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10 août 2025
PÈLERINAGE RÉUSSI MALGRÉ LES COUACS
Le hadj 2025 s'achève sur un bilan mitigé pour la délégation sénégalaise. Si les actes de dévotion ont été accomplis avec satisfaction, des tensions autour de l'hébergement ont marqué le pèlerinage de 12.840 fidèles
L'édition 2025 du pèlerinage à la Mecque a pris fin dimanche 08 juin. Les 1.611.310 pèlerins présents sur le sol saoudien parmi lesquels on a compté 12.840 Sénégalais ont, pour l'essentiel, accompli leurs actes de dévotion, à l'exception, bien entendu, de ceux rattrapés par un malaise bénin. Cet effectif est en deçà de celui de l'année dernière, en raison, dit-on, des mesures d'austérité prise par le royaume saoudien à l'endroit des populations locales et des pays environnants qui affluaient chaque année vers le lieu saint. Quelques tracas ont été toutefois notés notamment dans la procédure d'hébergement de certains pèlerins.
Le hadji 2025 a officiellement pris fin au lieu saint de l'Islam, le 8 juin. Cette année, 1.611.310 pèlerins ont effectué le déplacement sur les différents lieux de dévotion dont 12.840 sénégalais. Appréciant la qualité de l'organisation, les fidèles délivrent leur quitus sur la plus-value des innovations majeures qui ont permis aux pèlerins d'accomplir l'essentiel des actes obligatoires.
« Dieu merci cette année, nous avons constaté des innovations majeures dans l'organisation du Hadji. D'abord, les autorités saoudiennes ont opté pour une priorité accordée aux étrangers qui viennent de loin au détriment des populations locales et celles des pays voisins qui effectuaient le hadj chaque année. Cela a rendu fluide la circulation et la mobilité des personnes et des biens malgré la grande affluence habituelle », a déclaré Abdou Khadre Diop le directeur général de Maréga voyage.
Interrogé sur l'exécution des actes obligatoires du pèlerinage, le directeur général de Maréga voyage atteste que « tous les pèlerins du convoi ont accompli leur dévotion à part quelques rares qui ont manifesté des signes de malaise. Et fort heureusement, ils se sont tous remis et nous avons commencé à rattraper progressivement ces actes », rassure Abdou Khadre Diop.
Quant aux pèlerins, primo venants comme ceux habitués du rituel, tous ont salué la qualité de l'organisation « globalement je suis très satisfait de la qualité de l'organisation. De Médine en passant par la Mecque avec le Tawaf suivi de As Safaa et Al Marwa et les autres stations que sont Mina, Mousdalifa et Arafat, nous avons accompli les actes comme il le faut et nous sommes comblés d'avoir effectué ce pèlerinage. Nous souhaitons la paix pour notre cher Sénégal, le développement et la concorde nationale » témoignent les sieurs Doudou Faye, El Hadji Babacar M'bodji, Abdoulaye Racine Kane et la dame Khadidjia. Celle-ci a loué la persévérance des dames sur ce parcours du combattant.
Mais une tâche sur le tableau organisationnel de ce hadji, a été la grogne des pèlerins sénégalais, notamment ceux envoyés par l'Etat, qui ont protesté très vivement face aux impairs dans le dispositif d'accueil. Sur les 12.840 pèlerins, seuls 913 ont pu loger à la zone N°4 et le reste à la zone N°5 jugée moins confortable. Cheick Sidy Fall le responsable de la zone N°5 a déclaré que « ceux qui crient savaient que cette année, la réservation a connu du retard et qu'au demeurant, seule la zone 5 pouvait accueillir le nombre restant ». Il a été conforté dans ses propos par le délégué général au pèlerinage à la Mecque Mamadou Gaye et Abdou Khadre Diop de Maréga voyage.
A l'inverse, le trop-plein de la zone 5 a été évacué à la zone 4, provoquant une saturation sous les tentes climatisées et les box de toilettes. Il importe de relever que cet incident a été très vite clos et les pèlerins ont ont pu poursuivre sans encombre le reste des actes de dévotion.
La délégation sénégalaise des pèlerins en Arabie Saoudite a eu une pensée pieuse pour la mémoire de feu Abdoulaye Nicolas Diop, animateur thématique de l'émission matinale « N'dekki-Li » sur les ondes de la radio Sud FM, rappelé à Dieu le jeudi 05 juin dernier des suites d'une maladie. Le journaliste Moustapha Diop et chroniqueur de renom à la radiotélévision Walfadrj a présenté les condoléances des pèlerins au groupe Sud Communication et à tout le peuple sénégalais « Nicolas était quelqu'un qui avait beaucoup d'estime pour moi et c'était réciproque. Il m'a invité plusieurs fois dans ses émissions. Et pas si longtemps que cela, nous étions à la maison de la presse Babacar Touré en compagnie de Ibrahima Lissa Faye et Abdoulaye M'bow. Nous présentons nos condoléances à tout le groupe Sud Com et prions, ici à la Mecque où nous nous trouvons pour les besoins du pèlerinage, pour le repos de son âme et que Dieu lui accorde le paradis céleste », en s'inclinant devant la mémoire du défunt animateur.
LE CAYOR ET LE BAOL RÉCLAMENT LEURS ROUTES
Brassards rouges au bras, les populations de Darou Bakhoum, Koul et Dinguiraye ont manifesté lundi pour exiger la reprise des travaux routiers abandonnés depuis plus d'un an dans le département de Bambey
À l'appel du mouvement Carrefour Citoyens, les populations de Darou Bakhoum, Koul et Dinguiraye, arborant des brassards rouges, ont battu le pavé ce lundi pour exiger la reprise des travaux sur deux axes routiers cruciaux : Ngaye-Mékhé – Baba Garage (21 km) et Baba Garage – Keur Ngana.
L'arrêt des chantiers depuis plus de douze mois inquiète et irrite dans ces localités enclavées du département de Bambey. La manifestation, encadrée par la brigade de gendarmerie de Baba Garage, s'est déroulée dans le calme mais avec détermination.
Pancartes en main, les protestataires ont réclamé des infrastructures à la hauteur de leurs attentes, scandant : « Le Cayor et le Baol réclament des routes bitumées » ou encore « Nous marchons pour ne pas marcher dans la boue ». Une manière pour eux de rappeler que leur marche n'est ni un caprice ni une manœuvre politique, mais une revendication citoyenne.
Massaer Ndiaye, porte-parole du mouvement Carrefour Citoyens, précise : « Nous ne sommes pas là pour troubler l'ordre public, mais pour réclamer la reprise des travaux de la route Baba Garage – Ngaye Mékhé. Cela fait bientôt un an que tout est à l'arrêt. Pourtant, cette route est vitale, stratégique, essentielle pour notre mobilité, notre accès aux soins, et au développement. »
Selon les manifestants, l'arrêt brutal des travaux coïncide avec la chute du régime de Macky Sall, ce qui laisse planer des interrogations sur les priorités du nouveau gouvernement. Serigne Modou Mbacké, figure religieuse influente de la zone, rappelle de son côté un engagement pris en pleine campagne électorale par Ousmane Sonko, aujourd'hui Premier ministre : « Il nous avait promis l'achèvement de la route. »
Les marcheurs évoquent également une correspondance adressée au ministre des Infrastructures de l'époque, El Hadji Malick Ndiaye. Dans une réponse datée du 11 juin 2024, le ministère assurait que les travaux seraient terminés « au plus tard le 25 mars 2025 ».
À ce jour, non seulement l'échéance est dépassée, mais aucun engin n'a été vu sur les chantiers. Dans les rangs des protestataires, le slogan « Sans carrefour, Carrefour ne cèdera pas » résonne comme un avertissement.
La détermination reste intacte, et les leaders communautaires, à l'instar des chefs religieux présents à la marche, promettent de maintenir la pression jusqu'à la relance effective des travaux.
par Abdourahmane Ba
LA PROMESSE ÉCLIPSÉE DU PROJET PASTEF
L’érosion programmatique s’accentue à mesure que le récit de transformation perd sa centralité. En l’absence de cohérence entre le verbe politique et l’action publique, l’espace de l’innovation se réduit
La victoire politique de Pastef en 2024 n’a pas été une simple alternance. Elle a constitué une reconfiguration profonde des attentes citoyennes à l’égard de l’État. Porté par un projet de société ambitieux, le mouvement a canalisé une crise de légitimité accumulée sous les régimes précédents. La base électorale n’a pas voté pour une structure partisane ou un leader éclairé, mais pour une vision normative articulée autour de la souveraineté, de la justice sociale et de l’intégrité publique.
Le projet proposé s’inscrivait dans une logique de transformation systémique de l’État, bien distincte des approches gestionnaires classiques. À la manière des réformes définies par la gouvernance adaptative, il instaurait une rupture avec les structures d’allocation clientélistes et consolidait la capacité stratégique de l’administration. L’État cessait d’être un simple prestataire de services pour devenir un vecteur de souveraineté démocratique et de justice sociale.
Or, depuis l’arrivée au pouvoir, la distance entre l’ambition affichée et les pratiques gouvernementales s’est creusée. Cette dérive reflète un retour progressif à des logiques anciennes, faute d’ancrage institutionnel du projet. Ce flou entretient la confusion chez les citoyens qui attendaient une refonte du cadre de gouvernance.
La persistance des agences budgétivores illustre cette tension. Aucun plan sérieux n’a été engagé pour les supprimer, les fusionner ou les réorienter. Si le CESE et le HCCT ont été dissous, cela n’a pas débouché sur une stratégie plus large de réduction des dépenses publiques. Les structures inefficaces subsistent, tout comme les dépenses de prestige. Cette continuité brouille le message de rupture et affaiblit la crédibilité du changement promis. Sans réforme structurelle, les institutions tendent à reproduire les anciennes routines et à maintenir des dispositifs incompatibles avec les principes d’austérité et de justice redistributive.
Le défaut de stratégie en matière d’emploi des jeunes constitue un angle mort majeur. Aucun plan structuré, aucun mécanisme de financement ou cadre de suivi n’a été mis en place. Cette lacune affaiblit le lien entre projet politique et politique publique. L’intégration de la jeunesse dans des politiques cohérentes constitue pourtant un pilier de la stabilité démocratique.
Le projet initial ne se réduisait pas à une démarche partisane. Il reposait sur une volonté de refonder le contrat social. La légitimité repose sur le dialogue public et l’engagement collectif. Toute dérive vers une personnalisation du pouvoir ou vers une fidélité partisane contrainte, comme le prélèvement imposé aux hauts fonctionnaires, vide le projet de sa substance républicaine.
L’érosion programmatique s’accentue à mesure que le récit de transformation perd sa centralité. En l’absence de cohérence entre le verbe politique et l’action publique, l’espace de l’innovation se réduit. Cette dynamique ouvre la voie à une résignation citoyenne et à un recul du civisme démocratique.
La relance du projet passe par une redéfinition stratégique des priorités. Il faut définir des objectifs mesurables, des indicateurs vérifiables, et un calendrier d’action crédible. Un développement démocratique progressif exige une articulation claire entre vision, apprentissage institutionnel et innovations ciblées.
L’année 2024 a ouvert une possibilité historique. Elle a permis d’initier une refondation de l’État sur la base d’un mandat populaire fort. Préserver ce legs implique de maintenir une cohérence entre vision, institutions et résultats. Si cette cohérence disparaît, le réveil ne sera pas seulement douloureux, il pourrait sonner la fin prématurée d’une des expériences politiques les plus prometteuses du Sénégal contemporain.
Dr. Abdourahmane Ba est expert International en Politiques publiques, suivi & évaluations et management.
LE SECTEUR PÉTROLIER ANGOISSE
"L'effet réputationnel dévastateur" du conflit Woodside fait trembler l'industrie de l'or noir sénégalais. Les critiques pleuvent contre une approche gouvernementale jugée "trop souverainiste" par les professionnels
(SenePlus) - Le bras de fer entre l'État sénégalais et Woodside Energy cristallise aujourd'hui les craintes du secteur privé face à ce qui est perçu comme un virage souverainiste radical du pouvoir. Ce conflit fiscal autour de 62,5 millions d'euros réclamés au géant pétrolier australien dépasse désormais le simple contentieux administratif pour révéler une fracture profonde entre les ambitions politiques du tandem Faye-Sonko et les réalités économiques du pays.
L'escalade vers l'arbitrage international provoque un tollé dans le milieu des affaires dakarois. "L'attitude des autorités est contre-productive. Leur position trop souverainiste se heurte à ces opérateurs internationaux sans qui le développement des projets d'hydrocarbures ne peut se faire au Sénégal", dénonce avec force un consultant pétrolier interrogé par Le Monde.
Cette critique directe du "souverainisme" gouvernemental traduit une inquiétude grandissante du secteur privé. Pour ce professionnel du pétrole, la stratégie adoptée par les autorités issues du Pastef va à l'encontre des intérêts économiques fondamentaux du pays. "Le signal envoyé est mauvais et l'effet réputationnel dévastateur", martèle-t-il, soulignant les conséquences à long terme de cette approche.
L'embarras des autorités face à cette crise révèle des tensions internes profondes. Le silence obstiné du gouvernement - "ni le porte-parole du gouvernement, ni le ministre des finances, ni le ministre du pétrole n'ont souhaité réagir" aux sollicitations du Monde - "traduit un certain embarras et masque mal les divisions suscitées par cette nouvelle étape, très exposée, du contentieux".
Ces divisions se manifestent ouvertement au sein même des instances pétrolières nationales. Un dirigeant de Petrosen, l'entreprise publique actionnaire minoritaire de Sangomar, exprime sous couvert d'anonymat son désaccord avec la ligne dure adoptée : il appelle "à régler ce différend autour de la table des négociations et non devant les tribunaux", rapporte Le Monde.
Plus révélateur encore, le Comité d'orientation stratégique du pétrole et du gaz (COS-Pétrogaz), directement rattaché à la présidence, "s'agace de la tournure des événements". Cette institution, dont la mission est pourtant de réformer le code des hydrocarbures "pour le rendre plus sexy pour que les majors se précipitent au Sénégal", selon une source proche du dossier citée par le quotidien, se trouve en porte-à-faux avec la stratégie gouvernementale.
L'inquiétude des observateurs porte sur les conséquences économiques de cette approche. Pape Mamadou Touré, spécialiste de la régulation pétrolière internationale, rappelle au Monde un fait crucial : "Le Sénégal cherche toujours des investisseurs pour douze blocs pétroliers offshore." Dans ce contexte, la fermeté affichée contre Woodside Energy apparaît comme un pari particulièrement risqué.
Un pari économique hasardeux
Le consultant pétrolier interrogé par le journal souligne cette contradiction fondamentale : l'État sénégalais se trouve "pris en tenaille entre ses velléités, qui peuvent être légitimes, de renégocier des contrats qui lui étaient défavorables, et un souci existentiel d'attirer des groupes pétroliers".
Cette tension révèle le défi majeur du nouveau pouvoir : concilier ses promesses électorales de renégociation des contrats d'hydrocarbures avec les impératifs économiques d'un pays qui reste largement dépendant des investissements étrangers dans ce secteur stratégique.
L'inquiétude se nourrit également de l'asymétrie temporelle créée par le recours à l'arbitrage international. Mamadou Gacko, avocat spécialisé en arbitrage international, explique au Monde que "une procédure au Cirdi risque de durer au moins deux ou trois ans, peut-être six ou sept". Cette perspective temporelle avantage clairement Woodside Energy face à un État sénégalais confronté à une urgence financière absolue.
Le pays fait face à un "surendettement, note souveraine dégradée, gel du financement du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 1,8 milliard de dollars ayant pour effet de suspendre d'autres financements comme ceux de l'Union européenne", détaille Le Monde. Dans ce contexte de crise financière, les "marges de manœuvre du Sénégal, extrêmement limitées, contraignent les autorités à multiplier audits et redressements".
L'affaire Woodside s'inscrit dans une démarche plus large qui alimente les préoccupations du secteur privé. Le Monde rapporte que de nombreux grands groupes "du français Eiffage au turc Summa" passent actuellement "sous les fourches caudines des inspecteurs des impôts". Cette systématisation des contrôles fiscaux, perçue comme une conséquence directe du "souverainisme" gouvernemental, renforce l'anxiété des investisseurs.
Paradoxalement, cette politique de fermeté intervient au moment où les premiers résultats pétroliers du pays sont encourageants. L'exploitation de Sangomar, lancée en juin 2024, affiche de bons résultats avec plus de 2 millions de barils extraits chaque mois, selon les données rapportées par Le Monde. Mais cette réussite technique ne suffit pas à rassurer un secteur privé de plus en plus critique envers ce qu'il perçoit comme une dérive autoritaire et contre-productive du nouveau pouvoir sénégalais.
L'enjeu dépasse désormais le simple contentieux Woodside pour questionner la capacité du Sénégal à maintenir un équilibre entre souveraineté énergétique et attractivité économique, dans un contexte où les observateurs s'accordent sur un point : sans les investisseurs internationaux, le développement pétrolier du pays restera un mirage.
MOUSTAPHA DIAKHATÉ CONVOQUÉ À LA DIC
L'ancien député doit se présenter mardi 10 juin à la Division des investigations criminelles pour des déclarations tenues dans la presse. Une convocation qu'il dénonce comme une tentative de musellement de l'opposition
(SenePlus) - Moustapha Diakhaté, ancien député a été convoqué par la Division des investigations criminelles (DIC) pour des déclarations qu'il a tenues dans la presse. L'intéressé l'a annoncé lui-même sur Facebook ce lundi 9 juin, détaillant les circonstances de cette convocation.
Selon les explications de Moustapha Diakhaté, cette convocation fait suite à des propos qu'il avait tenus il y a exactement huit mois, lors d'une précédente convocation par la cybercriminalité. "Le texte que je propose aujourd'hui n'est guère différent de celui que j'avais publié, il y a exactement huit mois, lors de ma convocation par la cybercriminalité", précise-t-il dans sa publication.
L'ancien parlementaire raconte avoir été contacté par téléphone vendredi 6 juin à 10h37 par un fonctionnaire de police, qui lui a demandé de se présenter à la DIC le même jour à 15 heures. Après avoir réclamé les motifs et une convocation écrite, il s'est rendu au commissariat mais a attendu "en vain jusqu'à 15h40" avant d'honorer un rendez-vous prévu de longue date.
La convocation officielle lui a finalement été remise lundi 9 juin à 17h35 par le délégué de quartier, fixant le rendez-vous au mardi 10 juin à 10 heures.
Dans sa longue publication Facebook, Moustapha Diakhaté dénonce ce qu'il considère comme une "politique d'épuration" menée par le pouvoir actuel. Il accuse le régime dirigé par Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko de vouloir "faire disparaître toute vraie opposition, toute presse libre, tout État de droit et toute démocratie pluraliste".
L'ancien député établit un parallèle historique avec l'Allemagne nazie, citant une déclaration d'Angela Merkel : "Les droits de l'homme ne s'imposent pas de soi. La liberté ne va pas de soi et la démocratie ne réussit pas de soi." Il rappelle qu'il n'a fallu que six mois à Hitler pour anéantir la démocratie allemande.
Malgré les pressions, Moustapha Diakhaté affirme sa détermination à poursuivre son combat politique. "1000 convocations, 1000 gardes à vue, 1000 retours de parquets, 1000 mandats de dépôts, 1000 condamnations ne m'empêcheront de prendre ma part du combat contre le pouvoir fasciste", déclare-t-il avec véhémence.
Il conclut sa publication par des formules patriotiques en français et en wolof : "Vive la République ! Dieu Bénisse le Sénégal !" et "Bu dee jotee, ku daw ñaaw !"
Cette convocation s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre le nouveau pouvoir et certaines figures de l'opposition, soulevant des questions sur l'état de la liberté d'expression dans le pays.
SÉNÉGAL-CÔTE D'IVOIRE, LE DUEL ÉCONOMIQUE
Dette cachée, déficit budgétaire à 11,7% du PIB : les finances sénégalaises inquiètent les agences de notation. À l'inverse, la Côte d'Ivoire affiche une trajectoire rassurante et s'impose comme le modèle économique de référence en Afrique de l'Ouest
(SenePlus) - Comme lors de leur mythique affrontement en huitième de finale de la CAN 2024 à Yamoussoukro, où les Éléphants l'avaient emporté aux tirs au but face aux Lions de la Teranga, Sénégal et Côte d'Ivoire poursuivent leur duel au sommet. Cette fois, c'est sur le terrain économique que se joue la partie, avec pour enjeu le titre de première puissance francophone d'Afrique de l'Ouest.
La rivalité entre ces deux locomotives de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa) a pris une nouvelle dimension depuis l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence sénégalaise en 2024. Selon l'analyse de Jeune Afrique, les deux pays, qui affichaient jusqu'alors "une stratégie de développement semblable", prennent désormais "des directions opposées".
D'un côté, la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara maintient le cap d'une économie libérale ouverte aux investissements étrangers. De l'autre, le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye mise sur le souverainisme économique, "l'alpha et l'omega de sa politique économique", note le magazine panafricain.
En matière de production de richesse, Abidjan affiche une "confortable longueur d'avance". Les chiffres de 2023 le confirment : avec un PIB de 78,88 milliards de dollars pour 31 millions d'habitants, la Côte d'Ivoire devance largement le Sénégal et ses 30,85 milliards de dollars pour 18 millions d'habitants. L'écart se traduit par 800 dollars de différence en PIB par habitant : 2 506 dollars contre 1 706 dollars.
Cette supériorité ivoirienne s'est construite progressivement. En 2012, rappelle Jeune Afrique, "les deux pays sont au coude à coude et l'écart de PIB par habitant est alors inférieur à 200 dollars". La transformation s'opère sous les mandats d'Alassane Ouattara, quand "la Côte d'Ivoire a profondément transformé son économie et enregistré l'un des taux de croissance les plus rapides et soutenus au monde".
L'économiste ivoirien Séraphin Prao, cité par le magazine, explique cet avantage : "Le premier producteur mondial de cacao peut compter sur ses ressources agricoles et minières. Le secteur minier, qui contribue pour 5 % du PIB, est appelé à se développer fortement à moyen terme grâce à l'ouverture de nouvelles mines."
Le pétrole, atout maître du Sénégal
Mais la donne pourrait changer. Le Sénégal mise sur ses récentes découvertes pétrolières et gazières pour inverser la tendance. Dès cette année, selon les projections du FMI citées par JJA, le pays "devrait afficher la plus forte croissance du continent avec 8,4 %". Séraphin Prao précise : "De vastes gisements de pétrole et de gaz ont été découverts. Les réserves des blocs de Rufisque et de Sangomar sont évaluées à plus d'un milliard de barils de pétrole."
Toutefois, le défi reste colossal pour Dakar. Pour "espérer rattraper la Côte d'Ivoire, le Sénégal va devoir maintenir cette performance pendant au moins une décennie", analyse le magazine.
Sur le terrain des infrastructures, les deux pays rivalisent d'ambition. Au Sénégal, "des infrastructures modernes ont poussé à travers tout le pays", souligne Jeune Afrique. Le train express régional (TER) reliant Dakar à Diamniadio, la ville nouvelle avec son nouvel aéroport international, symbolisent cette modernisation. "Ces dernières années, des centaines de kilomètres d'autoroute ont été construits, le taux d'électrification rurale a été multiplié par deux et dépasse désormais 90 % en zones urbaines."
La Côte d'Ivoire répond présent dans cette course aux équipements. Entre 2011 et 2023, précise le magazine, "le gouvernement affirme avoir investi 2,6 milliards d'euros dans la production, le transport et la distribution d'électricité". L'objectif est ambitieux : "l'intégralité des localités du pays seront connectées d'ici la fin de l'année."
Abidjan témoigne de cette transformation urbaine. Alors que "la capitale économique ne comptait que deux ponts au début des années 2010, il aura fallu moins d'une décennie pour que trois de plus enjambent la lagune Ebrié". Le constat de Jeune Afrique est sans appel : "La Côte d'Ivoire possède le réseau routier le plus développé de la sous-région."
Infrastructures : la course au développement
C'est sur le terrain des finances publiques que l'écart se creuse le plus dangereusement pour le Sénégal. L'agence Moody's, qui plaçait début 2024 "les deux pays ex æquo" avec la même note Ba3, a depuis opéré un bouleversement spectaculaire. En un an, elle a "rétrogradé le pays de trois crans à B3, tandis que Yamoussoukro a vu sa note relevée à Ba2".
Les raisons de cette divergence sont structurelles. Au Sénégal, un audit des finances publiques a révélé "une 'dette cachée' de plus de sept milliards d'euros". Les chiffres du FMI cités par Jeune Afrique sont alarmants : "le déficit budgétaire s'est établi à 11,7 % du PIB tandis que la dette a atteint 105,7 % du PIB" fin 2024.
L'économiste sénégalaise Seydina Alioune Ndiaye, interrogée par le magazine, y voit "la perte de confiance des investisseurs internationaux dans la capacité du Sénégal à honorer ses engagements financiers à moyen terme".
À l'inverse, la Côte d'Ivoire affiche une trajectoire rassurante. Moody's justifie sa note positive par "la résilience économique de la Côte d'Ivoire, soutenue par une diversification économique croissante, des niveaux de revenus en hausse et des perspectives économiques robustes". Dès 2025, "le déficit budgétaire du pays devrait même redescendre en dessous de 3 % du PIB".
Le nouveau cap sénégalais inquiète les observateurs économiques. Seydina Alioune Ndiaye, citée par Jeune Afrique, nuance : "La posture souverainiste qui a conduit à réviser les accords signés et privilégier des partenariats gagnant-gagnant n'est pas mauvaise. Mais il ne faut pas que cette stratégie se transforme en un repoussoir d'investissements directs étrangers (IDE)."
L'enjeu est crucial. En 2023, rappelle le magazine, "le Sénégal était même la première destination de l'Uemoa" en matière d'IDE "avec 2,64 milliards de dollars d'investissements", devançant "le voisin ivoirien" qui "parvenait à attirer 1,75 milliard de dollars".
L'élection présidentielle ivoirienne d'octobre prochain constitue un test pour la stabilité économique du pays. Mais l'agence Fitch Ratings, selon Jeune Afrique, estime que "contrairement à ce qui s'est passé au Sénégal, l'élection n'aura pas de conséquences sur l'activité économique du pays".
Au terme de cette analyse comparative, Jeune Afrique dresse un bilan sans équivoque : "Dans la course à l'émergence, la Côte d'Ivoire a incontestablement pris une longueur d'avance." Reste à savoir si les hydrocarbures sénégalais permettront d'inverser cette tendance dans les années à venir.
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L'ÉVÊQUE QUI RÉCITE LE CORAN
Le Sénégal confirme une fois de plus sa réputation de terre de dialogue interreligieux. À Poponguine, Monseigneur Victoire Ndione a puisé dans la sourate Al-Maidah pour célébrer l'entente exemplaire entre les deux communautés de foi
Lors du pèlerinage de Poponguine, Mgr Victoire Ndione a prononcé un discours remarquable qui illustre parfaitement la coexistence pacifique entre musulmans et chrétiens au Sénégal. L'évêque a notamment récité un passage de la sourate Al-Maidah (sourate 5) du Coran pour souligner les liens d'amitié entre les deux communautés religieuses.
"Tu trouveras certainement que les plus proches des croyants en amitié sont ceux qui disent 'Nous sommes chrétiens'", a déclaré Mgr Ndione en citant le texte coranique, sous les applaudissements de l'assemblée. Il a présenté cette entente sénégalaise comme "un modèle à l'échelle mondiale" et a appelé à ne laisser "personne ni rien perturber cette précieuse proximité".
S'adressant aux pèlerins venus à Notre Dame de la Délivrance, l'évêque a évoqué les nombreux défis auxquels fait face le monde actuel : guerres, catastrophes naturelles, famines, épidémies et déceptions politiques. Il a particulièrement mentionné les souffrances des populations confrontées à l'immigration clandestine et à l'exil, décrivant un "thermomètre du désespoir" en constante augmentation.
Malgré ce constat sombre, Mgr Ndione a appelé à l'espérance, prenant la Vierge Marie comme modèle. Il a insisté sur le fait que l'espérance chrétienne ne doit pas être passive mais "intrinsèquement liée à l'action et à la responsabilité", encourageant les fidèles à ne pas "croiser les bras" face aux problèmes mais à agir avec la conviction que Dieu accompagne leurs efforts.
POPENGUINE HONORE SON FONDATEUR
Les jeunes marcheurs ont rendu hommage au colonel Pierre Faye, tandis que sa famille découvrait avec émotion la pérennité de son initiative
Les jeunes marcheurs du pèlerinage marial de Popenguine ont rendu, dimanche, un grand hommage au colonel Pierre Faye, initiateur de ce grand rendez-vous annuel chrétien, en présence de sa famille émue de voir son œuvre être ainsi perpétuée.
‘’Nous voulons donc dire merci à M. Pierre Faye, et par la même occasion, un grand merci à toute sa famille qui a accepté d’être là ce soir pour vous accueillir, vous les jeunes en son nom, 40 ans après’’, a lancé l’évêque de Kaolack, Monseigneur Martin Boucar Tine.
S’exprimant devant les jeunes marcheurs dont le premier groupe est arrivé au sanctuaire marial aux environs de 14h, le religieux a rappelé qu’‘’en cette édition du jubilé de l’espérance, nous célébrons aussi les 40 ans de la marche du pèlerinage’’.
‘’C’est une occasion de rendre grâce au Seigneur, dire merci au Seigneur pour cette belle initiative, mais également dire merci à ceux qui ont été à la base de cette aventure historique, de cette aventure chrétienne’’, a-t-il ajouté.
La famille de Pierre très touchée
La famille de feu Pierre Faye s’est réjouie de voir son œuvre être perpétuée par les jeunes et l’Eglise.
Devant les marcheurs, la famille marquée par l’émotion a positivement apprécié cet hommage.
Ainsi de sa petite-fille, Christine Awa Bèye. Arrivée au Sénégal depuis deux jours en provenance du Canada, elle ne voulait pour rien au monde manquer cet hommage.
‘’Ça me fait chaud au cœur que tout le monde continue à marcher de telle manière et que ça se pérennise’’, a souligné Christine Awa Bèye, martelant qu’elle ne voulait pas manquer cette occasion choisie pour rendre hommage à son grand-père.
Ami de la famille Faye, Joseph Sarr a dit sa satisfaction pour ce moment d’hommage.
‘’Nous sommes contents, tout heureux d’être là et de voir ces jeunes et moins jeunes continuer de marcher avec autant de joie et d’enthousiasme’’, a-t-il dit.
Le groupe du diocèse de Kaolack, arrivé aux environs de 14h, est le premier à être accueilli au sanctuaire par l’équipe dédiée, composée de Monseigneur Martin Boucar Tine, évêque de Kaolack et du vice-président du Comité national du pèlerinage de Popenguine, père Paul Mandika.
Les marcheurs enthousiastes malgré la fatigue
Marqués par la fatigue, ces jeunes sont heureux d’être présents à cette 137e édition du Pèlerinage marial de Popenguine.
‘’Nous sommes fatigués, notamment à cause du chaud soleil, mais nous sommes très heureux d’être arrivés’’, a déclaré Léon Joseph Samb, de la paroisse cathédrale de Kaolack.
En dépit de la fatigue, il encourage ses camarades et amis restés dans le Saloum, à vivre cette expérience de la marche vers Popenguine.
Gérard Sarr, de la même paroisse, est surtout venu à ce pèlerinage pour des doléances particulières. Elève en classe d’examen, il compte prier pour sa réussite aux différentes épreuves.
‘’Je suis venu déposer mes doléances aux pieds de notre Dame de la Délivrande pour ma réussite. Je suis confiant que maman Marie entendra mes prières’’, a-t-il assuré.
L’abbé Vivien Nadiack a marqué sa joie d’avoir fait le périple, de Dakar à Popenguine, avec les jeunes de sa paroisse de Sainte Cathérine de Sienne de Malika.
PÈLERIN PAR DÉVOTION
Depuis 1981, Lucien Adam Guèye ne rate quasiment jamais le pèlerinage marial de Popenguine. Pour ce retraité de Dakar, cette marche de 137 ans d'histoire reste avant tout un moment de recueillement
Lucien Adam Guèye est un habitué de la marche effectuée à l‘occasion du pèlerinage marial à Popenguine, qui en est cette année à sa 137e édition.
Ce pharmacien à la retraire, pensionnaire de la paroisse Saint Pierre de Baobab de Dakar sacrifie à cette tradition depuis 40 ans.
Arrivé à Popenguine après sa longue marche, le sexagénaire a participé à la prière finale des marcheurs, puis s’est retiré loin du vacarme, avec ses compagnons, pour se reposer et se préparer pour la veillée.
Il a pris départ à la paroisse des Martyrs de l’Ouganda, située dans la commune de Dieupeul, à Dakar, pour se rendre à Popenguine, avec son groupe d’amis constitué de neuf membres.
‘’Cette marche est un moment de recueillement, de prière, de communion avec Dieu et la vierge Marie’’, dit-il. C’est sa foi inébranlable qui, sans doute, fait qu’il ne ressent pas trop de fatigue en dépit de son âge.
Premiers pas vers la marche
Loin de l’image d’une corvée ou d’un ordre imposé, la marche du pèlerin lui est venue de façon spontanée. Lucien Guèye déclare avoir effectué sa première marche de pèlerin en1981.
‘’J’ai commencé à marcher en 1981 et, depuis lors, j’en ai raté que trois, entre 1988 et 1989 à cause du conflit entre le Sénégal et la Mauritanie, et 2020 et 2021 à cause du Covid’’, précise le pharmacien à la retraite.
Il ajoute : ‘’Avec un groupe d’amis, nous avons toutefois organisé une marche restreinte en 2021’’.
Catholique fervent, Lucien Adama Guèye a fait de l’accomplissement de la marche des pèlerins vers Popenguine un point d’honneur. ‘’En 2006, j’ai effectué cet acte de foi à vélo’’, rappelant qu’il a sacrifié à sa première marche en famille.
La marche-pèlerinage à Popenguine est une initiative du défunt colonel Pierre Faye, qui l’a initié, en 1979 ou 1981, selon diverses sources.
Lucien Adama Guèye s’est engagé très jeune au sein de la jeunesse amicale de Saint Pierre. Pour lui, sa dévotion ‘’particulière’’ pour Marie, la mère de Jésus-Christ, a été d’une ‘’grande influence’’ sur lui et son choix à participer à la marche.
‘’Au début, c’était un peu plus un challenge qu’un acte de spiritualité’’, dit-il, rappelant qu’au début, la marche enregistrait une faible participation, mais dans un ordre quasi militaire, puisque son initiateur, le ‘’colonel Faye était lui-même militaire’’.
Une marche spirituelle
S’exprimant sur la préparation physique et spirituelle de cette marche, ce pensionnaire de la paroisse Saint Pierre de Baobab signale qu’à son âge, il se prépare pendant une dizaine de jours, marchant entre 12 et 17 kilomètres, pour être en forme le jour du départ.
‘’Ce qui m’intéresse, c’est le côté spirituel de la marche avec une dévotion particulière à Marie, grâce à qui beaucoup de choses dans ma vie se sont passées’’, lance-t-il.
‘’Je vous donne un petit témoignage : je revenais d’un voyage au cours duquel j’avais tout dépensé et j’ai dit à maman Marie, je n’ai aucun moyen pour participer à la marche cette année, mais je laisse tout entre tes mains et voilà que ma sœur m’appelle pour me payer le billet et l’un de mes frères me donne l’argent de poche’’, raconte-t-il.
Cette passion, il l’a aussi transmise à son épouse et ses enfants. ‘’Avec ma femme on a eu à faire deux ou trois marches ensemble, mais avec la maternité, elle n’a pas pu continuer. J’ai eu à marcher aussi avec mon fils et ma fille. Donc, c’est une dévotion que je partage’’, indique Lucien Adam Guèye
Ce fervent marcheur qui ne rate aucune occasion pour faire des éloges à la sainte Vierge Marie.
A chaque génération son histoire
Si pour l’ancienne génération, la marche est un moment de recueillement récitant le rosaire, priant pour les malades, la nouvelle génération, quant à elle, se préoccupe plutôt de l’aspect sportif et festif du pèlerinage.
‘’Nous faisons durant notre parcours des chapelets médités de quatre mystères glorieux, lumineux, douloureux et joyeux avec des textes déjà préparés. On prie pour les malades, les autorités étatiques, ceux qui sont dans les épreuves, etc.’’, fait-il savoir
Les jeunes, qui constituent la majorité des marcheurs, sont, semble-t-il, moins conscients de l’exercice spirituel de la marche, selon Lucien Adam Guèye.
‘’Pour eux, c’est plus l’aspect festif, sportif, faisant que l’aspect spirituel a tendance à diminuer’’, se désole-t-il, appelant toutefois, les organisateurs à y prêter attention.
par Mahamadou Lamine Sagna
UNE RÉFLEXION CRITIQUE SUR LE MALAISE POSTCOLONIAL.
EXCLUSIF SENEPLUS - Rarement une œuvre m’aura autant confronté à mes biais cognitifs que Les ressentiments d'Elgas. Les maîtres-accusateurs qu’il désigne, comme Cheikh Anta, Fanon, ou Boris Diop, s’inscrivent dans la contestation d’un ordre encore actif
Tel un funambule suspendu au-dessus d’un abîme, le chercheur chemine entre l’exigence de rigueur et l’audace du doute, avançant sur le fil fragile de la pensée critique. Penser, c’est déconstruire, c’est interroger, c’est embrasser l’instabilité du savoir sans chercher de refuge dans les certitudes. Face aux écueils des biais cognitifs, le chercheur doit toujours chercher à conjuguer méthode et autocritique, convaincu que la critique sociale ne saurait se limiter à l’étude de l’altérité : elle exige aussi un regard lucide sur soi-même. C’est avec cette vigilance que je m’étais forgé, avant même d’ouvrir Les Bons Ressentiments : Une Réflexion Critique sur le Malaise Postcolonial.
Pourquoi ce titre ?
Je reprends ici cette interrogation stimulante de la préfacière Sophie Bessis, qui formule avec justesse dans sa préface :
« Ce qui fait que les deux affluents, du Sud et du Nord, se sont rejoints afin de former un courant assez puissant pour s’imposer dans le débat mondial est le partage de cette passion triste qu’est le ressentiment. » (page 5) Comprendre et dépasser le ressentiment pour une Afrique réinventée
Rarement une œuvre m’aura autant confronté à mes biais cognitifs que Les bons ressentiments d’Elgas. Avant même de lire le texte, j’avais formulé une critique basée sur quelques extraits et interviews, une démarche que je reconnais aujourd’hui comme hâtive. Une lecture attentive de l’essai m’a révélé la profondeur et la richesse des réflexions proposées. Certes, j’ai quelques réserves, mais les questions fondamentales qui sont abordées dans ce livre sont d’une importance capitale, de part et d’autre, lorsqu’on interroge le cadre postcolonial dans des dynamiques universelles.
Dans une prose à la fois acérée et ondoyante, il nous entraîne dans une dialectique vivante, une danse intellectuelle où passé et futur s’entrelacent pour imaginer un monde affranchi des enfermements idéologiques.
Il ébranle nos grilles de lecture, révèle ces structures invisibles qui orientent nos perceptions. Sa réflexion, bien au-delà du ressentiment postcolonial, explore non seulement les méandres de la mémoire, de la justice et des rapports de pouvoir, mais aussi suggère en filigrane une réflexion sur la neutralité axiologique et la notion déconstruction.
Le cœur de l’ouvrage réside dans l’exploration de formes de ressentiment, ce mélange complexe de colère, d’humiliation et de frustration, est comme dans une perspective nietzscheenne[i],une force ambivalente : il peut être à la fois moteur de transformation sociale et piège immobilisant. A l’instar du philosophe allemand, Elgas distingue implicitement un ressentiment actif, porteur d’émancipation, d’un ressentiment passif, enfermé dans la victimisation.
D’un côté, le ressentiment peut révéler les injustices structurelles héritées de la colonisation et nourrir une volonté légitime de transformation. D’un autre, lorsqu’il s’enracine dans une fixation sur le passé, il enferme les sociétés dans une posture victimaire stérile. L’auteur exhorte à transcender la plainte pour transformer l’énergie du ressentiment en un levier de changement constructif. Le ressentiment en tant que symptôme d’un malaise collectif peut être présenté comme des opportunités pour réfléchir sur les dynamiques sociales et intellectuelles. Cette approche critique, Elgas l’effectue dans une analyse approfondie de figures et de dynamiques historiques.
Dans le chapitre Portraits d’aliénés, il convoque des figures telles que l’écrivain malien Yambo Ouologuen, dont les critiques incisives lui ont valu d’être rejeté, parfois même par ses pairs africains. À travers cet exemple, Elgas montre comment la littérature africaine, loin d’être un simple espace d’expression culturelle, devient un champ d’affrontement idéologique. Les accusations portées contre des écrivains jugés trop critiques, voire « afro pessimistes », révèlent une tension profonde entre la volonté de préserver une image valorisée de l’Afrique et la nécessité d’une critique interne. La littérature, dans ce contexte, apparaît comme un lieu où émergent de nouveaux intellectuels révolutionnaires, capables de confronter les contradictions des sociétés africaines.
Cette réflexion se poursuit dans La Fabrique des nouveaux rebelles Chapitre II), où Elgas analyse l’usage du concept de « colonialité » par certains intellectuels africains. Ce terme, central dans les discours décoloniaux, vise à dénoncer les prolongements de la domination coloniale dans les structures actuelles de pouvoir. Rappelons-le, le terme "décolonial" émerge dans les années 1990, porté principalement par des intellectuels latino-américains comme Aníbal Quijano, Walter Mignolo et Enrique Dussel. Ce concept critique l'héritage persistant du colonialisme dans les structures sociales, économiques et culturelles. La "colonialité du pouvoir" de Quijano décrit comment les hiérarchies de domination persistent même après la fin des empires coloniaux. La pensée décoloniale met en lumière la domination épistémologique, économique et culturelle du savoir occidental tout en valorisant les perspectives des cultures colonisées.
Il est important de préciser que les penseurs décoloniaux, qui critiquent l'eurocentrisme et la colonialité du savoir, ont emprunté le concept derridien de « déconstruction » pour construire leur grille théorique. Cette approche consiste à mettre en lumière comment les oppositions binaires (telles que présence/absence, langage/écriture) sous-tendent nos systèmes de pensée et de pouvoir.
Bien que Jacques Derrida[ii] s'attaque aux structures de pensée qui fondent nos catégories de connaissance, la démarche décoloniale va plus loin en dénonçant et en déconstruisant les hiérarchies raciales, culturelles et géopolitiques héritées de la colonisation. Ainsi, les deux approches visent à exposer les structures de domination invisibles et à ouvrir la voie à de nouvelles formes de savoirs et d'interactions sociales.
En somme, la déconstruction derridienne et le décolonial partagent l'objectif de déconstruire des systèmes établis et de proposer des perspectives alternatives. Cependant, le décolonial se distingue par son ancrage spécifique dans les réalités post-coloniales et dans les luttes contre les héritages de la colonisation.
Dans cette perspective, Elgas soumet le concept décolonial à une série de distorsions en interrogeant notamment les rapports de pouvoir et les oppositions binaires qui structurent nos modes de pensée, y compris au sein de ceux qui l’utilisent.
Autrement dit, Elgas soumet la logique critique du mouvement décolonial à une réflexion interne, ce qui permet de remettre en question les hiérarchies implicites et les systèmes de domination présents dans les discours et postures des penseurs décoloniaux. Il critique notamment l'instrumentalisation de ce concept par certains intellectuels qui, en l’utilisant pour légitimer leur place dans les cercles académiques, surtout occidentaux, finissent par en faire un outil de positionnement personnel, s’éloignant dans une certaine mesure de l'objectif initial de transformation sociale.
Cette critique trouve un écho dans les travaux de Michel Foucault[iii]sur le pouvoir et le contrôle des récits. Dans L’Ordre du discours et Surveiller et punir, Foucault analyse comment les discours dominants ne se contentent pas de refléter des vérités historiques, mais les produisent, excluant les récits alternatifs et marginalisant ceux qui contestent l’ordre établi. Il semble qu’Elgas applique cette grille d’analyse aux discours décoloniaux, en démontrant que certains intellectuels africains, tout en critiquant la colonialité, s’inscrivent dans des dynamiques institutionnelles qui reproduisent ces mêmes structures de pouvoir. Par une approche dialectique, Elgas met en lumière la difficulté pour ces intellectuels de concilier leur critique de l'Occident avec leur dépendance à ses réseaux de validation. Il met en évidence un paradoxe majeur : bien que les intellectuels africains dénoncent les injustices du colonialisme, ils demeurent souvent attachés aux réseaux de validation occidentaux. Selon l’auteur, cette contradiction incarne l’enchevêtrement des rapports de pouvoir dans les sociétés postcoloniales.
Dans le chapitre Généalogie du sentiment anti-français et anti-occidental, Elgas interroge la légitimité des ressentiments envers l’Occident, les replaçant dans une perspective historique et morale. Il met en évidence que certaines élites africaines exploitent le passé colonial et les luttes anticoloniales pour légitimer leur pouvoir, tout en détournant l’attention des réformes nécessaires.
Cette situation observée par Elgas, soulève une question essentielle : comment maintenir l'intégrité d’un discours critique quand il est utilisé pour légitimer des positions dans les mêmes systèmes qu’il critique ?
Bien que ces ressentiments soient compréhensibles, Elgas met en garde qu'ils risquent de devenir des obstacles à une transformation constructive s’ils ne sont pas accompagnés d’une réflexion critique. Il soutient la nécessité de dépasser ces ressentiments pour permettre une reconstruction durable des sociétés africaines.
Mais la question que nous nous posons est celle-ci : peut-on réellement se débarrasser de « bons ressentiments » dans un système de domination permanente ? Autrement dit, l’Universel serait-il un espace de rencontre exempt de rapport de pouvoir asymétrique ? L’intellectuel africain peut-il sortir de cet étau que j'appelle "paradigme schizophrénique" ?
Le "paradigme schizophrénique" désigne ici précisément cette contradiction dans laquelle l’intellectuel se trouve : tout en dénonçant les injustices d’un système, il se retrouve néanmoins impliqué dans ce même système, cherchant validation et reconnaissance au sein des structures qu’il prétend critiquer et remettre en question.
Certes, l’intellectuel, en particulier, lorsqu’il adopte une approche pluridisciplinaire, est souvent confronté à une forme de schizophrénie intellectuelle, mais cette situation devient problématique lorsqu’il ne l’accompagne pas d’une réflexion éthique. Sortir de ce paradigme n’est pas seulement un défi moral, mais aussi stratégique.
Face aux injustices, l’adoption d’une posture de neutralité vis-à-vis des structures dominantes pourrait être perçue comme une attitude de complicité. En lisant Les Bons Ressentiments, je perçois en filigrane la question de la neutralité axiologique, un principe formulé par Max Weber, selon lequel le chercheur doit s'abstenir d'introduire ses propres valeurs dans son analyse. Bien que l'objectivité scientifique implique effectivement une certaine neutralité axiologique, cette posture devient problématique lorsqu'on évolue dans un contexte marqué par des injustices ou des inégalités persistantes. Dans de telles circonstances, la volonté de rester neutre peut, paradoxalement, se transformer en une forme de complicité avec les structures de pouvoir existantes, qui perpétuent des rapports de domination et d'oppression. L'engagement intellectuel s'avère donc crucial, notamment dans un contexte où les souffrances collectives sont souvent ignorées et invisibilisées.
Dans de telles situations, non seulement cette neutralité est difficile à maintenir, mais elle peut aussi être perçue comme une forme de complicité. Comme le souligne John Rawls[iv], le ressentiment est une réaction naturelle aux injustices systémiques, et il trouve sa justification morale dans des sociétés où les institutions échouent à respecter les principes d’équité.
Lorsque des rapports de pouvoir sont en jeu, exprimer du ressentiment signifie prendre en compte les enjeux politiques et sociaux sous-jacents aux systèmes de domination.
Dans leurs travaux récents, Khadim Ndiaye et Adam Shatz ont montré, respectivement à travers l’analyse de Cheikh Anta Diop et Frantz Fanon, comment ces deux penseurs ont su, au-delà de leurs postures scientifiques, rejeter la neutralité axiologique lorsqu'il le fallait. Khadim Ndiaye souligne que Diop a toujours intégré dans ses travaux les enjeux politiques et existentiels du colonialisme et de la colonialité dans la production des connaissances. Cette approche épistémologique explique son engagement politique. De même, Adam Shatz met en lumière que Fanon, profondément militant, n’a jamais cherché à rester neutre. Son œuvre doit donc être lue à travers son engagement pour la décolonisation. Ainsi, les œuvres de Diop et de Fanon ne peuvent être interprétées à l’aune de la neutralité axiologique ; il est nécessaire de dépasser cette posture de neutralité.
En réponse au système colonial, Frantz Fanon et Cheikh Anta Diop ont utilisé des renversements dialectiques pour déconstruire non seulement les discours dominants, mais aussi pour mettre en lumière les voies possibles de dépassement des contradictions inhérentes à ces systèmes de domination. Leur engagement intellectuel a permis d’ouvrir des pistes de réflexion sur la transformation des consciences et sur la réinvention des rapports sociaux, culturels et politiques.
Dans cette perspective, les expressions d’agentivité qui imprègnent les sciences sociales africaines trouvent leur légitimité. Même si Elgas semble conscient du risque de trahir cette agentivité en l’associant à une « chasse aux sorcières » (p.84), il est crucial de comprendre que les « maîtres-accusateurs » qu’il désigne, comme Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, ou encore Boubacar Boris Diop, s’inscrivent dans une longue tradition de contestation d’un ordre politique et épistémologique encore actif. Par conséquent, leurs œuvres ne sauraient être réduites à une « pensée vengeresse ». Loin d’une simple analyse des injustices passées, leurs écrits ouvrent des voies inédites pour une transformation des consciences et pour de nouvelles perspectives sociales et politiques. Le CODESRIA, cité par Elgas, ne doit pas être perçu comme un simple foyer anti-occidental. Il incarne une volonté de promouvoir une agentivité africaine. En dépit des critiques, le CODESRIA demeure aujourd'hui l’une des rares institutions académiques sur le continent à mobiliser les sciences sociales pour le développement de l’Afrique.
Cela dit, à travers une critique nuancée de la rhétorique décoloniale et des « maîtres-accusateurs », l’auteur nous pousse à reconnaître les tensions entre l’opposition à l’ordre dominant et la reproduction des structures que l’on cherche à déconstruire. Cette démarche ouvre un espace crucial pour réévaluer nos outils d'analyse des rapports de pouvoir, tout en repensant la manière dont nous construisons, valorisons et dévalorisons les savoirs dans une dynamique d'émancipation intellectuelle et sociale.
Les Bons Ressentiments se transforment ainsi en un appel à une transformation radicale, une réinvention des récits sociaux et politiques, permettant aux voix longtemps marginalisées de résonner enfin dans l’espace public. En somme, même si certaines de ses propositions ne correspondent pas à toutes les visions, ce livre est indispensable à la compréhension des enjeux contemporains de la décolonisation intellectuelle et sociale. Il est essentiel de le lire, non pas pour adhérer à toutes ses idées, mais pour engager une réflexion plus large sur les conditions de possibilité d’un avenir plus juste et plus équitable, libéré des structures héritées du passé.
Elgas. (2023). Les bons ressentiments : Une réflexion critique sur le malaise postcolonial. Paris : Riveneuve, Collection Pépites.
[i] Dans La Généalogie de la morale (1887), Nietzsche distingue deux formes de ressentiment :
Moteur légitime : Réaction naturelle à l’injustice, il peut inverser les valeurs, comme dans la morale chrétienne.
Poison destructeur : Lorsqu’il persiste, il paralyse l’action et nourrit la rancune, créant une « morale des esclaves ».
Nietzsche invite à dépasser ce ressentiment par la création de valeurs affirmatives.
Référence : Nietzsche, Friedrich. La Généalogie de la morale (1887).
[iii] Foucault, Michel. (1971). L'Ordre du discours. Paris: Gallimard.
[iv] Rawls, John. (1971). A Theory of Justice. Cambridge, MA: Harvard University Press.
Derrida, J. (1967). L'écriture et la différence. Paris : Les Éditions de Minuit.