions de tonnes par an (MTPA). Le revenu estimé pendant la durée d’exploitation (20 ans) est de l’ordre de 90 milliards de dollars.
Les échanges entre les deux Chefs d’Etat pourraient également graviter autour de l’économie, avec notamment l’octroi des licences de pêche. Pour rappel, la Mauritanie a récemment accordé 500 licences aux pêcheurs sénégalais destinées aux pêcheurs de la langue de Barbarie, à Saint-Louis. Ces licences de pêches correspondent à 50.000 tonnes d’espèces pélagiques dont les 6% seront vendus sur le marché mauritanien, au profit des pêcheurs de Saint-Louis. Ces derniers faisaient, depuis des années, face à des arrestations des garde-côtes mauritaniennes qui leur reprochaient de pêcher dans leurs eaux, sans autorisation préalable.
En effet, cette visite de Bassirou Diomaye Diakhar Faye souligne l’importance du lien séculaire d’amitié et de coopération entre les deux nations. Au mois de janvier dernier, l’ex-président de la République, Macky Sall, avait effectué une visite d’amitié et de travail de deux jours en Mauritanie. Au cœur des discussions avec Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, il y avait la coopération bilatérale surtout dans le cadre des projets avancés tels que le partage du champ gazier et le pont de Rosso qui permettra de fluidifier la circulation des personnes et des marchandises. La Mauritanie et le Sénégal sont aussi liés par les infrastructures énergétiques de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Il faut dire qu’en plus des accords de pêche, d’énergie verte, les deux pays coopèrent aussi en matière de lutte contre le djihadisme.
Par Kaccoor Bi
CRIMES ET CHÂTIMENTS
Personne ne permettra au président Diomaye Faye d’avaliser ces décrets pris furtivement par son prédécesseur quelques jours, voire quelques heures, avant de lui transmettre le pouvoir. Oui pour une réconciliation, mais pas de « Massla ».
Bon, il faut le dire sans préjugé. Macky n’est pas Senghor. Il n’est pas non plus Diouf ni Wade. Les deux derniers s’étaient effacés après avoir quitté le pouvoir pour ne parler du Sénégal qu’à demi-mots même si le Père Wade ne se gênait pas à se lâcher obligés qu’il était de se faire entendre pour que son fils soit libéré.
Malgré tout, on peut reconnaitre à ces trois derniers présidents leur élégance proverbiale quand ils ont quitté le pouvoir. Ils n’ont jamais cherché à gêner leurs successeurs ce qui a fait d’ailleurs que, durant les premiers mois ayant suivi leur départ, ils choisissaient de s’établir à l’étranger le temps que ceux qui les ont remplacés prennent leurs marques.
Pour ce qui le concerne, même s’il ne le dit pas, on peut supposer que l’ex-Chef n’en a pas fini avec le pouvoir. Pour le moment, il est dans une surmédiatisation de ses nouvelles fonctions d’Envoyé spécial de Macron pour le Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète. Les esprits grincheux diront qu’il est en quelque sorte le garçon de courses de celui à qui il n’a jamais rien refusé. C’est-à-dire le président français Emmanuel Macron. Moins de deux semaines après son départ du pouvoir, il donne l’impression de ne pas vouloir se faire enterrer. Un tweet pour annoncer sa rencontre avec le Secrétaire général de l’Onu dans ses nouvelles fonctions et une vidéo où on le voit dans les rues de New–York bien escorté par des body-guards.
Mais au fait, a-t-il croisé dans les couloirs du Building de verre de Manhattan son ex-Première ministre Mimi Touré qui s’y trouve en ce moment même pour y assister à une conférence de 17 éminentes personnalités ? Pendant ce temps, au pays, on parle de ses derniers actes posés et qui relèvent du registre des dérapages. Pour ne pas dire de la goujaterie. On pourrait penser qu’il a passé ses dernières heures au Palais de l’avenue Baay Seng à signer des décrets pour octroyer des privilèges à ses proches !
En effet, à chaque jour ses révélations scandaleuses comme ce décret signé pour faire bénéficier à d’anciens ministres, secrétaires d’Etat, à leurs épouses et rejetons des passeports diplomatiques. Pour qui connait le nombre exponentiel de cette cour des miracles, on pourrait bien comprendre la démesure de ces décrets. Or, dans la tradition républicaine, ces documents de voyage que sont les passeports diplomatiques sont liés à la fonction et doivent être rendus dès la cessation de celle-ci. Cela a toujours fonctionné ainsi à travers le monde entier et aussi naturellement au Sénégal.
Pendant qu’il y est pourquoi donc le généreux Chef n’avait-il pas aussi signé un décret pour octroyer aux mêmes bienheureux leurs résidences et véhicules de fonction ?
Faut-il alors fermer les yeux sur tout cela ?
Se taire et passer par pertes et profits les rapines de la camarilla qui a été au pouvoir pendant ces douze dernières années ?
Bien évidemment c’est inacceptable et il est hors de question d’accepter ce décret avalisant la rapine du Chef. Depuis quelques temps, on attend à tout-va le mot réconciliation. Oui pour la paix des cœurs.
Mais il faudra encore une fois une véritable rupture. Pas de chasse aux sorcières mais que tous ceux qui ont eu à gérer les deniers publics et sur qui planent ou pèsent des soupçons d’enrichissement illicite ou de mauvaise gestion rendent compte de leur gestion.
Personne ne permettra au président Diomaye Faye d’avaliser ces décrets pris furtivement par son prédécesseur quelques jours, voire quelques heures, avant de lui transmettre le pouvoir. Oui pour une réconciliation, mais pas de « Massla ».
Il serait incompréhensible que de petits voleurs soient en prison pendant que des caïds de notre économie ou des coupables d’assassinats circulent librement. Tout simplement parce qu’ils sont des acteurs de la politique ou protégés par des politiques. Que la reddition des comptes se fasse sans parti pris. Avec rigueur et sans faiblesse.
Les Sénégalais, avec Kaccoor Bi au premier rang, demeurent vigilants et attendent du président Bassirou Diomaye Faye des actes forts. Il ne faudrait surtout pas qu’on les pousse à reprendre le maquis contre les voleurs du « Mackyland » !