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10 août 2025
L'HISTOIRE AFRICAINE REPREND SES DROITS
"Pourquoi apprend-on si peu l'histoire du Sénégal alors qu'on sait tout de celle de l'Europe ?" La question de lycéens sénégalais résume un mouvement continental : le processus de décolonisation des manuels scolaires
(SenePlus) - La question revient chaque année dans la classe de Mamadou Souleymane Sy, enseignant d'histoire-géographie au lycée de Kassack, à Saint-Louis : "Monsieur, pourquoi apprend-on si peu l'histoire du Sénégal alors qu'on sait tout de celle de l'Europe ?", l'interpellent ses élèves, selon Le Monde. Une interrogation qui cristallise un mouvement continental en faveur de la réécriture des programmes d'histoire africains.
"Pourquoi demander à des élèves de maîtriser l'histoire de territoires étrangers quand ils ne maîtrisent pas la leur ?", s'interroge M. Sy, pointant du doigt un déséquilibre flagrant dans les cursus scolaires africains. Au collège, explique-t-il, "on leur parle des civilisations d'Égypte, de Nubie, de la traite négrière, des guerres mondiales… Mais on insiste si peu sur l'histoire des royaumes issus de notre passé !"
Depuis l'arrivée au pouvoir du tandem Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko en avril 2024, le Sénégal a fait de la question mémorielle un marqueur emblématique de sa politique, rapporte le quotidien français. Après avoir sanctuarisé le 1er décembre comme jour de commémoration du massacre de Thiaroye perpétré en 1944, le gouvernement sénégalais affiche sa volonté de mettre les contenus des programmes d'histoire "en adéquation avec les valeurs historiques et culturelles de la nation".
Cette réorientation s'appuierait sur le projet colossal d'Histoire générale du Sénégal (HGS), initié en 2014 sous l'égide de l'historien Iba Der Thiam. "Nous avançons vers un programme qui embrasse toute l'histoire du Sénégal, replacée dans le contexte ouest-africain", explique Mamadou Fall, coordinateur du projet HGS, cité par Le Monde. "C'est une nécessité car notre histoire reste captive, toujours prompte à se poser en réaction à un défi venant de l'extérieur, que ce soit les invasions almoravide au XIe siècle, almohade au XIIe ou européenne au XVe", poursuit-il.
Le mouvement dépasse les frontières sénégalaises. Au Niger, les autorités militaires ont chargé en novembre 2024 un comité de chercheurs de "décoloniser le récit national". "Depuis 1968, les enseignements ont peu évolué. Ils font la part belle aux conflits mondiaux, aux grandes puissances, tout en minimisant la contribution de l'Afrique ou notre propre passé", déplore l'historien Souleymane Ali Yero, membre du comité, selon Le Monde.
Le constat est édifiant : "Nos élèves apprennent peu de choses sur notre histoire économique ou nos figures emblématiques. Peu savent qui fut la reine Sarraounia ou l'histoire post-indépendance", souligne M. Yero. Face aux accusations de réécriture idéologique, l'historien se défend : "Nous n'écrirons pas une histoire orientée. Toutes les sources seront exploitées, y compris celles des explorateurs européens du XIXe siècle".
Un défi continental structurel
Au Burkina Faso, dès 2019, l'ex-président Roch Marc Christian Kaboré avait exhorté les chercheurs à réécrire l'histoire du pays, mais le projet est resté en suspens après les putschs de 2022.
Cette vague de réappropriation historique s'appuie sur l'Histoire générale de l'Afrique de l'UNESCO, rédigée entre 1964 et 1999 par 230 historiens africains pour contrer les "biais eurocentriques et coloniaux". Les huit tomes traduits en treize langues constituent un socle, mais leur adaptation aux réalités nationales reste un défi.
"Il s'agit de faire en sorte que la vision décoloniale et transformatrice qui sous-tend l'Histoire générale de l'Afrique permette de repenser les programmes, la formation des enseignants, les pédagogies et même les modes d'évaluation des élèves", explique Cécilia Barbieri, cheffe de la section de l'éducation à la citoyenneté mondiale de l'UNESCO, citée par Le Monde.
Malgré ces initiatives, les défis demeurent considérables. "La vague actuelle réanime le mouvement émancipateur des années 1960", observe Denise Bentrovato, chercheuse à l'université de Pretoria. Mais elle note que "malgré la présence croissante de l'histoire et du patrimoine africains et locaux dans l'enseignement, celui-ci reste souvent marqué par des chronologies liées à la domination européenne".
Les contraintes financières constituent un frein majeur, avec un budget moyen dévolu à l'éducation avoisinant les 3% du PIB dans les pays d'Afrique de l'Ouest et centrale, selon l'article du Monde.
Mouhamadou Moustapha Sow, président de l'Association des historiens du Sénégal, pointe un paradoxe : "Ces initiatives de production d'un récit national et panafricain, bien que louables, butent très souvent sur des difficultés d'ordres épistémologique et historiographique". Il souligne que "certains faits historiques dépassent les frontières héritées de la colonisation" et que "ces projets d'écriture d'histoire nationale entrent en contradiction avec l'idéal panafricain porté par les États".
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L'HISTOIRE OUBLIÉE D'ABDOULAYE TALL
Ce petit-fils d'El Hadj Omar Tall, brillant élève parisien confronté au racisme institutionnel, incarne les contradictions d'une France coloniale dont les promesses d'égalité cachaient une réalité bien plus sombre
En 1890, lors de la conquête de Ségou par les forces coloniales françaises, un enfant de 12 ans change le cours de l'histoire personnelle et collective. Abdoulaye Tall, petit-fils du fondateur de l'Empire toucouleur El Hadj Omar Tall, est capturé par le colonel Archinard et emmené de force en France.
Cette pratique d'enlèvement n'était pas fortuite. Les autorités coloniales arrachaient systématiquement les fils de chefs vaincus pour les placer dans "l'école des otages", visant à effacer leur mémoire culturelle et à en faire de futurs dirigeants favorables à la France. Archinard avait une vision plus radicale : envoyer directement Abdoulaye en métropole pour qu'il devienne "suffisamment français pour ne jamais pouvoir prétendre à autre chose".
Confié à une famille parisienne bourgeoise, Abdoulaye intègre le prestigieux lycée Janson de Sailly où il excelle académiquement. Mais son rêve d'égalité se brise lors d'un voyage au Sénégal en 1897. L'administration coloniale le traite avec mépris, le renvoyant constamment à son statut de "fils de vaincu".
Dans ses lettres poignantes à Archinard, il dénonce avec une lucidité saisissante la violence coloniale : "ils ne sont bons qu'à créer des guerres... massacrer les pauvres noirs... torturer les enfants sans défense".
Malgré sa réussite à l'examen d'entrée de Saint-Cyr, on lui fait comprendre qu'il ne pourra jamais servir dans l'armée française régulière, seulement dans la Légion étrangère. Abdoulaye tombe gravement malade et meurt à Paris en 1900, à seulement 20 ans.
Cette histoire, révélée par la journaliste Taina Tervonen, résonne étrangement avec les problématiques actuelles. Depuis plus de 60 ans, les élites africaines formées en France et les immigrants font face aux mêmes déceptions face aux promesses d'égalité non tenues.
L'histoire d'Abdoulaye Tall illustre comment la colonisation a créé des cycles de déracinement et de désillusion qui perdurent aujourd'hui, questionnant cette relation complexe d'amour-haine entre l'Afrique et son ancienne puissance coloniale.
L'AUBAINE ÉCONOMIQUE DE POPENGUINE
Le pèlerinage souffre d'un déficit structurel qui limite son impact sur l'économie locale. Les retombées profitent davantage aux communes voisines
Le pèlerinage marial de Popenguine, un évènement religieux annuel qui draine des dizaines de milliers de fidèles, constitue une période de développement de l’économie locale, a constaté Frère Prosper Joseph Carvalho, membre du comité local d’organisation.
‘’Le pèlerinage est une aubaine pour les commerçants, les restaurateurs, les vendeurs ambulants, et même pour les familles qui accueillent des pèlerins. Toute la commune en tire profit‘’, a-t-il affirmé lors d’un entretien avec l’APS, en prélude de la 137e édition du pèlerinage marial à Popenguine prévue du samedi au lundi.
Durant cette période, les activités économiques connaissent une forte hausse et des revenus supplémentaires sont générés dans les secteurs de la restauration, du petit commerce, du transport et de l’hébergement informel.
Cette effervescence économique est quelque peu amoindrie par un déficit structurel d’infrastructures d’accueil, a déploré Frère Prosper Joseph Carvalho.
‘’Popenguine est victime de son nom. Tout le monde la connaît, mais il n’y a rien sur place en termes d’accueil. Elle est célèbre dans tout le pays, mais il n’y a presque rien ici pour recevoir dignement les pèlerins‘’, a-t-il fait remarquer.
Selon lui, les rares centres d’hébergement disponibles, comme ceux de Kizuto ou des sœurs, ne peuvent accueillir qu’une centaine de personnes au total. Cela contraint la majorité des visiteurs à loger dans des localités voisines comme Saly ou Mbour, détournant ainsi une part importante des retombées économiques hors de la commune, a-t-il ajouté.
Frère Prosper Carvalho estime que les retombées économiques pourraient être beaucoup plus importantes si des investissements étaient consentis dans des infrastructures d’accueil durables.
‘’Nous n’avons pas la capacité de recevoir tous les pèlerins. Ce sont les communes voisines qui en profitent, alors que tout se passe ici‘’, a-t-il déploré, soulignant la nécessité d’engager une réflexion collective avec la commune et les partenaires, car ’’ce n’est pas à l’Église seule de porter ce fardeau’’.
Malgré ces contraintes, le pèlerinage continue de stimuler fortement le commerce local. ‘’Pendant les grands pèlerinages, tout le monde s’y retrouve : commerçants, restaurateurs, même les habitants qui accueillent des pèlerins dans leurs maisons‘’, s’est-il réjoui, tout en reconnaissant ne pas pouvoir chiffrer précisément l’impact économique global.
En attendant d’éventuelles améliorations structurelles, l’organisation du pèlerinage repose sur un système communautaire fondé sur l’entraide : logement dans les écoles, hébergement par les résidents, mobilisation des chefs de quartier.
‘’Ce n’est pas un marasme total, mais on improvise avec les moyens du bord‘’, relève l’administrateur du sanctuaire marial.
Le comité local d’organisation, en collaboration avec les commissions nationales, assure la préparation des différents aspects du pèlerinage, de l’accueil des délégations étrangères à la gestion des pèlerinages de moindre envergure, qui se déroulent également à Popenguine.
‘’Les préparatifs se font tout au long de l’année, avec une montée en puissance la dernière semaine. Mais sans structures solides, l’impact économique reste limité‘’, a souligné Frère Carvalho.
LA ROUTE SACRÉE DE POPENGUINE
Pour Albert Joseph Sène, président de l'Amicale des jeunes de Notre-Dame de la Délivrande, le pèlerinage représente bien plus qu'une marche : un moment de communion spirituelle où la jeunesse confie ses espoirs d'avenir
La marche-pèlerinage à Popenguine est un moment fort de prière et de communion avec la Vierge Marie, symbole d’espérance, dans une démarche à haute portée spirituelle et personnelle, a souligné le président de l’Amicale des jeunes de la paroisse Notre-Dame de la Délivrande, Albert Joseph Sène.
‘’Les marcheurs ont l’espoir et la foi de vivre un moment intense de prière avec Marie, mère de l’espérance, en cette période de Pentecôte‘’, a-t-il déclaré, dans un entretien à l’APS.
Il a notamment insisté sur la portée symbolique et intime de cette démarche pour la jeunesse, qui y voit l’occasion de confier ses vœux de réussite professionnelle et d’élévation spirituelle, tant sur au niveau personnel que familial.
Le responsable associatif a également souligné le rôle central de la coordination des jeunes catholiques dans la bonne organisation du pèlerinage, en lien avec l’Église, tout en saluant la mobilisation remarquable de la jeunesse musulmane.
‘’Des jeunes musulmans de Popenguine marchent avec ceux de Dakar jusqu’ici, parfois depuis Toubab Dialaw ou Yène. C’est émouvant et très encourageant‘’, a-t-il ajouté.
Alors que cette 137e édition du pèlerinage à Popenguine prévue du samedi au lundi sera marquée par la présence du nouvel archevêque de Dakar, Monseigneur André Gueye.
Albert Joseph Sène a exprimé en ce sens le souhait de voir le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, prendre part à l’événement.
‘’Sa dernière venue à Popenguine remonte à l’année dernière, à la veille du pèlerinage’’, s’est-il souvenu.
Pour cette édition placée sous le thème ‘’Marie, mère de l’espérance, marche avec nous’’, il exhorte les jeunes à se mobiliser, à bien se préparer physiquement et à faire preuve de vigilance durant la marche, notamment en matière de précaution sécuritaire et sanitaire.
MAME MANDIAYE NIANG, LE SÉNÉGALAIS QUI PILOTE LA CPI EN PLEINE TEMPÊTE
L'ancien juge au Rwanda assure l'intérim de Karim Khan depuis que ce dernier s'est mis en retrait suite à des accusations d'inconduite sexuelle. Une responsabilité cruciale en pleine crise institutionnelle
(SenePlus) - Alors que la Cour pénale internationale (CPI) traverse l'une des crises les plus graves de son histoire, c'est un juriste sénégalais de premier plan qui se retrouve aux commandes de cette institution cruciale de la justice internationale. Mame Mandiaye Niang, procureur adjoint depuis mars 2022, assure désormais l'intérim du procureur principal Karim Khan, contraint de se mettre en retrait suite à des accusations d'inconduite sexuelle.
Cette nomination temporaire place le Sénégalais au cœur des enjeux géopolitiques les plus sensibles. Depuis novembre 2024, la CPI fait face à des sanctions américaines après avoir émis des mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens et des responsables du Hamas. L'administration Trump a pris cette décision en représailles, bien que les États-Unis ne soient pas membres de la Cour.
Le profil de Mame Mandiaye Niang force le respect. Diplômé de l'École nationale d'Administration et de Magistrature de Dakar, il a gravi tous les échelons du système judiciaire sénégalais. De juge au Tribunal régional de Dakar à Procureur général près la Cour d'Appel de Saint-Louis, en passant par la direction des Affaires criminelles au ministère de la Justice, il maîtrise parfaitement les rouages de la justice pénale.
Mais c'est surtout son expérience internationale exceptionnelle qui le distingue. Ancien juriste hors classe et chef de cabinet du Greffier au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il a également été juge à la Chambre d'Appel du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie. Son passage comme Représentant régional de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime pour l'Afrique australe lui a donné une vision continentale des défis judiciaires.
Un tandem pour maintenir le cap
Élu procureur adjoint le 10 décembre 2021 par l'Assemblée des États parties, Niang avait prêté serment quelques mois avant que n'éclatent les premières rumeurs concernant son supérieur hiérarchique.
Mame Mandiaye Niang partage cette responsabilité écrasante avec sa collègue fidjienne Nazhat Khan. Ensemble, ils doivent garantir la continuité des activités de la CPI pendant que l'enquête de l'ONU sur les accusations contre Karim Khan suit son cours. "Le travail de la Cour dans l'intérêt de la justice se poursuivra de manière normale et sans aucune interruption", a assuré la présidente de l'Assemblée des États parties le 18 mai.
Cette situation inédite met en lumière le rôle croissant des juristes africains au sein des institutions internationales. Auteur de plusieurs publications spécialisées et conférencier reconnu dans les universités africaines, Niang incarne cette nouvelle génération de magistrats qui allient expertise locale et vision globale.
L'intérim pourrait durer plusieurs mois, le temps que l'enquête onusienne rende ses conclusions. Pour le juriste sénégalais, membre de l'Union des Magistrats sénégalais et de l'Association internationale de Droit pénal, l'enjeu dépasse la simple gestion administrative : il s'agit de préserver la crédibilité d'une institution déjà fragilisée par les pressions politiques et les critiques récurrentes. Son leadership sera scruté de près, alors que la CPI tente de naviguer entre les écueils diplomatiques et sa mission de justice internationale.
CES MOUTONS STARS DE LA TABASKI
Patchouli pèse 130 kg et vaut 122 000 euros. Ce mouton ladoum illustre la transformation de l'Aïd-el-Kébir au Sénégal, où l'animal de sacrifice devient objet de prestige, creusant un fossé entre riches et pauvres lors de cette fête religieuse
(SenePlus) - Dans les rues de Dakar, à quelques heures de l'Aïd-el-Kébir célébrée ce samedi 7 juin, une valse particulière anime la capitale. Sur les toits des voitures, arrimés avec précaution, des moutons de toutes tailles convergent vers les foyers. Mais parmi ces animaux destinés au sacrifice rituel, une race sort du lot par ses dimensions exceptionnelles et son prix vertigineux : le ladoum.
Dans le quartier de Soumbédioune, les trottoirs jonchés de sable et de foin font office d'enclos éphémères. Ici, les retardataires se pressent pour choisir leur mouton, rapporte Le Monde. « De ce côté, vous pouvez trouver les moutons de race touabire et peul-peul, qui sont les plus vendus car ils sont à un prix accessible », explique un éleveur de la bergerie Khoulam Kane, désignant les ovins les plus modestes dont le prix oscille entre 70 000 et 200 000 francs CFA (100 à 300 euros).
Mais c'est ailleurs que se joue le véritable spectacle. Sous de grandes tentes blanches, quelques dizaines de bêtes imposantes attirent tous les regards. « Ce sont les ladoums, la race la plus noble », poursuit l'éleveur selon Le Monde.
Le ladoum n'est pas le fruit du hasard. Né dans les années 1970 d'un croisement entre le touabire mauritanien et le bali-bali du Mali, cet ovin aux mensurations hors normes est aujourd'hui considéré comme purement sénégalais. Il se distingue par sa robe blanche souvent tachetée de noir, ses cornes enroulées parfaitement symétriques et sa grosse tête incurvée. « Plus la tête est arrondie, plus c'est beau », s'enthousiasme un éleveur cité par Le Monde.
Les chiffres donnent le vertige : ces géants peuvent atteindre jusqu'à 182 kg, soit deux à trois fois le poids d'un mouton ordinaire. Et leur prix suit cette progression spectaculaire. Pour la Tabaski, l'entrée de gamme ladoum démarre autour de 300 000 francs CFA (450 euros), tandis que les spécimens d'exception se négocient à partir de 2 millions de francs CFA. « Nous venons de vendre Hassan II, 165 kg, pour 2,5 millions », souligne le propriétaire de la bergerie Khoulam Kane dans les colonnes du quotidien français.
Cette inflation des prix suscite des critiques. « Aujourd'hui, la Tabaski ressemble trop à une fête pour les riches », fustige le député nationaliste Tahirou Sarr, interrogé par Le Monde. « Du fait de l'envolée des prix sur les moutons et le reste des produits alimentaires, trop de Sénégalais sont en marge des célébrations », regrette l'élu, qui plaide pour l'instauration d'un prix fixé au kilo et maîtrisé par l'État.
Patchouli, la star à 122 000 euros
Le marché le plus lucratif ne se trouve pourtant pas dans l'abattage rituel. « La vocation première des ladoums n'est d'ailleurs pas l'abattage, ceux que vous trouvez sur les marchés pour la Tabaski sont des "vieux" », confirme Samba Sonko, éleveur de 28 ans chez Touba Business Company, selon Le Monde. « À l'origine, les ladoums sont utilisés comme reproducteurs pour embellir d'autres races », explique le jeune homme.
C'est dans cette optique que Patchouli, la vedette absolue de l'élevage, fait sensation. À seulement 21 mois, ce prodige pèse déjà 130 kg, mesure 1,13 mètre au garrot et 1,62 mètre de longueur. Sans avoir atteint sa maturité, il est estimé à 80 millions de francs CFA, soit près de 122 000 euros. « C'est l'un des meilleurs géniteurs en ce moment », se réjouit Samba Sonko auprès du Monde, précisant que l'animal a déjà remporté cinq prix à travers le pays et qu'il est père d'une quinzaine d'agneaux, chacun rapportant entre 2 et 3 millions de francs CFA.
Pour atteindre de tels niveaux, ces moutons d'exception bénéficient d'un traitement princier. « On leur attribue des boxes spacieux, avec une bonne litière, et aérés avec l'aide de ventilateurs. Certains installent même la climatisation », détaille Samba Sonko dans Le Monde, pointant les appareils qui brassent l'air au-dessus de ses protégés. « Il leur faut aussi beaucoup de lumière pour un meilleur apport en vitamine D, qui permet de fixer le calcium. »
Cette passion pour le ladoum dépasse le simple cadre agricole. Les célébrités nationales, comme le lutteur professionnel Reug Reug, n'hésitent pas à se photographier avec ces vedettes à quatre pattes. Certains spécimens possèdent même leurs propres pages sur les réseaux sociaux, rassemblant des dizaines de milliers de fans. Le président Bassirou Diomaye Faye lui-même a rendu visite à ces champions le 1er juin, rencontrant notamment « Joe Biden, âgé de 5 ans et bien portant de 160 kg », estimé à plus de 2 millions de francs CFA, rapporte Le Monde.
Sur les 851 000 moutons disponibles pour la Tabaski 2025, le cheptel national de ladoums ne représente qu'à peine plus de 2%, soit quelque 20 000 ovins XXL. Mais leur production connaît un essor remarquable, témoigne Abou Kane, président de la Fédération nationale des acteurs de la filière ovine, cité par Le Monde. Depuis 2018, le Programme national d'autosuffisance en mouton de Tabaski alloue une large partie de son budget à la promotion de cette race locale.
« Le ladoum est une passion, mais c'est un business avant tout », résume parfaitement Samba Sonko dans Le Monde. Une formule qui illustre à elle seule la transformation d'une tradition religieuse en véritable industrie de luxe, où l'animal sacré devient symbole de réussite sociale dans un pays où le salaire moyen varie entre 90 000 et 150 000 francs CFA selon les études mentionnées par le quotidien.
MADY TOURÉ DÉCLARE SA CANDIDATURE À LA PRÉSIDENCE DE LA FSF
Dans une lettre adressée aux présidents de clubs et de ligues, le fondateur de Génération Foot affirme vouloir proposer « une vision claire et audacieuse pour l’avenir de notre football », fondée sur « des bases solides et durables ».
Le fondateur de Génération Foot, Mady Touré, a officiellement annoncé, ce vendredi, sa candidature à la présidence de la Fédération sénégalaise de football (FSF), en vue de l’élection prévue le 2 août prochain.
Dans une lettre adressée aux présidents de clubs et de ligues, l’ancien candidat malheureux de 2021 affirme vouloir proposer « une vision claire et audacieuse pour l’avenir de notre football », fondée sur « des bases solides et durables ». Une déclaration qui marque son retour dans l’arène électorale, avec la volonté affichée de contribuer à un nouveau souffle pour le football sénégalais.
Figure respectée du paysage sportif national, Mady Touré est reconnu pour son engagement dans la formation des jeunes talents à travers l’académie Génération Foot, pépinière de plusieurs internationaux sénégalais. Sa candidature devrait donc raviver les débats autour des orientations à donner à la gestion du football local, à l’approche du scrutin.
Pour l’heure, le président sortant, Maître Augustin Senghor, qui dirige la FSF depuis 2009, n’a pas encore officialisé sa position quant à une éventuelle candidature pour un cinquième mandat. Son silence alimente les spéculations, alors que les échéances électorales se rapprochent.
LE SÉNÉGAL CONCÈDE LE NUL FACE À L'IRLANDE
Avec ce résultat nul, les Lions pourront sereinement croiser le fer avec l’Angleterre, mardi, au City Ground de Nottingham.
L’équipe nationale du Sénégal de football a concédé le nul (1-1) devant celle de l’Irlande, vendredi à Dublin, en match amical international.
Avec un onze de départ remanié, les Lions ont été bousculés par les ‘’The Boys in Green’’ (Hommes en vert) et souffert en début de partie et fini par encaisser un but sur une erreur de positionnement de la défense, à la 21e minute.
Ce but de l’attaquant irlandais McAteer, le premier encaissé depuis sept matchs, malgré la prouesse technique de Yehvann Diouf, pour sa première titularisation, va réveiller les Lions.
Les protégés de l’entraineur Pape Thiaw vont réagir en fin de première partie. Au retour des vestiaires, les changements apportés avec les entrées d’Ismaila Sarr, Lamine Camara, Cheikh Tidiane Sabaly, entre autres, va donner du tonus au jeu des Sénégalais.
Ils réussissent à asseoir leur jeu et parviennent à égaliser à la 81e minute par Ismaila Sarr.
Avec ce résultat nul, les Lions pourront sereinement croiser le fer avec l’Angleterre, mardi, au City Ground de Nottingham. Ce match constituera une revanche symbolique après la défaite 3-0 des Sénégalais en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar.
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QUAND LA TABASKI RÉVÈLE LES FRACTURES DE LA SOCIÉTÉ
Chaos dans les gares routières, prix qui s'envolent, familles entassées dans des véhicules de fortune : Omar Diaw dresse un tableau saisissant de l'exode annuel vers les régions lors de l'aïd el-Kebir. "Un puissant révélateur social", analyse-t-il
Chaque année, le même rituel se répète. À l'approche de la fête de la Tabaski, le Sénégal urbain se transforme en un immense point de départ vers l'intérieur du pays. Dans sa chronique intitulée "Départ massif : Un marqueur sociologique !", Omar Diaw, journaliste reconnu de la RTS, pose un regard acéré sur ce phénomène qui dépasse largement le cadre religieux pour révéler les profondes inégalités de la société sénégalaise.
Le chroniqueur dresse un tableau saisissant des gares routières en période de Tabaski. "Qu'elle soit officielle ou sauvage, règne un chaos indescriptible", observe-t-il. Dans ces lieux de transit, des "autobus de fortune qui semblent davantage porteurs d'infortune" deviennent l'objet de tous les espoirs. Omar Diaw n'épargne rien de ce spectacle où "des familles entières ballotées, parfois flanquées d'un mouton sacrificiel", scrutent "l'horizon dans l'attente d'un véhicule hypothétique".
Le journaliste souligne avec ironie que si "ce n'est pas l'avion, les prix s'envolent dans l'indifférence". Une observation qui met en lumière l'exploitation dont sont victimes les voyageurs dans cette "économie de la rareté".
Dans cette chronique, Omar Diaw n'hésite pas à dénoncer les pratiques abusives qui accompagnent cette période. "Chauffeur, apprenti coxeur font leur loi. Ils se muent en seigneur éphémère, étranglent littéralement ceux qui n'ont pas d'autre choix", écrit-il avec une plume acerbe.
Le chroniqueur pointe également les défaillances des infrastructures publiques. Malgré les efforts de Dakar Dem Dikk et des trains du Sénégal pour "venir en renfort", force est de constater que "le réseau ferroviaire d'aujourd'hui n'a plus la prestance de celui du 19e siècle".
"La Tabaski devient un marqueur social"
Au-delà de la critique des conditions de transport, Omar Diaw livre une analyse sociologique profonde de ce phénomène. Pour lui, cette "fièvre révèle la sociologie sénégalaise" à travers un "exode inversé, reflux temporaire mais inexorable" qui vide les villes de leur substance.
"Chacun portant en lui une origine, un terroir natal qui attend le retour de ses enfants le temps d'une communion annuelle", explique le journaliste. Cette migration temporaire révèle selon lui que "la Tabaski n'est pas qu'une fête religieuse. Elle devient un marqueur social qui étale sans pudeur les fractures béantes de notre société".
Le chroniqueur de la RTS n'oublie pas de souligner les conséquences économiques de ce mouvement de population. "Dakar, Saint-Louis, Thiès, Kaolack, toutes ces cités étalent ainsi leur clivage et inégalité", note-t-il, avant d'observer que la capitale "transpire suffocante et alerte avant de consentir à se vider progressivement".
Cette pause forcée de l'activité économique crée selon Omar Diaw "un calme étrange, celui de milliards perdus dans une pause économique prolongée où on a cessé de produire, vivant d'une épargne dilapidée".
LA CASAMANCE CHERCHE SON AVENIR
Si un accord de paix a été signé avec une faction rebelle, les vrais défis commencent : sortir cette zone oubliée de quatre décennies de sous-développement
(SenePlus) - Après plus de quarante ans de conflit de basse intensité, la Casamance tente de tourner la page de la guerre. L'arrivée d'Ousmane Sonko à la tête du gouvernement en 2024 a insufflé un nouvel espoir dans cette région méridionale, mais les défis économiques restent immenses pour cette zone parmi les plus pauvres du pays.
En février dernier, un signal majeur a marqué l'évolution du conflit casamançais. Une faction du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), mouvement indépendantiste qui combat l'État sénégalais depuis 1982, a signé un accord de paix. Ousmane Sonko s'est félicité de ce qu'il considère comme "un très grand pas vers la paix définitive en Casamance", rapporte Le Monde.
Cependant, cette avancée doit être relativisée. Selon Henry Ndecky, facilitateur indépendant reconnu pour ses efforts de médiation entre le pouvoir et le MFDC, "la rencontre va dans le bon sens, mais plus qu'un nouvel accord de paix à proprement parler, il s'agit du suivi d'un accord conclu en 2022".
La situation reste précaire. Les branches toujours actives du mouvement rebelle tentent d'enrayer le processus de paix. Le 16 avril dernier, un soldat sénégalais a été blessé et un autre enlevé par la guérilla entre la frontière gambienne et le fleuve Casamance. Ce militaire n'a toujours pas été retrouvé par l'armée sénégalaise.
Le mouvement indépendantiste s'affaiblit progressivement. En 2022, après la mort de quatre soldats sénégalais, Dakar a saisi de nombreuses caches d'armes lors d'opérations militaires d'envergure. Affaiblies et en proie à de nombreuses défections, les troupes indépendantistes se sont amenuisées et divisées en petits fronts épars. La Gambie ne soutient plus le mouvement, et la Guinée-Bissau, ancienne base arrière de la rébellion, l'empêche depuis 2021 de se replier sur son territoire.
Le difficile retour à la vie civile
L'exemple d'Athanase Diédhiou illustre les complexités de la transition. Cet "adjudant" qui vivait dans le maquis depuis 1992 a fait le pari du retour en 2023. Avec 250 autres hommes de la "faction de Diakaye", il a décidé d'abandonner la lutte armée. Mais sa réinsertion s'avère difficile : "Je ne peux pas vivre dans mon village de Birkamanding, des maquisards ont essayé de me tuer", confie-t-il au quotidien français.
Son rêve reste simple : sortir du chômage et retourner au travail de la terre, "la riziculture ou le mil". Cette aspiration reflète les enjeux économiques cruciaux de la région.
La Casamance continue de souffrir d'un développement économique lent. Parmi les régions administratives les plus pauvres du Sénégal, deux sont casamançaises : Sédhiou et Kolda. Cette réalité économique préoccupante contraste avec le soutien massif accordé à Ousmane Sonko dans la région.
Originaire de Casamance, Sonko y a grandi, même s'il est né à Thiès. En 2022, il remporte la mairie de Ziguinchor. Durant la crise politique qui l'oppose au président Macky Sall de 2021 à 2024, les manifestations de soutien ont été nombreuses dans le Sud. À l'élection présidentielle de 2024, son parti, le Pastef, récolte des scores sans appel en Casamance : 74% à Ziguinchor et jusqu'à 81% dans la commune de Bignona.
En octobre 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé un "plan Diomaye pour la Casamance" doté d'une première enveloppe de 53,6 milliards de francs CFA (81,7 millions d'euros). "Plus qu'un chèque, une réflexion sur les besoins de la région", promet Abdou Sané, cadre du Pastef et conseiller municipal à Ziguinchor. "On veut soutenir le développement d'une économie locale. Nous avons besoin d'infrastructures, à commencer par un port industriel."
Les attentes de la jeunesse
La jeunesse casamançaise place ses espoirs dans le développement économique. Yahya Tamba, diplômé du supérieur qui conduit un "jakarta" - une petite moto devenue symbole de la région - exprime les aspirations communes : "Je veux la même chose que tout le monde : qu'on transforme ici les produits de notre agriculture pour créer de vrais métiers. Que nos diplômes nous servent. J'ai de l'espoir, mais je sais qu'il faudra être patient."
Ces jeunes se bricolent des métiers avec leurs motos : coursier, taxi, transporteur, pour des revenus qui ne dépassent pas 100 000 francs CFA par mois (150 euros). Leur mécontentement s'est exprimé en janvier lors de manifestations de Kolda à Sédhiou pour protester contre l'obligation d'immatriculation de leurs véhicules, représentant un coût d'environ 20 000 francs CFA (30 euros).
Le premier volet du "plan Diomaye" se concentre sur les conséquences de la guerre civile. Les autorités ont commencé à verser des aides directes aux "déplacés". Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime que quelque 70 000 personnes ont quitté leurs villages depuis 1982 pour fuir vers d'autres localités de Casamance, la Gambie ou la Guinée-Bissau.
Avec la pacification, près de 200 villages ont vu leurs habitants revenir progressivement ces trois dernières années, mais une quarantaine reste vide. Sitapha Sédhiou témoigne de ce retour difficile dans son village de Mahamouda : "J'ai quitté ce village à 10 ans, en 1992, sur instruction de l'armée sénégalaise. On entendait les mortiers. Je suis revenu en 2022."
L'État a recensé 488 villageois originaires de Mahamouda, mais seules quelques dizaines sont revenues. Les infrastructures manquent cruellement : "Il nous manque une école, l'électricité, au moins un autre puits", souffle Sitapha Sédhiou.
Une économie locale encore fragile
"L'économie locale est encore fragile. Les gens se débrouillent comme ils le peuvent", souligne Samba Sané, économiste à l'université Assane-Seck de Ziguinchor. Cette précarité pousse certains vers des activités illégales. Début mars, la gendarmerie a mené des opérations sur les îles Karone pour abattre des plants de cannabis.
Athanase Diédhiou, l'ancien combattant du MFDC, livre une analyse lucide : "C'est parce qu'on manquait de tout qu'on est entré dans le maquis. Si on veut éloigner la jeunesse casamançaise de la guerre, il faut lui offrir un avenir."
L'économiste Samba Sané confirme cette nécessité : "À terme, il faudra trouver des alternatives pour sortir les personnes de ces trafics qui se sont développés à l'ombre de la guerre et leur permettent de survivre."
La Casamance se trouve ainsi à un tournant de son histoire. Si la paix semble enfin à portée de main après quatre décennies de conflit, le véritable défi réside désormais dans le développement économique de cette région oubliée. L'optimisme affiché par les habitants témoigne de leur espoir en l'avenir, mais les autorités devront transformer rapidement les promesses en réalisations concrètes pour éviter que la frustration économique ne ravive les tensions.