Le président de Rewmi (opposition), Idrissa Seck, a jugé ‘’absolument essentiel’’, mardi, à Tivaouane (ouest), que le peuple sénégalais se réconcilie avec lui-même pour faciliter la gestion du pays
Le président de Rewmi (opposition), Idrissa Seck, a jugé ‘’absolument essentiel’’, mardi, à Tivaouane (ouest), que le peuple sénégalais se réconcilie avec lui-même pour faciliter la gestion du pays.
M. Seck s’adressait à la presse après avoir été reçu par Serigne Mbaye Sy Abdou, au domicile du khalife général des tidjanes, en prélude au Mawlid prévu mercredi.
Selon Idrissa Seck, candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024, cet événement, la célébration de la naissance du prophète Mohamed, est l’occasion de demander au guide religieux de prier pour une ‘’transmission pacifique du pouvoir’’, après le scrutin qu’il souhaite apaisé.
‘’Le Mawlid, a-t-il dit, est une occasion pour la oumma (la communauté musulmane) de solliciter le khalife général des tidjanes pour ses prières en vue de la paix, de la stabilité et de la tranquillité.’’
Des prières, a-t-il poursuivi, pour ‘’que Dieu nous offre l’opportunité de traverser les échéances futures dans d’excellentes conditions, pour qu’il y ait une transmission pacifique du pouvoir, sans violence’’.
Cela, afin ‘’que la démocratie sénégalaise se hisse de nouveau là où nos prédécesseurs l’ont laissée.’’
Ce qui veut dire, en d’autres termes, ‘’une démocratie apaisée, dans laquelle les libertés sont garanties’’, a ajouté Idrissa Seck. Selon lui, cela s’avère nécessaire ‘’dans un contexte africain et international très troublé’’.
Interpellé sur sa ‘’constance’’ dans l’engagement politique, dont a parlé Serigne Mbaye Sy Abdou lors de leur entretien, M. Seck a dit qu’elle est motivée par sa conviction que tous les membres de la société sont ‘’investis d’une même mission, qui est, du berceau au tombeau, de produire le maximum de bienfaits pour notre communauté, quelle que soit la station qu’on occupe’’.
‘’La politique offre des possibilités plus importantes que d’autres secteurs’’ dans l’accomplissement d’une telle mission, estime M. Seck, deuxième à l’élection présidentielle de 2019.
‘’Il faut être constant dans le souhait d’accéder aux fonctions à responsabilités, pour contribuer au maximum à la production de bienfaits pour le Sénégal et l’Afrique’’, a-t-il affirmé.
C’est ‘’le seul sens de notre engagement politique’’, a précisé l’ancien Premier ministre et ex-président du Conseil économique, social et environnemental, ajoutant qu’à travers la politique, il recherche la ‘’cohésion nationale’’.
‘’Le silence est toujours une occasion de réflexion profonde’’, a-t-il dit lorsqu’il a été interrogé sur le silence qu’il observe depuis quelque temps.
SUR LES TRACES DES SAVANTS DU FOUTA
Retour sur quelques grandes figures qui ont marqué de leur empreinte l’histoire religieuse et l’enseignement des sciences islamiques, mais aussi la propagation de la tidjania
Le Fouta Toro se situe de part et d’autre du fleuve Sénégal. Cette position en fait un trait d’union entre le Sénégal et la Mauritanie, deux pays frères. Du côté sénégalais, on délimite la plupart du temps le Fouta de Dagana à Bakel. Aussi, sur ces vastes étendues de terre, de culture, d’agriculture, d’élevage… naquirent et naissent toujours de grands érudits en sciences coraniques et islamiques. Le Fouta, fortement islamisé, est divisé en provinces à caractère administratif et traditionnel avec, à partir de l’ouest jusqu’aux limites du Walo, le Toro, puis successivement, vers l’est, le Lao (law), le Yirlabé, le Bosséa et le Nguénar et enfin, à l’extrême est, le Damga, aux abords du Guidimakha. Nous vous présentons, dans ce Cahier, quelques grandes figures qui ont marqué, de leur empreinte, l’histoire religieuse et l’enseignement des sciences islamiques, mais aussi la propagation de la tidjania.
Thierno Hamet Baba Talla de Thilogne reste, sans conteste, un maître. Il a formé de grands noms dans l’enseignement coranique et des sciences islamiques. À son époque, son académie, sise à Thilogne, était sans conteste un centre universitaire qui a permis au Fouta de renouer avec la tradition, après la fermeture de nombreux foyers religieux du fait du départ d’El Hadji Oumar Foutiyou Tall, pour son « djihad ».
Plusieurs légendes sont rapportées sur la vie et l’enseignement de Thierno Hamet Baba Talla (1871-1935). Celui qui pourrait être qualifié de recteur de l’université ou l’académie d’enseignement de Thilogne n’aurait formé que des « waliwou ». « Je ne sais pas si tous ses élèves ou étudiants sont devenus waliwou (savants), mais je suis persuadé qu’ils étaient tous de grands érudits », fait remarquer Thierno Mamadou Lamine Ly de Doumga Ouro Alpha dont le père, Thierno Cheikh Youmakane, a été disciple de Thierno Hamet comme est appelé l’enseignant émérite de Thilogne.
Une autre légende rapporte également qu’il n’y a eu qu’un seul de ses élèves qui n’ait pas maîtrisé le Coran. Bucheron, celui-ci s’est fait remarquer par les tablettes destinées aux élèves coraniques. Et quiconque étudiait avec sa tablette était sûr de maîtriser le Coran. Par la baraka du maître de ce « labo » (singulier de laobé). Au-delà de la légende, le retour sur la vie de Thierno Hamet, comme il est encore affectueusement appelé sur toute l’étendue du Fouta, est un rappel de la quête de savoirs dont il s’est fait montre, mais surtout sa transmission. Né dans un Fouta (à Sinthiou Bamambé plus précisément) juste au lendemain de « l’émigration de la quasi-totalité des érudits, chefs religieux, enseignants et fidèles ayant suivi El Hadji Oumar Foutiyou Tall vers l’est », Thierno Hamet s’est battu pour reconstituer un trésor de savants après avoir fait ses humanités dans différentes écoles. Et surtout s’être formé et consolidé dans la vie par des voyages, rencontres, découvertes. Son petit-fils, Mouhamed Moustapha Talla (fils de la fille aînée de Thierno Hamet), dénombre, dans l’ouvrage « Histoire de l’académie islamique de Thierno Hamet Baba Talla de Thilogne » qu’il lui a consacré, plus de 150 disciples originaires du Fouta et des deux Guinée, du Mali, de la Mauritanie, du Niger. L’enseignant arabe à la retraite insiste sur le fait que le « mouvement omarien a eu comme conséquences dommageables la fermeture de la quasi-totalité des écoles coraniques dans le Fouta ».
Le recteur de la grande université islamique de Thilogne
Ainsi, les hommes « sortis du moule de l’école de Thierno Hamet sont des témoignages édifiants et des preuves manifestes attestant de la place qu’occupait Thierno Hamet dans le monde des sciences et des lettres arabo-musulmanes », rappelle le petit-fils qui a longtemps enseigné l’arabe en Mauritanie et consacré près de 20 ans à la recherche pour écrire son livre. Installé dans les nouveaux quartiers de Thilogne, du côté de la route nationale, Mouhamed Moustapha Talla, semble profiter de sa retraite et plonger dans la médiation malgré la perte de sa vue. Bien qu’aîné des petits-fils, il n’assure pas le khalifat puisqu’il est descendant du saint homme par sa mère. Ce qui n’entrave en rien les relations avec ses autres cousins qui continuent d’élire domicile dans le Thilogne traditionnel où surgissent des bâtiments modernes.
La ferveur et les différents cycles dans l’apprentissage, encore réels, sont les témoignages d’un passé glorieux et bien conservé dans cette vaste cour où des centaines d’élèves psalmodient, récitent des versets du Coran, écoutent les explications d’un maître sur un enseignement spécialisé. La cour grouille de monde et les préposés à l’enseignement sont tous des petits-fils de Thierno Hamet qui se font un devoir, comme dans de nombreuses familles du Fouta, de perpétuer la tradition dans l’enseignement. L’école actuelle a été ouverte par Mouhamed Abdourahim Talla, fils de Thierno Hamet, et qu’il a léguée à son fils et khalife actuel de la famille Thierno Siradio Talla. Ce dernier vit en parfaite intelligence avec ses frères, cousins et enfants, partageant les repas et échangeant des nouvelles.
De cette académie actuelle, qui grouille d’enfants venus de partout, sortiront certainement des hommes de sciences comme du temps de l’époque de Thierno Hamet. On pourrait citer avec Thierno Mouhamed Moustapha Talla parmi ceux-là, Thierno Mamadou Bocar Kane de Kaédi considéré comme l’héritier spirituel, Thierno Baba Gallé Wone également de Kaédi même s’il a vécu longtemps à Diourbel. Thierno Aliou Thierno Yéro Bal (Nguidjilogne), Aladji Mamadou Seydou Bâ (Madina-Gounass), Thierno Abderrahmane Sall (Thierno Banadji), Thierno Alpha Ibrahima Wane (Kanel), Thierno Cheikh Youmakane Ly (Doumga Ouro Alpha), Thierno Amadou Ibrahima Datt (Dioum)… Tous ont été parmi ses disciples. Ces nombreux élèves, avec leurs descendances et la famille réelle, perpétuent l’enseignement auquel s’était attaché Thierno Hamet toute sa vie durant tant les écoles ou académies ont fleuri et rivalisent d’ardeur dans la transmission des connaissances.
La réputation de l’université des Thierno Hamet réside également dans le fait qu’il enseignait toutes les sciences religieuses islamiques.
Le père de Mouhamed (le vrai nom de Thierno Hamet) Baba Talla, Sidiki avait, avant son décès, fait un « testament selon lequel sa mère Sokhna Zeinaba Coumba Anne devait s’occuper de lui, l’éduquer jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge scolaire », selon Mouhamed Moustapha Talla. Cette mère devait ensuite l’envoyer au village natal de Sinthiou Bamambé pour des études auprès de Thierno Bocar Sow à l’âge de 5 ans. « Malgré son bas âge et l’éloignement de sa mère, il était très sérieux et travaillait avec zèle. Très vite son maître fut frappé par son intelligence, son ouverture d’esprit, sa capacité énorme de mémorisation et son désir manifeste de poursuivre son apprentissage avec rapidité », écrit dans son livre le petit-fils.
Il mémorisa le Coran avec Thierno Bocar Sow, « sacrifiant au désir de son défunt père ». Revenu à Thilogne avec son « idiaza » (licence), il sera confié à son frère Cifré Talla qui prend dorénavant en charge son enseignement et son éducation. Les deux frères partiront en Mauritanie. Au rappel à Dieu de ce frère, la maman se lance dans la recherche d’un nouveau maître pour son jeune fils. Ce nouveau maître sera Thierno Ahmad Makhtar Anne (Thierno Yéro Baal) de Nguidjilogne qui « n’avait d’égal tant il maîtrisait parfaitement toutes les sciences dont un étudiant avait besoin », selon Mouhamed Moustapha Talla. Il ajoute que « Thierno Hamet n’avait besoin que de quelqu’un désireux de l’aider à achever ses études déjà très avancées. Il possédait un niveau remarquable en langues et sciences arabo-islamiques. Il ne lui restait à voir, avec son maître, que les matières dites d’achèvement telles que la rhétorique et ses branches, la logique (analytique) et d’autres comme les racines du fiqh ». Il apprend également que Thierno Hamet prendra l’habitude de se substituer, durant son séjour, au maître dans l’enseignement des disciples, notamment lorsque celui-ci devint aveugle.
Nombreux voyages
Et malgré ses « occupations prenantes et enrichissantes », Thierno était tenaillé par le « souci de mieux prendre en charge sa mère et toute sa famille ». Ce qui l’amène à se rendre à Dakar, une ville « pleine d’opportunités ». En cours de route, il s’arrêta à Saint-Louis où il entendit parler d’un « chantre incontestable du savoir en la personne d’El Hadji Malick Sy ». Il s’attacha à l’homme et tira profit de son vaste savoir. Il le « suivit d’ailleurs dans ses trois villes d’élection (Ndar, Tivaouane et Dakar) pour continuer à puiser dans ce puits inépuisable », selon son petit-fils. « Il écoutait et observait El Hadji Malick Sy. Et de temps en temps, il remplaçait le saint homme dans la transmission des connaissances… El Hadji Malick se tenait, d’ailleurs, parfois pas loin du théâtre des opérations, en écoutant et observant avec satisfaction l’enseignement que Thierno Hamet livrait aux disciples qu’il lui avait confiés. C’est ainsi qu’il constata sa maitrise en la matière, son ton clair et agréable et sa capacité à rendre intelligible sur des questions extrêmement compliquées », explique le petit-fils.
Après de nombreuses années de voyage, loin de Thilogne et de la mère, Thierno Hamet se décide de rentrer sous la pression de celle-ci et d’un nommé Thierno Ahmed Tidiane Wone de Kaédi qui lui finance un commerce (boutique). C’était en 1908. Il décide alors de se consacrer exclusivement à l’enseignement. Au grand bonheur des Foutanké. Mais aussi avec des règles strictes qui faisaient office de « pratique méthodologique et de procédure disciplinaire ». « Ses élèves acceptèrent d’ailleurs volontiers ces conditions : la limitation de la leçon à apprendre revient au maitre et non à l’apprenant, il n’y a qu’une seule leçon pour tous les apprenants qui désirent l’apprendre et un étudiant ne peut avoir qu’une seule leçon dans la journée, il a désigné et limité les jours de la semaine pendant lesquels il enseignait pour consacrer les jours restants au repos et à d’autres occupations », révèle Mouhamadou Moustapha Talla. Thierno Hamet enseignait gratuitement. Le nombre de ses élèves commença à prendre de l’ampleur et son école l’envol.
DE LA KHADRIA À LA TIDIANIA
La grande implication d’El Hadji Malick Sy
Disciple khadre au début, Thierno Hamet Baba Talla est devenu adepte de la tidjania grâce aux efforts appuyés et inlassables de El Hadj Malick Sy et du Chérif Mouhamdou Moctar Aïdara de Kayes. Il faut dire que c’est à travers ses multiples voyages à caractère scientifique que Thierno Hamet a rencontré Cheikhna Sadibou Ould Sidya, un « homme détenteur d’une grande science religieuse qui le consacra dans la tarikha qadria (autorisation et licence à la fois) ». Cet honneur, il le partage avec d’autres grands saints du Fouta de l’époque comme son maître Thierno Ahmad Mokhtar Anne (Yéro Baal), selon l’historien Cheikh Moussa Camara.
L’enrôlement de Thierno Hamet Baba dans la tidjania se fera avec l’aide de El Hadji Malick Sy avec qui il avait une « proximité certaine ». Ce dernier avait « pris la décision de tout faire pour qu’il le rejoigne dans la tidjania », selon Mouhamdou Moustapha Talla. Avec patience, le sage de Tivaouane pensait « agir progressivement afin de laisser le temps à Thierno le soin de procéder à un choix délibéré puisque son compagnonnage avec cet homme d’une grande dimension lui avait révélé que celui-ci savait choisir en connaissance de cause », écrit l’auteur.
Chacun campait sur sa position, poursuivant sa voie jusqu’à la venue de Chérif Moctar de Kayes à Dakar. « Maodo mit à profit cet évènement pour accueillir le saint homme avec Thierno Hamet. Le but non avoué était de mettre encore plus de pression sur ce dernier en tirant parti de la présence de Chérif Moctar pour qu’enfin Thierno rejoigne la tidjania. L’ambition était tout autre pour Thierno Hamet. Il ne désirait rien de plus que rencontrer le descendant du Prophète (Psl) et connu pour être un chef religieux réputé par le rang très élevé qu’il avait atteint dans l’Islam soufi », explique l’auteur. Thierno Hamet finit par embrasser la tidjania au contact de Chérif Moctar. Au grand bonheur d’El Hadji Malick Sy et de ses nombreux disciples.
par Mamadou Ndiaye Ba
KHALIFA SALL : REAC-TIF
Sous ses dehors lisses et affables, se cache un homme d’actions qui a toujours su aller, à la conquête de ses combats politiques. Son parcours est très éloquent à cet égard
Le sous-estimer, c’est le méconnaitre. Sous ses airs d’homme lisse et affable, se cache une véritable figure politique.
Pas besoin d’arpenter les différentes contrées du Sénégal, Khalifa Ababacar Sall semble faire l’unanimité, il est apprécié pour son « calme », « sa politesse », « son esprit d’ouverture » et sa « capacité de dépassement » entre autres. Et pourtant, depuis que sa formation politique Taxawu Sénégal a répondu à l’appel au dialogue national, certains le traitent de « traitre ». Une qualification somme toute paradoxale, sourit un membre de son entourage qui demeure persuader « même la constance attise parfois les jalousies ». Que faire, se demande-t-il, avant de servir lui-même la réponse : « continuer et demeurer constant ».
Malgré les nombreux procès d’intentions dont il est victime, Khalifa Sall s’interdit de juger les autres et accepte volontiers, à la fois leur choix et orientations politiques. Ce qu’ils semblent, lui refuser en retour. « Il ne juge personne et se montre ouvert envers tous. Ces ombres furtives qui viennent à la nuit tombée, prendre conseil, redescendent tête baissée, pour ensuite aller l’attaquer, quelques jours plus tard, dans les médias. Ceux qui ne savent plus où donner de la tête, perdus dans les dédales de la réalité politique. Et tous ceux qu’on pourrait qualifier d’immatures, chacun a une place dans le cœur de Khalifa », confie un de ses collaborateurs.
En résumé, Khalifa Sall passe pour une sorte de mur de lamentations où on vient se confier quand tout va mal, pour ensuite se permettre de l’attaqueur, car sachant parfaitement qu’il ne vous en voudra pas. Faiblesse ? Non, confesse, son collaborateur qui parle plutôt de force. « Quelqu’un qui aspire à diriger doit savoir comprendre, tout le monde, en ayant toujours cette capacité de discernement et non de jugement », relève-t-il.
Khalifa Sall natif de Louga dans la zone nord du Sénégal a grandi à Dakar dans le quartier de Grand Yoff. Il a fréquenté l'école primaire Mor Fall. Il obtient baccalauréat, au Lycée Blaise Diagne vers la fin des années 1970. Il s'inscrit à la faculté des lettres au département d’histoire et de géographie à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. Entre-temps, il a enseigné comme professeur d’histoire-géographie de 1981 à 1982. En 1983, il obtient une maîtrise d'histoire, puis une maîtrise en droit constitutionnel, en 1987.
Sous ses dehors lisses et affables, se cache un homme d’actions qui a toujours su aller, à la conquête de ses combats politiques. Son parcours est très éloquent à cet égard.
Khalifa Ababacar Sall a été le plus jeune représentant du peuple. Époque qui coïncide avec une présence imposante de l’opposition, dirigée en cette année 1983, par Me Abdoulaye Wade. Il conservera ce poste de député, jusqu’en 1993, année où il rejoint l’attelage gouvernemental du président Abdou Diouf. A l’époque, il fallait batailler ferme pour exister. Les acteurs politiques étaient respectés, pour leur assise intellectuelle, leur plus-value politique et leur courage sans faille. N’était certainement pas député qui le veut. Khalifa Ababacar Sall, malgré son jeune âge marquera la législature, d’une empreinte indélébile. Sa capacité à se familiariser des dossiers lui vaudra une promotion. Il sera nommé ministre chargé des Relations avec les Assemblées. En 1998, il devient ministre du Commerce du dernier gouvernement du régime socialiste.
L’an 2000, la perte du pouvoir
Khalifa Ababacar Sall semble à l’aise autant au pouvoir que dans l’opposition. Un an après, la perte du pouvoir, il est redevenu parlementaire en 2001. Il occupe le poste jusqu’en 2007, période marquée par le boycott de l’opposition, dont il faisait partie lors des élections législatives. C’est à partir de ce moment que la carrière politique de Khalifa Ababacar Sall a connu une nouvelle tournure qui le conduit à la tête de la mairie de la ville de Dakar, sous la bannière de la coalition Benno Siggil Senegaal, une coalition pilotée par Moustapha Niasse. Les changements notés dans l’échiquier politique ont été à l’origine de la création de la coalition « Takhawu Ndakaru ». Liste avec laquelle le socialiste a été réélu lors d'élections locales de 2014. Khalifa Ababacar Sall poursuit sa conquête de l’espace politique. Il rafle la quasi-totalité des communes de la capitale.
Khalifa Sall est peint sous les traits d’un charismatique politique. « Il suffit de le côtoyer, pour être charmé, par ses capacités, peu communes », relève un de ses proches. Durant son mandat, Khalifa Sall a mis en œuvre plusieurs initiatives majeures, pour améliorer la vie des Dakarois. Parmi ces réalisations notables, la modernisation des infrastructures urbaines, notamment la réhabilitation de certaines routes et places publiques, ainsi que la création d'espaces verts et de zones de loisirs pour les citoyens. Il a également mis l'accent sur l'amélioration de la gestion des déchets et la promotion de pratiques de recyclage.
Khalifa Sall est surtout crédité de programmes sociaux, visant à soutenir les populations, les plus vulnérables. Il a initié le projet de recasement des marchands ambulants. De plus, il a travaillé sur l'amélioration de l'accès à l'éducation avec le programme dénommé lait à l’école et aux services de santé, en particulier, pour les populations défavorisées.
En tant que maire, Khalifa Sall a su renforcer les liens entre la municipalité et les citoyens, en promouvant, la participation citoyenne. Il a créé des plateformes de dialogue pour permettre aux habitants de contribuer aux décisions concernant le développement de la ville.
Victime de ses résultats
Khalifa Sall a laissé une empreinte significative, sur la ville de Dakar, grâce à de nombreuses réalisations, pour améliorer les infrastructures, les conditions de vie des citoyens et la participation démocratique.
En 2018, le leader de Taxawu Sénégal est arrêté, pour détournement de fonds publics, ce qui a suscité des débats sur la nature politique de cette affaire et a augmenté son code de popularité. Le 29 septembre 2019, il bénéficie d’une grâce présidentielle. Sa carrière politique semblait totalement compromise. Mais, c’est sans doute mal connaitre, ce Socialiste de sève, aussi bien à l’aise, dans le dialogue que dans la confrontation. Fin négociateur, il a patiemment tissé sa toile, pour constituer, en quelques mois, avec l’appui de quelques leaders de l’opposition, la coalition Yewi Askan Wi, une force de frappe qui secoue tout le Sénégal. Le 23 janvier 2022, l’ancien maire de Dakar acte son retour, dans le jeu politique sénégalais, avec la victoire de la coalition Yeewi Askan Wi. Il impose une reconfiguration politique, pour la présidentielle de 2024, dont il est candidat. Qui l’eut cru ?
LA MANNE DES HYDROCARBURES ARRIVE, LA JEUNESSE S’EN VA
Au moment même où le pays s’apprête à entrer dans le cercle des producteurs de gaz que des milliers de jeunes Sénégalais se jettent à la mer. Ce paradoxe renseigne sur la crise de confiance de la jeunesse envers l’État APR-BBY - DÉCLARATION DU MONCAP
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration du Bureau Exécutif du Mouvement National des Cadres Patriotes reçue ce mardi 26 septembre 2023, à propos de la situation sociopolitique nationale.
Le Soleil dans son édition du 21 octobre 2023 vient d’annoncer que 80% des travaux d’installation des infrastructures du projet d’exploitation du gaz naturel liquifié Grand Tortue Ahmeyim (GTA) sont achevés. Les réserves du GTA, qui sont estimées à 1.400 milliards de mètres cubes, font espérer une production de 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an. La production des premiers barils de pétrole issus du gisement de Sangomar, quant à elle, est annoncée pour 2024. Le Sénégal espère recevoir en moyenne 700 milliards de francs CFA par an de recettes annuelles tirées de ces ressources.
Ainsi donc, c’est au moment même où le pays s’apprête à entrer de plain-pied dans le cercle fermé des pays producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz et qu’il engrangera de ce fait d’immenses ressources financières sous la forme d’impôts, de taxes et de redevances que des milliers de jeunes Sénégalais, au péril de leurs vies, se jettent par mer et désert dans des aventures d’émigration quasi suicidaires. Ce paradoxe renseigne sur la crise de confiance de la jeunesse sénégalaise en la capacité redistributive de l’État APR-BBY. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Pas plus tard que le lundi 11 septembre 2023, des migrants sénégalais qui depuis le désert du Nicaragua ou l’île de Lampedusa ont pu, grâce à la magie du net, consulter les sites d’informations en ligne ou les réseaux sociaux, n’ont pu manquer d’être enhardis en apprenant qu’à Khossanto (Saraya, Kédougou), deux de leurs compatriotes qui pourtant vivent à proximité de gisements d’or sont morts par balles pour avoir revendiqué des emplois subalternes au sein d’une société minière qui produit annuellement 16 tonnes d’or. Ce qui se traduit par un chiffre d’affaires de 600 milliards par an. Cette répression sanglante qui a aussi fait des dizaines de blessés a dû certainement raffermir les pas de ces jeunes migrants saqués par une économie extravertie qui laisse au pays des miettes en partie détournées par une classe politique dont l’indignité et la médiocrité n'ont d’égal que l’appétence prédatrice avec laquelle elle brade les ressources halieutiques, foncières et forestières à des compagnies étrangères. Ces jeunes qui fuient un avenir hypothéqué savent mieux que quiconque que le récit véhiculé dans les médias internationaux d’un État sénégalais engagé dans la transformation structurelle de son économie, producteur de richesses, résiliente des chocs exogènes, et qui sait garantir la bonne gouvernance, assurer la solidarité nationale et l’équité sociale de ses institutions pour mieux être au service de la redistribution régalienne des ressources est une pure fiction ! Le fait que le Sénégal soit classé parmi les pays sous-développés et qu’il fasse partie des PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) depuis 1999, c’est de manière expérientielle que ces jeunes en acquièrent la certitude. Ils ne sont que rarement surpris d’apprendre que le Sénégal a dégringolé dans le classement de l'Indice de Développement Humain (IDH) du PNUD en passant, de la 154ème place à la 170ème place (sur 190), entre 2012 et 2022, soit une perte de 16 places en seulement 10 ans. La détérioration concrète de leurs conditions sous le magistère de Macky Sall, les en a déjà informés.
Au demeurant, la recrudescence de l’émigration clandestine survient dans un contexte de criminalisation de l’opposition et de confiscation des libertés d’association, de réunion et d’expression. Un fait objectif : il a gagné en ampleur suite à l'arrestation du président Ousmane Sonko. Ce dernier, en sus d’avoir proposé, à travers son livre Solutions et son offre programmatique JOTNA, des pistes crédibles de lutte contre la pauvreté, le chômage, la dégradation des conditions de vie en milieu rural, le braconnage des ressources naturelles, a expressément mis l’accent sur la manière dont l’émigration irrégulière constitue un reflet de l’asymétrie des relations commerciales, du poids de la dette et de l’extraversion de nos économies, sans omettre la fuite des capitaux. Il s’est ainsi courageusement et résolument positionné contre ces facteurs systémiques qui appauvrissent de manière chronique nos populations et font de l’émigration irrégulière une irrésistible quête pour la jeunesse. Une quête que ni les discours moralisateurs, au Sénégal, ni ceux xénophobes, à l’étranger, n’ont pu freiner ; pas plus que n’ont pu l’estomper les obstacles ultrasécuritaires placés sur les chemins des aspirants (mûrs, clôtures, militarisation des frontières…) et les images glaçantes de migrants violentés au Maghreb, des cadavres qui flottent sur la méditerranée ou qui ont été récemment repêchés, si près de nous, à Ouakam…
Le président Ousmane Sonko qui a fini d’incarner un énorme espoir de changement pour la jeunesse sénégalaise est aujourd’hui brutalisé, bâillonné et emprisonné par un pouvoir qui, d’une main, propose aux migrants des solutions de replâtrage économique (aides au retour, projets d’émigration circulaires, document de politique migratoire...) et qui, de l’autre main qu’elle tend volontiers à l’Occident, collabore à l’externalisation des frontières européennes, à leurs contrôles de plus en plus meurtriers et enfin aux rapatriements des émigrants arrivés à destination alors que la gestion des fonds alloués à ces opérations par l’Union Européenne demeure souvent opaque.
C’est pourquoi nous, cadres patriotes, et avant tout citoyens, exigeons :
-Que la liberté d’aller et de venir des Sénégalais, dans des conditions dignes et sûres soit considérée comme un droit sacré,
-Que les droits humains des migrants soient respectés,
-Que la réciprocité soit au cœur de notre politique migratoire,
-Que cesse la prédation de nos ressources naturelles,
-Qu’une transparence totale soit de mise dans les fonds destinés au retour des migrants,
-Que les intrusions de forces policières étrangères sur notre territoire à des fins de contrôle des aspirants à l’émigration qui mettent en péril leurs vies et leurs droits soient reconsidérées,
Qu’il soit mis immédiatement fin aux manigances juridico-politiciennes ayant pour but d’empêcher le président Ousmane Sonko, porteur d’un projet de rupture avec les maux systémiques qui font fuir notre jeunesse, de participer à l’élection présidentielle de février 2024 !
PAR Souleymane Gueye
REPENSER LA GOUVERNANCE POUR LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION AU SÉNÉGAL
Une bonne gouvernance économique peut étouffer la corruption, faire croître l'économie, augmenter le taux d'épargne de l'économie et attirer des investissements directs étrangers
"Nous sommes dans un pays où la responsabilité et la transparence sont un problème". Birahim Seck, coordinateur du Forum civil de Dakar, Sénégal, et représentant de Transparency International au Sénégal.
Cet article examine l'utilisation des outils de gouvernance pour lutter contre la corruption au Sénégal. Il montre qu'une meilleure gouvernance peut accroître la transparence des processus décisionnels du gouvernement, responsabiliser les prestataires de services, dissuader efficacement la corruption et atténuer les effets de la corruption sur la société sénégalaise. La corruption au Sénégal est omniprésente et les effets nets de cette corruption comprennent de mauvaises performances économiques et des perspectives économiques floues à moyen et long terme. Par conséquent, des mesures simples pour améliorer la gouvernance institutionnelle, politique et économique et renforcer le contrôle de la corruption peuvent avoir un effet positif sur l'économie du Sénégal.
Dans la perspective des élections de 2024, de nombreux politiciens et candidats à la présidence proposent des politiques et des stratégies pour améliorer l’économie sénégalaise. Cependant, quelle que soit l'ampleur de ces politiques et stratégies, aucun changement significatif ou percutant ne peut en découler à moins que nous ne nous attaquions aux problèmes qui sont au cœur du gouvernement sénégalais, en particulier la mauvaise gouvernance et la corruption. Le Sénégal ne peut pas gagner la lutte contre la pauvreté sans gagner la guerre contre la corruption due à la mauvaise gouvernance.
La corruption n'est pas seulement toxique pour la croissance économique au Sénégal, mais elle détruit également l'incitation à jouer franc jeu, conduisant finalement à une rupture de la foi et de la confiance que les citoyens ont envers le système. L'impact de toute activité productive est amoindri dans l'environnement corrompu du Sénégal, dans lequel les gens qui réussissent sont ceux qui trichent, se livrent à la fraude, et détournent. Cette corruption généralisée et cette indemnisation des fraudes sont dangereuses pour la société et l’économie sénégalaises.
En outre, comme l’ont constaté beaucoup d’observateurs et acteurs actifs du fonctionnement de l’administration sénégalaise, le cadre juridique et les instruments nécessaires à la bonne gouvernance, tels que l'IGE (Inspection Générale d'État), la Cour des Comptes, le Contrôle Financier, l'ARMP (Agence de Régulation des Marchés Publics), l'ARTP (Agence de Régulation des télécommunications et de la poste) ont connu des dysfonctionnements, alors même que leur travail est censé fournir des informations sur la gestion alarmante et méprisable des affaires publiques (C. Gueye 2023). Les différents rapports, par exemple celui de la Cour des Comptes sur le Fonds Covid-19, ont fait état de nombreuses mauvaises pratiques de mauvaise gestion et de détournements de fonds publics. Ces différents rapports montrent une pratique de mauvaise gouvernance profondément enracinée à tous les niveaux du processus décisionnel au Sénégal.
En raison de la tendance croissante de la pauvreté, de l'augmentation des inégalités de revenus, de l'accaparement des terres fertiles par les étrangers, de la croissance économique extravertie, de la fuite des capitaux, la pertinence de la gouvernance pour atténuer les effets négatifs de la corruption sur les résultats macroéconomiques du Sénégal est évidente.
La bonne gouvernance au Sénégal - gouvernance institutionnelle, gouvernance politique et gouvernance économique - devrait être liée aux processus et résultats politiques, socioéconomiques et institutionnels nécessaires pour atteindre les objectifs économiques déclarés de création d'emplois et de réduction de la pauvreté.
L'objectif de la lutte contre la corruption devrait alors être d'accroître la transparence autour de la gestion gouvernementale des finances publiques. Il devrait également viser à faire d'une meilleure gestion des deniers publics la norme, en renforçant la gouvernance liée à tous les processus, institutions et pratiques gouvernementales de prise de décision et de réglementation des questions d'intérêt commun au Sénégal. (1)
Pour lutter contre la mauvaise gouvernance qui permet à la corruption de prospérer dans tous les secteurs de l'économie sénégalaise, nous proposons dans ce texte des solutions basées sur les différents outils de gouvernance qui mettent l'accent sur la responsabilité de ses actes et la capacité de répondre aux besoins des citoyens sénégalais.
Bonne gouvernance et réduction de la corruption
Les différents piliers sur lesquels repose la gouvernance peuvent être analysés en trois grandes catégories : la gouvernance institutionnelle, la gouvernance politique et la gouvernance économique. (2)
Gouvernance institutionnelle : État de droit et contrôle de la corruption
État de droit et indépendance du pouvoir judiciaire
Les citoyens sénégalais devraient exiger du gouvernement qu'il respecte la séparation des pouvoirs en rééquilibrant le pouvoir de l'exécutif et en rendant le pouvoir judiciaire plus indépendant. Cela permettra au pouvoir judiciaire d'appliquer les lois et de protéger les citoyens d'une prise de décision arbitraire. Par exemple, le président ne devrait pas être le seul à nommer le procureur de la République - il devrait être nommé par un comité choisi parmi la société civile, le barreau, l'association des magistrats et un représentant du pouvoir exécutif après un appel à candidatures.
Des garde-fous devraient être mis en place pour faire respecter le principe « d'inamovibilité » des magistrats, quelle que soit la volonté du président. Comme l'affirmait l'actuel président du Sénégal en 2012 sur les besoins de réformes institutionnelles : « Placé sous la tutelle du pouvoir exécutif, instrumentalisé par ce dernier et insuffisamment doté de moyens humains et matériels, le pouvoir judiciaire n'est pas toujours en mesure d'exercer pleinement ses missions avec impartialité et indépendance. Mettre fin à cette situation passe par le renforcement de l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature à travers sa composition, son organisation et son fonctionnement ». (3).
La déclaration ci-dessus illustre la nécessité et l'urgence de réformer le système judiciaire au Sénégal. Premièrement, il est important de mettre en œuvre une gestion intègre basée sur des règles claires. Cela passe par une réforme du CSM (Conseil Supérieur de la magistrature). L'objectif de cette réforme serait de limiter l'ingérence du pouvoir politique dans l'exercice du pouvoir judiciaire en garantissant la transparence dans la gestion des carrières des magistrats. Pour cela, le peuple sénégalais devrait être représenté au sein du CSM par des personnes choisies parmi les députés, un avocat, un professeur de droit, un membre choisi par la société civile, un membre de l'UMS (Union des Magistrats du Sénégal) (4) afin qu'ils puissent exercer un contrôle permanent du CSM. Sinon, une surveillance est nécessaire pour limiter le contrôle de l'exécutif sur le judiciaire. Le système judiciaire doit être renforcé pour gagner en autonomie et en indépendance. Une façon d'atteindre cette gestion intègre est de créer un comité de gestion de carrière indépendant de la branche exécutive.
Deuxièmement, une limitation du pouvoir du président est obligatoire. Cette limitation devrait être accompagnée par une possibilité de le destituer dans des circonstances bien définies et par une création de mécanismes pouvant être utilisés pour poursuivre les ministres au niveau pénal (parquet financier). Ce parquet financier autonome devrait également lutter contre les problèmes économiques et financiers en gérant les dossiers d'accusations de détournement de fonds publics (Niane 2023).
Enfin, le « compte discrétionnaire » connu sous le nom de « caisse noire » à la disposition du président devrait être supprimé. À tout le moins, des mécanismes d'audit devraient être mis en place concernant le décaissement et l’utilisation des fonds, chaque année avant le début de l'exercice budgétaire,
Contrôle de la corruption
Outre ces réformes institutionnelles, que peut faire le peuple sénégalais face à l'environnement hautement corrompu du Sénégal ?
Réduire la corruption au Sénégal nécessite de changer les normes de comportement à travers des activités anti-corruption efficaces impliquant des groupes de personnes opérant en public. Des stratégies visant à modifier les comportements doivent être mises en œuvre à tous les niveaux de la société. Ce changement de comportement social peut être encadré à l'aide d'un modèle socioéconomique qui considérerait non seulement l'individu mais sa relation avec sa communauté et sa société. En effet, les Sénégalais peuvent entreprendre les actions suivantes recommandées par Transparency International (5) :
Suivi des dépenses publiques
Vérification des prestations et des services gouvernementaux
Rédaction des bulletins citoyens
Crowdsourcing d’information
Demande d’engagement aux candidats ou aux électeurs de respecter les promesses électorales
Protestation et lancement de pétition des entités étatiques et locales
L’application de ces idées simples nécessite d'attirer l'attention du public sur les stratégies de mise en œuvre de ces actions à travers une action collective. Pour que cela soit efficace, une stratégie de communication doit être conçue en utilisant les plateformes de médias sociaux pour créer des connaissances communes et coordonner les efforts de lutte contre la corruption de bas en haut.
Outre l'implication des citoyens dans la lutte contre la corruption, d'autres actions doivent être entreprises pour compléter ce contrôle de la corruption. Par exemple, l'augmentation des salaires des fonctionnaires peut réduire la corruption si elle s'accompagne d'une application plus stricte ou d'efforts visant à modifier les normes permissives à tous les niveaux du processus décisionnel (6).
Une presse libre est aussi essentielle pour dénoncer la corruption et catalyser le soutien aux réformes. Les médias ne doivent pas être contrôlés par le gouvernement ni appartenir à des personnes simplement mues par leurs propres intérêts. En ce sens, l'Assemblée nationale devrait adopter un projet de loi sur l'accès à l'information visant à « renforcer la gouvernance et la transparence tout en garantissant à tous les citoyens l'accès aux informations détenues par les entités publiques » comme promis par l'actuel président.
Une surveillance et une application plus strictes par des autorités anti-corruption dédiées et autonomes peuvent être efficaces dans la lutte contre la corruption au Sénégal. Un leadership efficace est très important pour conduire le changement dans les normes de corruption du haut vers le bas, et pour coordonner les efforts ultérieurs des citoyens ordinaires.
Les actions suggérées que les citoyens sénégalais devraient entreprendre pour lutter contre la corruption peuvent restaurer la confiance dans les institutions nationales à court, moyen et long terme. Cela créera un climat dans lequel l'état de droit est respecté et de meilleures normes de comptabilité de l'information promues pour dissuader les comportements corrompus et éviter la destruction des activités génératrices de revenus et créatrices de richesse dans le pays. Les réformes doivent se produire au niveau individuel, au niveau communautaire et au niveau des politiques publiques pour qu'elles soient efficaces.
Gouvernance politique : Commission indépendante pour contrôler toutes les élections au Sénégal
La gouvernance politique peut être définie comme la tenue d’élections et le remplacement des dirigeants politiques lors d'élections libres, transparentes, inclusives, afin de créer un environnement politique stable et de palier aux problèmes associés à la corruption. Ces problèmes comprennent l'étouffement de la croissance économique, la pauvreté, l'inégalité des revenus et l'incapacité d'attirer les investissements étrangers directs. En conséquence, en présence d'instabilité politique et de violence, il est très probable que les investisseurs quittent le pays ou essaient de transférer leur capital vers un environnement économique avec un niveau d'investissement et des risques politiques plus faibles. Le Sénégal est connu depuis longtemps comme un environnement à faible risque dans la région de l'Afrique de l'Ouest et sa stabilité politique est un atout important qui doit être protégé.
De plus, les institutions politiques telles que les élections compétitives et la responsabilité de l'exécutif au Sénégal sont perçues comme absolutistes par nature, en raison d'un système exécutif fort doté d’un pouvoir énorme, illimité et étroitement réparti. Par conséquent, cette distribution du pouvoir a créé un environnement défavorable à la performance économique et conduit à un contexte économique dans lequel les détenteurs du pouvoir ont pu mettre en place des institutions économiques (7) pour s'enrichir et accroître leur pouvoir aux dépens de l'ensemble de la société sénégalaise. Ceci est très préjudiciable à l'économie sénégalaise car il a contribué à un transfert de capitaux des investisseurs vers d'autres pays comme ceux des pays d'Asie de l'Est, où les institutions politiques sont plus stables et crédibles (8). Les investissements directs étrangers du Sénégal pour 2020 étaient de 1,85 milliards de dollars, soit une augmentation de 73,23 % par rapport à l'année précédente. En 2021, il était de 2,23 milliards de dollars, ce qui représentait une augmentation de 20,93 % par rapport à 2020. Dans l'ensemble, les investissements directs étrangers ont diminué d'environ 71,4 % entre 2020 et 2021 et cette tendance devrait se poursuivre en raison de l'instabilité politique. Par conséquent, le pays devrait renforcer les institutions politiques capables de répartir largement le pouvoir politique de manière pluraliste, d'établir la loi et l'ordre afin de minimiser la corruption et de punir les mauvais comportements contre-productifs. Cela jetterait les bases de droits de propriété sûrs et d'une économie de marché inclusive favorable aux investissements à long terme et à une croissance économique inclusive.
Les investisseurs réagissent naturellement négativement aux événements politiques défavorables à leur rendement en réduisant leurs investissements. Malheureusement, le Sénégal connaît cette situation à cause de l'instabilité et de l'incertitude créées par le refus de l'actuel président d’organiser des élections inclusives, transparentes et de respecter les droits des sénégalais garantis par la Constitution du Sénégal (9).
Étant donné que l'instabilité politique et la responsabilité influencent directement le niveau de corruption, le montant des entrées de capitaux et la croissance économique dans un pays, il est important de renforcer les institutions politiques inclusives en mettant en œuvre les recommandations de la CNRI (Commission Nationale de Réforme des Institutions) (10) et en adoptant la « charte de la gouvernance démocratique » issue des « Assises nationales ». Par conséquent, le Sénégal peut atténuer les effets négatifs de la corruption et retrouver la stabilité politique pour une croissance économique inclusive soutenue, avec des effets positifs durables sur la réduction de la pauvreté. C'est la raison pour laquelle nous ne devrions pas permettre au gouvernement actuel de créer un environnement d'instabilité politique et de violence en faisant fi de la volonté du peuple sénégalais.
Dès lors, il est urgent de créer une Commission Indépendante chargée de l'élection, une Haute Autorité Pour la Transparence de la Vie Publique (HAPTV) et de rétablir le « Code électoral consensuel » (11) qui a contribué à l'élection pacifique de deux présidents depuis 2000.
Gouvernance économique : efficacité du gouvernement et qualité de la réglementation
La gouvernance économique fait référence au système d'institutions économiques créées pour atteindre les objectifs économiques déclarés du gouvernement sénégalais, à savoir la croissance économique, la réduction de la pauvreté et l'amélioration du niveau de vie des citoyens sénégalais. Ces objectifs peuvent facilement être atteints avec une bonne gouvernance. Malheureusement, la mauvaise gouvernance au Sénégal a produit des dommages économiques considérables - chômage massif, perte substantielle de revenus, taux de pauvreté élevé, dommages irréversibles au capital humain de la population, insécurité alimentaire, faim, et faible espérance de vie - qui inquiètent les investisseurs quant à la stabilité de l'environnement macroéconomique et affectent leur confiance par rapport aux perspectives économiques du Sénégal. Cette mauvaise gouvernance économique s'est traduite par des perspectives économiques incertaines à moyen et long terme, décourageant ainsi les investisseurs de placer leurs actifs dans l'économie et les incitant à préférer un environnement économique plus sûr associé à moins de corruption. De ce point de vue, le Sénégal prend le risque de voir des actifs et de l'argent quitter le pays à cause d'une mauvaise gouvernance économique qui peut réduire les performances macroéconomiques et décourager les flux de capitaux. Cela est très apparent au Sénégal, car les politiques conçues pour fournir des biens et services publics, construire des infrastructures, créer des emplois, et augmenter le revenu disponible, sont conçues par les décideurs et les fonctionnaires de telle sorte qu'ils détournent et déposent des fonds volés dans des banques étrangères (ce montant est estimé à 250 milliards de francs CFA par an). Au Sénégal, beaucoup de gens perçoivent la mauvaise gouvernance comme un fléau social qui entrave grandement la performance économique du pays.
Il découle des arguments ci-dessus qu'une bonne gouvernance économique peut étouffer la corruption, faire croître l'économie, augmenter le taux d'épargne de l'économie et attirer des investissements directs étrangers qui peuvent être utilisés pour démarrer le processus de transformation du secteur primaire (agriculture, pêche, foresterie, gisements miniers) pour poser les bases d'une stratégie planifiée d'industrialisation au Sénégal. Par conséquent, je propose la réforme suivante concernant les agences économiques de régulation au Sénégal :
Modifier le processus de nomination des membres de l'ARMP (membres choisis par le président, le congrès et la société civile parmi un groupe de personnes qualifiées approuvées par leurs pairs) ;
Créer une agence pour l'exploitation du pétrole et du gaz (Commission de régulation de l'énergie composée de cinq membres choisis par le président, l’Assemblée nationale, les travailleurs des industries et des universitaires aux références irréprochables dans le domaine concerné) ;
Créer un bureau de gestion budgétaire a l’Assemblée Nationale doté d'un statut indépendant chargé d'évaluer les dépenses de l'État, de suivre les recettes fiscales et autres ressources financières. Ce bureau devrait être géré par une personne indépendante ayant une expertise dans la procédure budgétaire et des titres universitaires.
Mettre en place des mécanismes pour suivre la vente et l'acquisition de biens publics. Cela peut se faire par la publication d'un rapport annuel établissant les revenus/dépenses et décrivant le processus par lequel les actifs publics ont été vendus ;
Suivre les flux d'argent en vérifiant les dépenses par rapport à un budget complet ;
Faire contrôler le Compte Unique du Trésor par un comité indépendant ;
Nous avons discuté des canaux par lesquels la corruption génère une misère économique et sociale conduisant beaucoup de jeune sénégalais à tenter l’aventure étrangère par tous les moyens. L'implication politique est claire et simple : pour avoir une croissance économique inclusive et réduire la pauvreté, le Sénégal devrait redoubler d'efforts pour améliorer la bonne gouvernance afin d'atténuer les effets néfastes de la corruption sur l'économie. Les actions visant à promouvoir la bonne gouvernance devraient inverser les moteurs du comportement non productif des agents économiques et des fonctionnaires. Ces actions devraient s'articuler autour de trois piliers que sont la gouvernance politique, la gouvernance institutionnelle et la gouvernance économique. D'abord, la gouvernance politique peut stabiliser l'environnement résultant de l'instabilité politique créée par la volonté du président de vouloir organiser des élections en sélectionnant les candidats lui-même et d'empêcher le principal chef de l'opposition de participer à la prochaine élection présidentielle. Deuxièmement, la gouvernance économique peut réduire le taux de chômage des jeunes et le niveau de pauvreté résultant de la corruption, de l'instabilité économique, de l'inefficacité du gouvernement et de la mauvaise qualité de la réglementation. Troisièmement, la gouvernance institutionnelle peut atténuer la pauvreté, la misère et l'inégalité des revenus résultant de la corruption et du non-respect de l'État de droit. Notre recommandation est donc d'améliorer la bonne gouvernance pour atténuer les effets généralisés de la corruption et créer les conditions pour créer des emplois, fournir de bons services publics, et construire des infrastructures appropriées pour une croissance économique durable, soutenue qui pourra jeter les bases d’un développement économique du Sénégal.
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Le Conseil Supérieur de la Magistrature : L'indispensable reforme par Ibrahima Dème Wathinote 29 janvier 2018.
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